Le collier ras-du-cou signe son grand retour. En plastique, en velours, en lacet ou en cuir, en plein revival 90’s, celui-ci envahit à nouveau depuis quelques mois les boutiques de fastfashion. De Gigi Hadid, à Lily-Rose Depp, les célébrités s’en emparent.
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Aussi appelé poétiquement “collier de chien” ou “collier de chienne” en français, le terme anglais qui désigne ce style de collier est encore plus violent. “It’s a Choker Necklace” disent-ils. Le verbe “to choke” voulant tout simplement dire étrangler. Le ras-du-cou, un collier qui étrangle, entoure et enserre la gorge des demoiselles, depuis des centaines d’années.
Alors, comment ce collier a-t-il pu passer de symbole de violence à symbole du “girl power” ?
Une histoire qui débute bien avant…
Le collier ras-du-cou a une histoire, qui débute bien avant que Magali Guidasci, la styliste du film culte Léon ne décide d’en passer un autour du cou du personnage de Mathilda, la très jeune Natalie Portman.
Bien avant que toutes les petites filles des années 1990 ne supplient leurs parents de leur acheter un collier ras-du-cou “tattoo” en plastique, histoire d’être dans le coup.
Bien avant que la styliste Deborah Everton du film The Craft ne colle un collier ras-du-cou à piques, inspiré du mouvement punk, sur la sombre Nancy, aka Fairuza Balk.
Bien avant que les rois du punk Vivienne Westwood et Malcolm MacLaren ne popularisent le style BDSM (sadomaso), grâce à leurs looks et à leurs ras-du-cou “Sex”.
De l’Égypte Ancienne à la Révolution française
Selon Yvonne Markowitz, curatrice du Jewelry Museum of Fine Arts de Boston, les premières traces du collier ras-du-cou remontent aux premières civilisations : la Mésopotomie et l’Égyptie ancienne. À l’époque, les bijoux portés si près du corps (et notamment du cou et de la tête), étaient censés protéger ces endroits sensibles, tels des amulettes.
L’un des premiers ras-du-cou dans l’histoire occidentale est celui de Anne Boleyn, épouse de Henri VIII, roi d’Angleterre, qui fut décapitée en 1536… pour l’avoir soit-disant trompé. Celle-ci a été peinte portant un collier à perles ras-du-cou avec l’initiale “B”.
On retrouve le ras-du-cou en France, à la fin du XVIIIe siècle, en 1789, pendant la Révolution française. Les proches de ceux qui furent guillotinés organisèrent des soirées intitulées “Bals des victimes” pour “décompresser” de leur récent traumatisme. Même si les historiens ont des doutes sur ces faits, il semblerait que certaines femmes portaient à ces soirées ce qu’on appelait des “costumes à la victime”, des rubans rouges autour du cou comme un hommage à ceux dont la tête avait été décapitée.
Cependant, quelque temps avant la Révolution, les femmes de la bourgeoisie semblaient avoir déjà adopté le ras-du-cou, souvent fait de tissus et orné d’un nœud sur l’avant, assorti à leurs robes, comme le montre cette “curation Wiki Commons” de “colliers ras-du-cou dans l’art” dont les peintures semblent dater des années 1750.
Dans la royauté et dans la peinture
En Angleterre, celui-ci réapparut au XIXe siècle, pour s’enrouler autour du cou d’Alexandra de Danemark, princesse de Galles. Affublée d’une affreuse cicatrice, elle cherchait à cacher son cou, cependant la rumeur raconte que la belle Alexandra avait des penchants nymphomanes et était marquée d’innombrables suçons…
Alexandra n’aurait pas été la seule femme a utiliser le ras-du-cou pour faire du camouflage. En Autriche, les femmes auraient porté des “Kropfkettes” entre 1840 et 1870, des ras-du-cou avec plusieurs étages de chaînes à l’avant afin de cacher les marques sur leur cou, causées par une maladie de la thyroïde répandue dans les Alpes. Durant toute l’époque victorienne, les femmes de la haute société portèrent des ras-du-cou, souvent ornés de pierres.
Mais le ras-du-cou n’était pas toujours porté dans des circonstances aussi bourgeoises. L’un des tableaux les plus scandaleux de l’époque, peint par Édouard Manet et intitulé Olympia (1863), montre une jeune prostituée nue installée sur un lit, portant un fil ras-du-cou noir.
À cette époque, porter un ras-du-cou noir signifiait alors peut-être, offrir ses services. Mais rien n’est moins sûr, ou bien le style a vite été récupéré, car on retrouve aussi les fameux colliers ras-du-cou entre 1870 et 1880 dans les peintures de ballerines de Edgar Degas.
On retrouve une fois de plus le ras-du-cou dans la sphère royale au XXe siècle. Pour se consoler d’avoir un fils amoureux d’une roturière et un fils bègue, la reine Mary d’Angleterre cherche à se distraire en s’offrant d’incroyables colliers ras-du-cou diamantés.
Du XXe siècle à nos jours
Le ras-du-cou aurait ensuite été populaire dans les années 1920 selon Yvonne Markowitz, curatrice du Jewelry Museum of Fine Arts de Boston. Le bijoutier français René Lalique en aurait conçu des magnifiques. C’est à cette époque qu’on commence à appeler ce type de colliers des “Dog Collars”, colliers de chien. “À la fin des années Art déco, vers 1930, la tendance se met à disparaître”, explique-t-elle.
Mais pas pour longtemps. En 1944, Life Magazine essaye de relancer la tendance, mais c’est surtout en 1970 que celle-ci fera un come-back. Un retour, oui, mais sur les hommes cette fois. C’est un moment où les hommes cherchent à exploiter leur féminité, Mick Jagger, Jimi Hendrix et Elvis se prêtent au jeu.
Vous connaissez la suite. Les années 1990 avec Britney Spears, Christina Aguilera, Gwen Stefani et Lenny Kravitz. Puis le ras-du-cou est oublié et devient ce qu’on pourrait appeler un “délire de goth”, avant de refaire son apparition en 2014, d’abord sur le cou des “Tumblr Kids” pointus, puis depuis quelques mois sur littéralement tous les cous de filles qui ont entre 14 et 25 ans.
C’est l’accessoire “hot” du moment, mainstream mais qui te donne ce petit coté edgy. Sexy mais badass. Il se vend pour moins de 5 balles chez Forever 21 et Claire’s a réédité la version “tattoo” plastique. Plusieurs tendances “choker” coexistent, telles que le ras-du-cou “cœur” qui fait un tabac en ligne, le ras-du-cou en cuir avec gros pendentifs ronds et le ras-du-cou sous forme de simple lacet.
Le ras-du-cou est si populaire, qu’il va sans doute bientôt être au bout de la courbe du “cool” et retomber dans les oubliettes. On se demande bien ce que le futur réserve encore à cet accessoire.