Être ou ne pas être du matin est un trait génétique inaltérable

Être ou ne pas être du matin est un trait génétique inaltérable

Rien ne sert d’essayer de changer ses habitudes de sommeil pour se conformer aux horaires matinaux imposés par la société : le chronotype ne se change pas.

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On en a déjà parlé des dizaines de fois mais un cliché ne se détruit pas si facilement : non, le gars que vous voyez débarquer au bureau 1) en retard de 30 minutes minimum chaque jour ou b) à l’heure (plus rarement), mais encore tellement ensommeillé qu’il semble à peine capable de s’exprimer en un langage cohérent, n’est pas le fainéant noctambule et débauché, contrairement à ce que vous, vos collègues et même votre chef, là-bas, qui le regarde d’un œil noir, vous évertuez à penser. Le pauvre est simplement doté, depuis sa naissance, d’un chronotype décalé par rapport aux normes imposées par la société du travail moderne, et il fait probablement son possible pour tordre son rythme dans le sens qui lui permettra de garder son travail.

Selon Vox, qui consacre un long papier au sujet, il serait temps d’accepter que l’être humain n’a rien de l’androïde programmable à merci que les idéologues de la société du travail souhaiteraient voir peupler les bureaux du monde entier. Tout comme l’appétit, l’intelligence ou la mémoire, le sommeil est une notion floue, devant laquelle les individus sont inégaux, et à laquelle une norme a été imposée à partir du comportement majoritairement observé.

Au XXIe siècle, à l’ère des bullshit jobs par forfait de 40 heures hebdomadaires,  le turbin débute entre 9 et 10 heures pour se terminer, une fois la pause de midi consommée, entre 17 et 18 heures, c’est comme ça et pas autrement, et ça convient très bien à une majorité de gens, pour qui l’effet de la mélatonine coïncidence généralement avec le générique final de l’épisode de Koh-Lanta. Bénis soient les couche-tôt, le royaume des cieux leur appartient.

Mal dormir augmente les risques de diabète et de dépression

Mais peuvent-ils réellement s’imaginer à la place de leur collègue paria qui, malgré tous ses efforts,  est encore en pleine forme à 1 heure du mat’ ? Peuvent-ils s’imaginer sa détresse lorsqu’il devra admettre, une nuit encore, sa défaite après avoir pourtant mangé léger, évité les écrans comme la peste, s’être servi un grand mug de tisane “nuit calme” camomille-tilleul et s’être plongé avec abnégation dans le passionnant dernier pavé de Bernard Henri-Lévy ? Comme le reste de ses congénères, il se lèvera à 7 h 30 pétantes, pas le choix. Sauf que lui aura dormi quatre heures de moins. Et qu’à force, ça finira par se voir sur sa fiche d’évaluation mensuelle.

Pour la communauté scientifique, il existe à l’heure actuelle trois types de cycle, et par conséquent trois types de personnes : ceux du matin, ceux du soir, et ceux entre les deux. Ces cycles sont appelés chronotypes et, comme notre taille, notre couleur de cheveux ou notre goût pour la tisane camomille-tilleul, ils sont influencés par notre génome et sont par conséquent très, très difficile à modifier. Selon les études, 30 à 50 % des gens se trouvent en plein milieu de la courbe des chronotypes et dorment de 23 heures à 7 heures du matin. On recense aussi dans d’autres enquêtes 40 % de gens qui sont quant à eux légèrement désynchronisés, de plus ou moins une heure et 0, 2 % qui souffrent du syndrome du trouble des rythmes circadiens.

Si ceux qui ne peuvent s’empêcher de sauter du lit à 5h du matin sont généralement mieux vus par la société, les lève-tard souffrent de ce que les chercheurs appellent “jet lag social”, qui résume ce mauvais alignement entre horloge interne et fuseau horaire social. Non seulement les lève-tard souffrent-ils d’une forme de stigmatisation (rapidement, vos collègues et amis vous affubleront d’une addiction quelconque, expliquent de nombreux témoignages sur Reddit), mais de récentes études sur la question ont montré que la désynchronisation de nos horaires de sommeil avec notre chronotype est rapidement dangereuse pour la santé.

Ça se soigne…très mal

En 2012, une étude publiée dans le journal Science Transnational Medicine menée sur 24 personnes a observé que des individus aux cycles de sommeil artificiellement décalés développaient des signes de prédiabète. La même année, une étude d’ampleur menée sur 65 000 personnes établissait une corrélation entre “jet lag social” et surpoids, tandis que d’autres recherches lient chronotypes tardifs et dépression.

Pour les différents chercheurs interrogés par Vox, forcer les gens à s’adapter à la norme est perdu d’avance :  les différents “traitements” utilisés pour tenter de synchroniser les couche-tard avec les horaires classiques, en plus d’être extrêmement contraignants, sont majoritairement inefficaces. Une seule grasse mat’, écrit Vox, et c’est foutu.

Pour Vox et les différent chercheurs interrogés, la solution est inverse : faire évoluer les normes sociétales vers une plus grande tolérance de ces divergences génétiques et métaboliques, qu’il s’agisse des adultes au chronotype déréglé au travail ou des adolescents biologiquement inadaptés à leur horaires d’école. Et remettre les pendules à l’heure, pour tout le monde. La prochaine fois que vous verrez passer votre collègue aux yeux cernés comme un panda, montrez-vous empathique : ce n’est pas de sa faute. Sauf s’il sent la bibine éventée.