Aujourd’hui transformé en un gigantesque business mondial, le surf est pourtant né loin des compétitions et autres médiatisations à outrance. Le nouveau documentaire d’Antoine Besse, Courbes, nous le rappelle avec poésie et sincérité.
Lorsque je les croise dans les rues de leur village chéri des Landes, au beau milieu du mois d’août, ils n’ont toujours pas changé. Cela fait une bonne vingtaine d’années que je les connais à présent, et pourtant, Théo, Marvin, Nicolas, Jean-Louis et Paul ont su rester les mêmes : déconneurs, rêveurs, et surtout surfeurs. Ils ont laissé tomber le classique métro-boulot-dodo pour vivre au rythme de leur passion : travaillant d’arrache-pied durant l’été, ils s’envolent l’hiver venu à l’autre bout de la planète, à la recherche de nouvelles vagues à dompter.
Ce train de vie qui est le leur depuis des années, le réalisateur Antoine Besse (à qui l’on doit déjà le superbe Skate Moderne) a décidé de le capturer. Théo, Marvin, Nicolas, Jean-Louis et Paul sont aujourd’hui les héros de Courbes, un documentaire qui sublime sans tricher la signification originelle de l’expression “surf spirit”.
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Une aventure célébrée de père en fils
Courbes, c’est l’histoire d’un voyage perpétuel, transmis de père en fils, de spot en spot. L’histoire de deux générations d’hommes qui ne vivent que pour le surf : celle des anciens, incarnée par Barry, un Australien immigré en France qui s’est retrouvé au cœur de ce petit village landais qu’il n’a jamais quitté ; et celle de leurs enfants, incarnée par Théo, le fils de Barry, qui perpétue aujourd’hui l’héritage de son paternel. Après avoir suivi les anciens quelques semaines durant, entre interviews, bières et surf, Antoine Besse et son confrère Romain Campet s’envolent pour une contrée loitaine accompagnés de la nouvelle génération, pour un tournage aussi fascinant que complexe :
On a passé des semaines sur l’île à devoir marcher des heures pour recharger nos batteries, attendre des jours avant d’avoir une pêche digne de ce nom et donc se contenter de riz à l’huile la plupart du temps. Il fallait constamment s’organiser pour savoir qui irait à l’eau avec le caisson et qui filmerait de la plage, sachant qu’on mangeait pas assez, qu’on rationnait l’eau et qu’il ne fallait pas louper une seule vague. […]
L’attente des vagues rendait l’arrivée de celles-ci encore plus mystique. Je pense que c’est ce qui a rendu le tournage de ce film complètement surréaliste et surpuissant. Avec Romain, on n’était pas des yeux extérieurs mais bel et bien des yeux internes au projet. On était autant protagonistes que les protagonistes eux-mêmes, on ressentait leur faim, leur colère, leur fatigue, leur joie, on allait à l’eau avec eux, partageant la même passion qu’eux.
À la recherche de l’été éternel
Les protagonistes de Courbes ne sont pas sans rappeler ceux de The Endless Summer, “premier film de cette génération d’aventuriers post soixante-huitards“comme le rappelle Antoine Besse. Un long métrage réalisé par Bruce Brown, qui suit le périple des surfeurs américains Mike Hynson et Robert August bien décidés à parcourir la planète à la recherche des meilleures vagues – et d’un été sans fin. Notre réalisateur poursuit :
[The Endless Summer] est devenu culte dans le milieu du surf. Jusqu’à aujourd’hui, il reste le seul film dont l’ambition est de s’intéresser au “surf spirit”. Cette mentalité qui décide les plus férus d’entre eux à s’adonner sans limite à leur passion, à la règle des vagues. Je sentais que cet esprit avait été conservé dans ce petit endroit coupé du monde.
En effet, depuis ces années-là, le surf est passé de sport marginal à sport branché, devenant la cible d’industries marketing alors qu’il est par essence un loisir proche de la nature et des hommes. Si les compétitions et les sponsors sont très importants pour beaucoup, les gens de ce village ont gardé un véritable esprit libre, héritage sans concession des années 70, loin, très loin de l’industrialisation du surf. Cet esprit m’a toujours enthousiasmé. Je le croyais perdu.
Le redécouvrir avec ces gens m’a donné envie de me rapprocher d’eux. Dans ce village, où le surf tient une place si importante, les générations se confondent et surfent ensemble. Leur vie se modèle en suivant les règles de l’océan. Il y a surtout la saison d’été et son cortège de petits boulots afin que chacun puisse partir surfer des vagues lointaines l’hiver venu.