L’association de journalistes a passé au crible cinq talk-shows français pendant un mois, et les résultats montrent à quel point la télévision a du mal à “traiter avec respect les personnes LGBT, les minorités et les femmes”.
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En novembre 2016, l’Association des journalistes lesbiennes, gays, bis et trans (AJL), créée en 2013 durant la Manif pour tous, analysait l’homophobie obsessionnelle de Touche pas à mon poste, entre humiliations, menaces et caricatures.
Ce mercredi 20 décembre, l’AJL a dévoilé les résultats de sa nouvelle étude, qui s’est cette année concentrée sur cinq autres talk-shows français diffusés au mois de novembre sur différentes chaînes visant différents publics. “Nous avons sélectionné ces cinq émissions pour leur popularité et leur caractère prescripteur”, a expliqué Clément Giuliano, coprésident de l’association, au Monde. Et force est de constater que “‘Touche Pas à Mon Poste’ n’a pas le monopole de l’oppression des minorités ni du sexisme”.
Pour Alice Coffin, porte-parole de l’AJL, ces émissions cherchent en effet à “faire du buzz sur le dos des minorités”, généralement sous couvert de l’humour. La journaliste a d’ailleurs souligné que l’idée n’était pas de dire “que telle émission ou tel journaliste est homophobe”, mais qu’il y a “des comportements et des blagues qui le sont”.
Ardisson et les discriminations
17 journalistes membres de l’association ont visionné en tout cent heures de programmes pour 56 émissions. Ont été analysés “Quotidien” et “L’heure des pros”, diffusés tous les jours respectivement sur TMC et Cnews, ainsi que les hebdomadaires “On n’est pas couchés” (France 2) et “CPolitique” (France 5). Deux émissions présentées par Thierry Ardisson ont également été passées à la loupe, “Salut les Terriens” et “Les Terriens du dimanche” (C8).
Résultat, l’AJL a identifié une cinquantaine de séquences problématiques dans ces émissions en novembre, dont “17 clairement LGBTphobes, et un nombre tout aussi élevé de séquences sexistes et racistes”. L’étude met notamment en évidence 8 cas de minimisation criante du harcèlement sexuel, quelques semaines à peine après l’affaire Weinstein.
Toutes les émissions visionnées ne sont pas également coupables : on retrouve en première place les deux émissions d’Ardisson, qui selon l’association sont celles du panel “qui laissent la plus grande place à l‘homophobie, à la transphobie, au sexisme et au racisme”. Les interventions de Laurent Baffie se distinguent aux côtés des questions du présentateur.
“On n’est pas couché” (dont on se souvient notamment de la séquence entre Christine Angot et Sandrine Rousseau en septembre) n’est pas en reste, avec 11 séquences problématiques relevées par l’AJL, qui constate des schémas sexistes et des remarques LGBTQphobes.
L’apparemment moderne émission “Quotidien” n’est pas non plus épargnée, avec le même nombre de séquences relevées : des clichés sexistes et LGBTQphobes sont ainsi relayés, mais le problème réside surtout dans le manque de clarté des séquences. Si des propos discriminatoires sont mis à l’index, c’est de façon humoristique et sans que leur caractère problématique ne soit clairement mis en évidence et formulé, ce qui peut prêter à confusion.
Des difficultés de la télé à “traiter avec respect les personnes LGBT, les minorités et les femmes”
Du côté de “L’heure des pros”, ce sont les invités venant commenter l’actualité qui posent problème : la parité est plus que rare, et les propos discriminatoires sont monnaie courante. “Minimisation fréquente des violences sexuelles par des hommes, remarques sexistes, obsession de l’islam, désinformation…” : l’association de journalistes a identifié 14 séquences problématiques.
Seule “C Politique” relève le niveau du panel, avec une “seule” séquence problématique sur le mois. L’AJL a donc salué “une sélection soignée des invité-e-s et un climat bienveillant à l‘égard de l’ensemble des composantes de la société”. Le constat général n’en demeure pas moins préoccupant pour l’AJL, qui remarque combien l’étude souligne “la difficulté, pour la télévision, de traiter avec respect les personnes LGBT, les minorités et les femmes”. Pointant comment elle “légitime, par ses représentations, la pérennité d’un système discriminatoire et oppressif”, l’AJL rappelle que les marques de LGBTphobies sont des délits.
L’association a déjà engagé une discussion avec le CSA, et notamment appris que le baromètre sur les discriminations du Conseil n’incluait pas l’homophobie. Alice Coffin a donc précisé à LCI qu’en attendant de nouvelles prérogatives du CSA, chacun·e pouvait recourir au “name and shame” sur Twitter pour dénoncer les séquences problématiques, tandis que l’AJL voulait de son côté favoriser au maximum le dialogue avec les chaînes concernées :
“De plus en plus, nous préférons leur envoyer directement des mails, pour leur proposer d’en discuter. Avec cette étude, nous pourrons arriver avec un catalogue de séquences à leur montrer. Reste à savoir si elles seront réceptives… je pense sincèrement que la plupart d’entre elles n’ont pas la volonté de mal faire.”