Dans un texte piquant à souhait, l’illustre tatoueur français a dénoncé l’initiative de la ministre de l’Éducation nationale, qui compte instaurer, entre autres, un CAP tatouage en France.
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Dans le petit monde du tatouage, Tin-Tin s’est élevé au rang de légende. Fondateur du réputé salon parisien Tin-Tin Tatouages et créateur du Mondial du Tatouage (la plus grande convention de tatouage au monde), ce quinquagénaire est aussi le pilier du Snat, le Syndicat national des artistes tatoueurs, né en 2003. Autant d’initiatives qui ont participé à la reconnaissance du tatouage, qui a aujourd’hui quitté son statut de pratique marginale pour s’inscrire dans les mœurs de la société (notamment en France, où 10 % de la population serait tatouée selon une étude de 2010 de l’Ifop).
Surtout, Tin-Tin lutte d’arrache-pied pour que le tatouage soit officiellement reconnu comme le dixième art de la classification officielle des arts, rejoignant ainsi la peinture, le cinéma ou encore la bande dessinée. Une requête légitime et nécessaire, quand on sait que le tatouage, dont la technique est transmise depuis la nuit des temps de maîtres en élèves, a fait son entrée au musée.
“[L’exposition ‘Tatoueurs, Tatoués” du Musée du Quai Branly] a vraiment fait avancer le schmilblick, nous affirmait Tin-Tin début 2016. Mais elle a aussi pointé du doigt ce fameux paradoxe : nous ne sommes toujours pas reconnus en tant qu’artistes, mais le tatouage fait son entrée dans un musée national – le musée des arts premiers qui plus est ! On ne peut pas faire plus premier que le tatouage en matière d’art.”
Un diplôme de tatoueur ?
Alors, lorsque Najat Vallaud-Belkacem a annoncé l’arrivée d’un CAP tatouage sur le territoire national, le tatoueur a failli s’étouffer. Comme le rapporte Tahiti Infos, la ministre de l’Éducation nationale était de passage le 23 octobre dernier au Centre des métiers d’art de la Polynésie française (CMAPF) de Papeete (Tahiti), où elle s’est déclarée favorable à ce que quatre nouveaux CAP (et quatre brevets des métiers d’art correspondants) soient reconnus au niveau national. Les formations concernées sont celles du tressage, de la sculpture, de la gravure et du tatouage, qui ne sont actuellement reconnues qu’en Polynésie française.
“Si vous souhaitez, dans le cadre des procédures de votre territoire, demander l’équivalence de ces diplômes, mon avis sera enthousiaste et favorable. Cela permettra ainsi de reconnaître, à terme, quatre nouveaux CAP (sculpture, gravure, tressage et tatouage), et à la suite le brevet des métiers d’art, diplôme de niveau 4, a expliqué, toujours selon Tahiti Infos, la ministre de l’Éducation nationale. C’est pour vous un enjeu important. Soyez assurés que cela l’est aussi pour moi. Je suis sincèrement très heureuse de pouvoir ainsi reconnaître officiellement les compétences artistiques polynésiennes qui s’expriment au quotidien dans ce centre des métiers d’arts.”
“L’apprentissage du métier nécessite d’être mieux encadré mais doit rester libre et gratuit”
Or, pour Tin-Tin, qui considère le tatoueur comme un artiste véritable, le tatouage ne peut s’apprendre sur les bancs de l’école, surtout en Polynésie, berceau du tatouage, où il est en passe d’être reconnu comme un art à part entière. Désireux de faire passer son message, le tatoueur et le Snat ont partagé via Facebook un long texte intitulé “Najat Vallaud-Belkacem a-t-elle passé un CAP ministre ? Les tatoueurs s’interrogent…”. Un post cinglant, dans lequel il dénonce cette nouvelle “ineptie” de la part de la ministre, tout en invitant les adeptes de tatouage à signer la pétition “Pour un statut d’artiste tatoueur / Contre un CAP obligatoire !“, qui rassemble déjà près de 15 000 signataires et qui précise notamment :
“La profession a pris un essor dans des proportions que personne n’imaginait il y a quelques années : si tout aspirant tatoueur peut accéder aujourd’hui à cet art en fonction de son talent et de sa motivation, l’ouverture d’un CAP ne ferait que proposer une orientation facile à tous ceux qui doivent abandonner leur parcours scolaire classique… On imagine aisément nos villes inondées de tatoueurs diplômés et formatés, bien loin des créatifs qui émergent depuis plusieurs années.
On voit d’ici le développement de chaînes de studios franchisés, banalisés par l’arrivée de milliers de diplômés sur le marché… En préservant le principe d’une formation libre et gratuite, le Snat défend la sélection par l’offre et la demande, le talent et la créativité. L’apprentissage du métier nécessite d’être mieux encadré mais doit rester libre et gratuit : ce principe est en désaccord fondamental avec l’idée visant à imposer un statut d’artisan et le passage obligé par une quelconque école de tatouage.”