1. Alaïa et la France
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Fils d’agriculteurs, Alaïa a commencé sa carrière chez une couturière de son quartier de Tunis. Au début des années 1960, alors que la libération du corps de la femme commence toujours, il met les voiles et pose ses valises à Paris. Il rejoint alors directement la maison Dior, sous la tutelle d’Yves Saint Laurent. Cependant, faute de papiers, il sera renvoyé seulement cinq jours après son arrivée. Il poursuit alors sa formation chez Guy Laroche et Thierry Mugler, avant de finalement créer sa propre maison au début des années 1980.
Une maison qui, depuis sa création, a su attirer les femmes les plus influentes du monde, comme Michelle Obama ou Carla Bruni. Alaïa devint alors une figure incontournable de la haute couture française. À tel point qu’en 1989 Jean-Paul Goude, grand photographe de mode, lui commande une toge-drapeau à l’occasion du défilé du bicentenaire de la Révolution française, portée par la cantatrice Jessye Norman.
2. Une mode intemporelle et prestigieuse
Reconnu pour sa vision atypique de la mode – il prônait des “vêtements qui durent” et non des fringues qui suivaient seulement la tendance –, Alaïa est incontestablement devenu l’un des rares couturiers qui a su traverser les décennies, sans que ses créations ne prennent une seule ride. Naomi Campbell a d’ailleurs déclaré auprès d’ID :
“J’ai porté une de ses créations il y a 20 ans, que j’ai remise il y a trois ans. Peu de créateurs peuvent se targuer d’avoir duré comme ça.”
Sa façon de travailler révélait un mélange d’instinct et de perfectionnisme. En témoigne cette robe avec des perles d’or, conçue pour Tina Turner. Azzedine Alaïa ne dessinait que très rarement ses créations en amont, préférant faire du sur-mesure, tracer directement les patrons et dessiner à même la toile. La magie opérait lorsque ses mains d’or s’attelaient au découpage et à la couture, donnant ainsi vie aux tissus grâce à des coupes intemporelles et structurales.
3. Azzedine Alaïa, sculpteur des corps
Cet architecte de la mode a réussi à sublimer les femmes, notamment grâce à des robes qui devenaient des “secondes peaux” pour celles qui les portaient. Azzedine Alaïa était l’un des rares à ne pas avoir succombé au rythme effréné de la mode, en décidant de suivre son propre tempo.
Ses défilés étaient d’une simplicité extrême, et dévoilaient aussi bien des robes structurales que des robes “seconde peau”, avec des matières près du corps, telles que la mousseline ou le cuir. Ici, c’est Grace Jones, l’une de ses principales muses, qui porte avec brio l’une de ses iconiques robes.
4. Le couturier qui révéla Naomi Campbell
Ses doigts de fée ont popularisé le body, le caleçon noir moulant ou encore la jupe zippée à l’arrière. Il fut l’un des créateurs emblématiques des années 1980, en participant activement à l’élaboration de la silhouette de cet âge d’or de la mode (comme en témoignent ses deux oscars de la mode obtenus en 1985). Suzy Menkes, journaliste incontournable du monde de la mode, vient ajouter auprès d’ID :
“Azzedine a inventé l’idée de supermodel”.
Et c’est peu dire, car Azzedine Alaïa est l’homme qui a révélé Naomi Campbell. Cette dernière le surnommait d’ailleurs “Papa”. Alaïa était adulé par toutes les supermodels des 80’s, qui estimaient que ses défilés étaient ceux qu’il ne fallait manquer sous aucun prétexte.
5. La collaboration avec Tati
Au début des années 1990, alors que les journalistes lui reprochent de faire une mode trop élitiste, il va prouver son avant-gardisme en collaborant avec l’enseigne Tati. À travers cette collection, il donne ses lettres de noblesse aux motifs pieds-de-poule et aux iconiques carreaux vichy rouges et blancs.
Cet ensemble fit d’ailleurs la une du magazine Elle. En parallèle, il dessine (gratuitement) la ligne “Tati Paintings”, comportant un sac, un T-shirt et des espadrilles.
“Azzedine savait mieux que quiconque sublimer les femmes”
Alaïa a amené la mode vers des territoires qui étaient encore inexplorés, avec des créations provocantes et distinguées. Sa disparition va chambouler l’industrie de la mode. Évidemment, le travail du génie Alaïa ne s’arrête pas à la sélection de ces cinq robes : il était également réputé pour son amour pour les motifs animaliers, les robes zippées, ou encore les robes structurales. Jack Lang, l’ancien ministre de la Culture et président de l’Institut du monde arabe, a ainsi déclaré sur son compte Facebook :
“Azzedine savait mieux que quiconque sublimer les femmes. Il les aimait et elles, en retour, lui vouaient une vénération infinie. Il était un magicien des ciseaux et de la couture.”
Trois phrases qui résument aussi brièvement que brillamment Azzedine Alaïa. Le couturier vénéré par la mode a été enterré ce lundi 20 novembre, à Sidi Bou Saïd, au nord de Tunis.