Sous le pseudonyme “Abu Salaam”, un auteur a écrit le récit d’une idylle imaginaire entre deux djihadistes.
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S’il vous paraît difficile d’imaginer deux soldats d’un groupe islamiste en train de fricoter dans la cambrousse syrienne, bonne nouvelle, quelqu’un l’a fait pour vous. Isis : A Love Story (“Daech : Une histoire d’amour” en français), c’est un peu Brokeback Mountain chez les djihadistes. L’horreur de la guerre et la satire en plus.
C’est le choc des attaques de Paris et de Saint-Denis, le 13 novembre 2015, qui a donné l’idée à l’auteur écrivant sous le nom d’Abu Salaam d’imaginer une histoire d’amour contrariée entre deux combattants de Daech. La tuerie homophobe d’Orlando du 12 juin l’a poussé à finir ce projet. “Je me suis dit qu’il était temps de le publier“, a-t-il expliqué à Konbini.
L’histoire du roman est celle de deux djihadistes, Majnun et Ali, envoyés en mission en Syrie. Mais quand l’un deux se retrouve blessé au combat, les deux hommes entament une relation torride dans le désert. Abu Salaam se veut ici l’inventeur d’un nouveau genre : le “djihad érotique”.
Selon l’auteur, il est impossible de combattre Daech sans comprendre la profonde tristesse de ceux qui rejoignent ses rangs. Il voit ce livre comme un rameau d’olivier, un signe de paix qui, en dévoilant leur part d’empathie, souligne l’absurdité de la violence qui les anime. Abu Salaam a répondu aux questions de Konbini.
Konbini | Peux-tu nous résumer ton livre ?
Abu Salaam | C’est l’histoire de deux moudjahidines, Majnun et Ali, en incursion en Syrie. Je l’ai écrit pour qu’elle soit lue d’une traite, les péripéties s’enchaînant assez vite. Je ne peux pas en dire beaucoup plus, mais j’ai voulu implanter mon récit dans une chronologie et des lieux tout à fait réels.
Penses-tu que cette approche provocante, à mi-chemin entre parodie et sincérité, fasse passer le bon message ?
Le thème et le titre improbables sont là pour attirer l’attention des lecteurs. Mais au-delà de ça, je raconte une histoire d’amour légitime. La satire est subtile. J’ai choisi d’écrire une fiction pour intéresser les gens qui ne sont pas adeptes des sources d’information habituelles sur le sujet, pour le rendre plus accessible.
Associer l’image de Daech à celle de l’amour, homosexuel qui plus est, c’est tourner les djihadistes en ridicule ?
Ce n’est pas tant un moyen de les ridiculiser que de les humaniser. Il faut se rappeler qu’ils sont aussi humains que vous et moi. Beaucoup de djihadistes se sont enrôlés parce qu’être heureux et réaliser leurs rêves leur paraissait impossible dans leur pays d’origine. C’est en comprenant leur tristesse qu’on pourra les combattre.
Comment se fait-il que le conflit syrien, dans lequel s’inscrit ton récit, te soit aussi familier ?
J’ai suivi la guerre civile syrienne de près depuis ses débuts. Je reçois quotidiennement des informations via un sous groupe de Reddit, reddit.com/r/syriancivilwar que je recommande à ceux qui cherchent à s’informer sur le sujet.
Cette guerre est rarement abordée en littérature. Penses-tu que les auteurs n’osent pas le faire ?
Je pense que c’est un cercle vicieux. Personne ne lit sur cette guerre donc personne n’écrit dessus. J’espère inspirer d’autres auteurs à se lancer sur le sujet.
La prochaine étape, c’est une histoire d’amour transsexuel chez les djihadistes ?
[Il rit]. C’est une idée intéressante mais je serais plus intéressé de la lire que de l’écrire.
Isis : A Love Story est disponible, en anglais, sur Amazon.
Traduit de l’anglais par Sophie Janinet