Jean-Baptiste Kempf, créateur de VLC, et Gaël Musquet, hacker et humanitaire, vont bientôt recevoir l’étoile de l’ordre national du Mérite. Une consécration.
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Jean-Baptiste Kempf, créateur de VLC, chevalier de l’ordre du Mérite et fan de chapeaux. (© YouTube)
Chevaliers, relevez-vous. Habituée à prospérer tranquillement dans les interstices laissés par les géants du Web, la communauté du logiciel libre et des modèles technologiques alternatifs s’apprête à prendre un sacré coup de soleil. Le 19 novembre, Le Figaro révélait que deux de ses figures françaises, Jean-Baptiste Kempf et Gaël Musquet, ont été intronisés chevaliers de l’ordre du Mérite le 15 novembre dernier pour “mérites rendus à la France, qu’ils soient militaires ou civils”, sur une longue période. Une décision qui peut surprendre du côté de la République puisque la France met ainsi à l’honneur deux figures du mouvement du logiciel libre, qui prône la transparence totale et la libre circulation des programmes informatiques hors des monopoles commerciaux. Une nomination liée au ministère des… Finances, qui n’a pas encore précisé pour quelles contributions précises.
Premier futur chevalier, l’ingénieur Jean-Baptiste Kempf, fondateur de l’association VideoLan en 2008, est à l’origine… du lecteur VLC, logiciel libre et gratuit bourré de codecs, hyper-customisable, qui compte selon lui entre 300 et 450 millions d’utilisateurs. (Voilà, maintenant vous savez : VLC est français. Cocorico.) Interrogé par Le Figaro au sujet de sa future décoration, l’ingénieur a évidemment réagi comme tout bon adepte de l’open source, en mettant l’accent sur le travail de la communauté de développeurs. S’il est autant le visage de VLC que son plot de chantier orange, il n’en est pas propriétaire, c’est bien le principe. Selon les propos recueillis par Elisa Braun, Kempf refuse obstinément les offres de monétisation de VLC, “même de plusieurs millions d’euros”, car toutes supposent la présence de publicités dans son lecteur au détriment de l’expérience utilisateur. Et ça, ça vaut bien la légion d’honneur.
Du hacking à l’humanitaire
Quant au second nommé, Gaël Musquet, on lui doit d’avoir dressé un pont inattendu entre deux secteurs généralement cloisonnés, celui du hacking et de l’action humanitaire. N’en déplaise à ceux qui voient encore la figure du hacker comme un nihiliste introverti. Musquet porte des hoodies, et c’est à peu près tout ce qu’il a de commun avec le cliché de son secteur. Météorologue de formation, le Guadeloupéen est récompensé pour la création de HAND, acronyme malin de Hacker Against Natural Disasters – les hackers contre les catastrophes naturelles.
Vous rigolez en imaginant des types se battre contre des tempêtes tropicales avec des lignes de code ? D’autres l’ont fait avant vous. Il n’empêche, depuis sa création en 2011, l’association met en place des systèmes décentralisés pour prévenir et gérer au mieux, grâce à l’outil technologique, des situations de crise climatique et les moments qui les suivent. Concrètement ? Le projet Caribe Wave, un exercice annuel de simulation du système d’alerte tsunami dans la région Caraïbe, par exemple, et plusieurs projets similaires en Corse et dans le sud de la France. Mais aussi l’utilisation d’Open Street Maps pour mettre à jour la carte d’Haïti après le séisme, et l’invention prometteuse d’un système de détection automatique des tremblements de terre grâce aux accéléromètres contenus dans nos smartphones.
Désormais entouré de 30 à 50 “hackers, makers et doers”, Gaël Musquet poursuit sa petite entreprise de civic tech sponsorisée par les internautes tout en respectant sa philosophie open source et collaborative. Et si l’Open Street Map français, dont il est l’un des principaux contributeurs, ne rivalise pas avec la version de Google, le CV techno-humanitaire de Gaël Musquet dépasse celui des nerds de Mountain View. Et maintenant, le voilà littéralement chevalier à la rescousse. Jour saint pour la communauté open source, qui commence enfin à voir ses efforts d’intérêt public récompensés par les institutions françaises après des années à prêcher dans le désert. Vivement les prochains.