Une polémique en trois actes
Malaise au dîner des révélations, retour de la polémique Polanski et tribune au vitriol : la fronde visant la direction des César s’est développée en trois temps depuis le début de l’année.
Le 13 janvier, les César organisent un dîner consacré aux révélations, en lice pour les nominations des espoirs féminins et masculins. La tradition veut que ces derniers soient parrainés par des acteurs ou réalisateurs de premier plan. La Société des Réalisateurs de Films (SRF) s’indigne que l’Académie ait cette année refusé deux marraines, la romancière Virginie Despentes et la réalisatrice Claire Denis, pas assez légitimes et médiatiques pour les organisateurs de l’événement.
Le syndicat dénonce alors “des agissements opaques et discriminatoires indignes”. Au cours de la soirée, plusieurs réalisateurs et acteurs, dont Michel Hazanavicius, Cédric Klapisch et Marina Foïs, relaient les protestations de la SRF, refusant “qu’il y ait des artistes désirables et indésirables”. L’Académie des César présente immédiatement des excuses.
Survient ensuite l’acte 2. Au Fouquet’s, le 29 janvier, le président des César Alain Terzian dévoile les nommés pour la 45e cérémonie du 28 février : J’accuse de Roman Polanski, dont la sortie a été perturbée par une nouvelle accusation de viol contre le réalisateur, est nominé pour douze prix.
L’Académie “n’est pas une instance qui doit avoir des positions morales“, souligne Alain Terzian. “Sauf erreur de ma part, 1,5 million de Français sont allés voir son film. Interrogez-les“.
Cela n’empêche pas la polémique de repartir de plus belle autour de Polanski, que le cinéma français est régulièrement accusé de trop protéger. Si le ministre de la Culture Franck Riester souligne que l’Académie “est libre de ses choix“, sa collègue en charge de l’Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa s’interroge sur “le message qui est envoyé“.
Des associations féministes ont depuis annoncé un rassemblement de protestation devant la salle Pleyel le jour de la cérémonie. Dès ces nominations et dans les jours qui suivent, Alain Terzian promet aussi des réformes de l’Académie. Il évoque une “modernisation essentielle”, passant par l'”ouverture” et “la parité”.
Le 10 février dernier, enfin, quelque 400 personnalités du cinéma français dont Omar Sy, Bertrand Tavernier, Céline Sciamma ou Agnès Jaoui signent une tribune dans Le Monde pour réclamer une “réforme en profondeur” de l’Académie des César.
Représenter le cinéma français “dans toutes ses esthétiques et sa diversité”
Le ministre de la Culture a déjà fixé un cap en souhaitant que la nouvelle direction puisse “permettre de représenter le cinéma français dans toutes ses esthétiques et sa diversité“.
Une assemblée générale se tiendra donc après la cérémonie du 28 février et sera l’occasion d’élire une nouvelle direction pour préparer les modifications des statuts fondateurs.
Pour faire face à la crise, Alain Terzian, qui semblait jusque-là indéboulonnable, avait annoncé des mesures en vue d’instaurer la parité au sein du collège des votants (35 % de femmes actuellement), du conseil d’administration (28,5 % de femmes) et de l’APC (17 % de femmes).
“Insuffisant” aux yeux des signataires de la pétition, après des accusations de viol et d’agression sexuelle dans le milieu du cinéma français, dont celles de l’actrice Adèle Haenel, qui ont provoqué un électrochoc deux ans après le début du mouvement #MeToo.
“Quand on se mobilise, les choses bougent !“, a commenté sur Twitter le collectif féministe #NousToutes, avec le nom de Polanski, accolé. “Imaginons la suite ? Nouveau collège de votants sans entre-soi masculin, opacité et sexisme. Et on finira bien par cesser d’acclamer des violeurs, pédocriminels en cavale ?“, a réagi Osez le féminisme !
Le réalisateur franco-polonais sera “a priori” à la cérémonie. “Il n’y a aucune raison qu’il ne vienne pas“, a affirmé cette semaine le producteur de J’accuse, Alain Goldman, dans le Point, estimant que “soutenir Polanski ce n’est pas soutenir le viol“.
Konbini avec AFP