La découverte
Stéphane Buriez est guitariste/chanteur de Loudblast, pilier du death metal français. Aujourd’hui, il cumule son rôle de frontman à celui de présentateur pour l’émission Une dose 2 metal, seule émission hebdomadaire consacrée à ce type de musique en France (diffusion sur l’Enôrme TV). A l’époque, il avait découvert la Panthère dans son propre pays.
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Avec Loudblast, on enregistrait à Tampa, Floride, au Morrisound [un studio mythique du death metal, ndlr]. On a découvert Pantera parce que leur chanson “Cemetery Gates”, un excellent morceau, passait en boucle dans tous les clubs et sur MTV. Je suis devenu fan par la suite.
Si Stéphane Buriez avait déjà quelques enregistrements à son actif aux débuts du groupe, le jeune Etienne Sarthou n’avait encore pas connu les studios qui lui deviendront familiers ensuite avec son groupe AqME, aujourd’hui signé chez le label AT(h)OME. Lui était bien plus jeune lorsqu’il a découvert le groupe, un peu plus tard, avec leur deuxième album Vulgar Display Of Power :
C’était en 92 ou 93, je devais avoir 13 ou 14 ans quand un pote m’a fait écouter Vulgar Display Of Power et j’ai immédiatement adoré ! Quelques temps après, j’étais tellement fou d’impatience à l’approche de la sortie de Far Beyond Driven [le troisième album du groupe, ndlr] que j’allais presque tous les jours chez mon disquaire pour savoir si l’album était enfin arrivé !
L’énergie m’a marqué. Il y avait une énergie qui venait du thrash metal [Metallica, Megadeth, Slayer… ndlr] mais surtout une violence, un côté tough guy que le thrash avait perdu. Entre nous, on appelait ça du “power metal”. A la même époque, je les ai vus avec Megadeth en tête d’affiche dans le sud de la France et Pantera avait ridiculisé Megadeth…
Ca fait partie d’un groupe qui a créé des genres, comme Death, comme Neurosis, comme Dillinger Escape Plan. C’est un groupe locomotive, et après d’autres arrivent et accrochent leurs wagons. Sans Pantera, pas de Slipknot, pas de Lamb Of God.
Il n’y a pas que sur Michael Berberian que ça marche. Tout le monde aime Pantera. D’ailleurs, le groupe impressionne tant que leurs lives demeurent, aujourd’hui encore, anthologiques. Et ce n’est pas Etienne, le batteur d’AqME, qui nous dira le contraire :
Quand j’ai enfin pu voir le groupe en live au Zénith en 1998, je me souviens avoir pris la plus grosse claque en concert de toute ma vie… J’avoue ne m’en être toujours pas remis, ce concert reste ma référence à tout point de vue.
Dimebag l’icône
Mais parmi les dizaines de guitaristes un peu talentueux avec leurs dix doigts que compte le metal, pourquoi Dimebag Darrell est-il devenu si iconique ? Arno Strobl, qui le compare carrément à Eddie Van Halen, a sa petite idée :
Il a un son inimitable, un groove incroyable, et il a été un des rares à savoir concilier l’héritage du passé (je pense notamment à Ace Frehley de Kiss, son héros absolu) à un véritable avant-gardisme au niveau des sons. J’apprécie aussi le fait que l’on puisse siffler ou chanter ses solos, dont celui de “Cemetary Gates”. Ils sont indissociables des morceaux, au même titre qu’un couplet ou un refrain.
Agacés par la démonstration technique constante des années 80, une certaine part des auditeurs des années 90 se désintéressent des solos de guitare, devenus finalement assez ringards. Pourtant, alors même qu’il fait partie de cette génération, Etienne Sarthou le trouve “aussi doué en rythmique qu’en solo” et le considère “tout simplement [comme] le meilleur guitariste metal de tous les temps”.
Etienne est batteur, mais son avis semble partagé des guitaristes également. Même si la musique de Pantera n’a pas directement influencé celle de Loudblast, Stéphane Buriez reconnaît que “c’était un des meilleurs guitaristes de sa génération”. Il l’atteste, Dimebag a traversé les décennies :
C’est le riffeur par excellence, un soliste hors pair. Il mélangeait ses influences blues à quelque chose de plus moderne. Il a remis le shred “de bon goût” . C’est LE guitariste qui a marqué les années 90 et 2000 en metal. Même la jeune génération se réclame de Pantera ! Mon fils a 20 ans et il l’adore.
Ce jour-là…
Effet Freddie Mercury ? Peut-être. N’empêche, (presque) chacun d’entre eux se souvient d’où il était quand il a appris la nouvelle de son décès. En 2004, Eric Cambray de Metalorgie était étudiant. En ce triste jour, il quitte les cours pour vérifier l’info sur des sites spécialisés américains. Arno Strobl, journaliste pour feu-le mensuel Hard’n’Heavy, apprend la nouvelle sur le net lui aussi et appelle immédiatement son rédac’chef : “Plus que l’annonce de sa mort, ce sont surtout les circonstances de son décès qui m’ont vraiment choqué. Un musicien qui se fait abattre sur scène par un “fan”, c’est tout de même assez peu banal”, juge-t-il.
Stéphane Buriez, lui, était en tournée avec Loudblast pour son disque Planet Pandemonium. En homme de scène, il l’a vécu comme “un truc aberrant”, “complètement dingue”. Excès en tous genres, précarité du milieu, conduites stupides… “il y a beaucoup de morts violentes dans le metal et le rock, mais se faire abattre par un illuminé c’est choquant”.
Pour le boss de Season Of Mist, c’est “une histoire glauque comme il n’en arrive qu’aux Etats-Unis.” Michael Berberian, c’est d’abord du dégoût qu’il a ressenti quand il a appris la tragédie :
C’est des millions qu’on leur aurait offert pour reformer Pantera. Une tournée de trente dates du groupe dans le monde entier et les mecs n’auraient plus eu à lever le petit doigt de leur vie pour gagner leur croûte. Et là, ce jour-là, il était suffisamment riche pour ne plus avoir à faire ce genre de concerts. Pourtant, comme Lemmy de Motörhead, il est venu faire ce qu’il est né pour faire. Il n’en a pas besoin et il prend une balle.
L’héritage
Effet Freddie Mercury ou pas, s’il s’agit de se souvenir de Dimebag Darrell, c’est parce que Pantera a marqué le metal au fer rouge. Pour Arno Strobl, c’est tout net :
Il suffit d’écouter tout le metal américain actuel – Lamb Of God en tête – pour se rendre compte que les gars lui ont tout pompé. Sauf le talent et l’inventivité, bien sûr.
Pour Eric Cambray, il y a aussi “une attitude, des poses, un côté rock’n’roll” qui fait que “Dimebag a marqué de son style le genre entier”. Fan de sa musique, Etienne Sarthou lui reconnaît complètement son statut d’icône :
il laisse aussi une certaine forme de philosophie artistique, mélangeant sérieux et engagement à l’égard de la qualité musicale, mais aussi un fun de tous les instants dans la vie et dans le partage avec les fans sur scène. Finalement c’est ça faire de la musique pour moi.
S’il n’y avait qu’une chanson
En cinq albums de légende gavés à ras bord de riffs incandescents et de solos branchés sur ligne à haute tension, la plume trempée au Jack Daniels, Pantera a signé des classiques du genre. S’il ne devait retenir qu’une seule chanson, Stéphane Buriez opte pour “Fucking Hostile” : “Des riffs aux paroles, elle représente tout ce qui est Pantera. Tout est dit.” Ex-aequo avec la power ballad du premier album “Cemetery Gates”, Arno Strobl choisit aussi “Fucking Hostile”.
Mais même s’il ne voit “pas une seule chanson à jeter”, Stéphane Buriez pointe aussi notre attention sur “Walk”, un titre qu’il joue sur scène avec Le Bal des Enragés (supergroupe de la scène française réunissant des membres de Punish Yourself, Tagada Jones, Black Bomb A, Lofofora…). Et en fait, de Michael Berberian à Marseille à Eric Cambray à Nantes, la chanson “Walk” est le choix évident pour chacun.
Etienne Sarthou est formel : “Dès les premières notes de ce riff magique, Dimebag nous dit déjà tout ce qu’il faut savoir : peu importe la complexité de ce qu’on joue, au final il faut que ça groove”. Et depuis son tabouret de batterie, il sait de quoi il parle question tempo. Pas de problème pour le patron de Metalorgie, pour qui c’est “le titre parfait. Ultra-accrocheur, pas une ride”.
Michael Berberian, lui aussi, choisit “Walk”, parce que “c’est un hymne du metal”. Mais pourquoi, d’ailleurs ?
C’est comme pour Machine Head avec le titre “Davidian”. avec de tels riffs, tu peux mettre à genoux 50 000 personnes dans un stade. En live, cette chanson crée le chaos, c’est bestial. Incontournable. Tu peux pas ne pas être pris par ce riff. Cette chanson est la preuve que des fois, ce sont les choses les plus évidentes qui fonctionnent le mieux.