#leplastiquenonmerci une journée France Inter et Konbini le mercredi 5 juin. Enquêtes et reportages pour mettre en lumière les personnalités qui se battent pour changer les comportements.
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Les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) sont une catastrophe écologique. Rien qu’en France, en 2017, 1, 88 million de tonnes d’équipement ont été vendues, selon un rapport de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), et 742 000 tonnes de DEEE déclarées traitées et recyclées à 80 %. Selon une étude de l’université des Nations unies, chaque Français produirait annuellement 22 kg de déchets électroniques tandis qu’à l’échelle mondiale, seuls 20 % seraient efficacement recyclés.
Smartphones, clés USB, tablettes, écrans, câbles… tous ces objets de consommation courante, systématiquement envoyés à la poubelle plutôt qu’à l’atelier, remplissent patiemment les décharges du monde entier (enfin, certains endroits plus que d’autres). De ce côté-ci du monde, la consommation progresse, inlassablement (+8 % entre 2016 et 2017, selon l’Ademe).
Il faudra bien, pourtant, trouver des matériaux de remplacement. Est-il seulement possible d’imaginer des appareils électroniques fabriqués en matériaux naturels ? Soyons fous : est-il possible d’envisager un futur dans lequel les appareils électroniques seraient cultivés plutôt qu’assemblés ? Le studio de design finlandais Aivan a tenté le coup avec un casque audio, le Korvaa, fabriqué à partir de levure et de champignons. Le 26 mai, l’initiative a été repérée par TechCrunch.
Ingénieurs et designers pour la “synbio”
En finlandais, Korvaa est un mot à double fonction. Comme nom, il signifie “oreille” ; comme verbe, il signifie “substituer”, nous apprend l’agence de design. Tel est ici le manifeste : remplacer autant que possible les matières artificielles par des dérivés naturels, cultivés en laboratoire. Disons-le tout de suite : Korvaa est un prototype qui ne fonctionne pas. C’est une apparition, une idée concrète, une preuve de faisabilité partielle histoire d’encourager les fabricants à explorer la voie de la biologie de synthèse – ou, comme on l’appelle dans la presse design spécialisée, la “synbio”. Et la qualité du résultat final justifie de s’y attarder.
Extérieurement, le casque Korvaa ressemble peut-être à celui que vous utilisez quotidiennement, mais sa composition n’a rien à voir : la bête se compose de six matériaux “cultivés” par des équipes d’ingénieurs en biologie du VTT Technical Research Centre of Finland et de l’université d’Aalto. Les processus de croissance reproduisent ceux observés dans la nature, à ceci près qu’ils sont accélérés et que les ingénieurs leur donnent la forme souhaitée.
Presque parfait… s’il fonctionnait
La colonne vertébrale du casque est faite d’un bioplastique issu de la fermentation de l’acide lactique avec la levure. Le polymère qui en résulte, appelé PLA (acide polylactique), est à la fois résistant et flexible, ce qui en fait un excellent matériau pour construire l’arceau du casque. Sans dérivé d’hydrocarbures, il est entièrement biodégradable.
Les coussinets, habituellement en plastique ou en cuir, proviennent d’un champignon filamenteux, trichoderma reesei, qui génère une protéine appelée hydrophobine. Sa structure alvéolée en fait une excellente mousse, une fois renforcée en composite par de la cellulose végétale. Une dernière couche de mycélium phanerochaete chrysosporium (les filaments mousseux du champignon, à la texture proche du cuir), de la soie d’araignée synthétique en guise de tissu pour recouvrir les enceintes intégrées, et voilà.
Vous l’aurez remarqué, il manque un élément essentiel à ce casque : l’électronique. Dans sa forme actuelle, Korvaa n’est qu’une sculpture bio-végétale inerte, incapable de conduire du son jusqu’à votre oreille. Interrogé par le magazine spécialisé Dezeen, le responsable de produit d’Aivan Saku Sysiö concède que “pour le moment, certains compromis ont dû être faits”, notamment car il n’existe pas encore d’alternative végétale aux fils électriques de cuivre et aux puces électroniques de silicone.
Oui, l’obstacle est de taille, mais ce genre d’initiative prouve qu’il est possible de réfléchir autrement à la conception de nos appareils électroniques. À l’heure où le plastique et les déchets s’amoncellent partout où l’être humain a élu résidence, ceux qui conçoivent ces consumer electronics seraient bien inspirés de regarder du côté de la biologie synthétique.