Faut-il donner aux Françaises le droit de prendre un congé menstruel ? En pleine réforme du Code du travail, le débat est relancé (entre autres) par Jack Parker, autrice du Grand Mystère des règles. Elle était l’invitée de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, ce mercredi 30 août.
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Permettre aux femmes de prendre un ou plusieurs jours de congé pendant leurs règles : la mesure fait polémique. À l’étude en Italie, le congé menstruel est déjà en vigueur dans certains pays, à l’image du Japon, de Taïwan, de la Corée du Sud, ou encore de l’Indonésie. En France, l’idée est très loin de faire l’unanimité.
Et pourtant, selon l’Assurance Maladie, plus d’une femme sur deux serait concernée par des règles douloureuses, également appelées “dysménorrhées”. Un trouble gynécologique qui provoque de violentes crampes au bas du ventre, du dos, et parfois même dans les jambes, le tout accompagné d’une intense fatigue. Mineures chez certaines femmes, ces douleurs peuvent être véritablement invalidantes chez d’autres. De quoi rendre la réalisation de certaines tâches – dont les contraintes professionnelles – extrêmement difficile durant les premiers jours des règles.
Dans les cas les plus graves, la dysménorrhée peut être due à une endométriose, une pathologie méconnue et sous-estimée qui toucherait une femme sur 10. Et qui, en plus d’entraîner d’atroces souffrances, peut déboucher sur une infertilité.
Peu sensibilisée à cette problématique, l’opinion publique française est majoritairement opposée à l’instauration d’un congé menstruel, perçu comme illégitime ; en témoignent les déferlements de haine sur les réseaux sociaux que provoque tout article abordant le sujet. Invitée ce mercredi 30 juin sur RMC, Jack Parker, autrice du livre Le Grand Mystère des règles : Pour en finir avec un tabou vieux comme le monde, affirme :
“La première étape est d’abattre ce tabou, on ne peut discuter du congé menstruel dans ce climat.”
Et pour cause, les commentaires postés sur Twitter à la suite de son interview démontrent une volonté – principalement masculine – de discréditer le besoin d’un tel congé. Certains réfutent l’aspect médical du problème :
On peut avoir, nous les hommes, une journée masturbation? Car quand on a les testicules pleines, on a du mal a marcher.
— EG_Thorrgal (@Thorrgal_) 30 août 2017
Les hommes ayant une espérance de vie moindre que les femmes doivent ils partir plus tôt en retraite ?
— Totalitarium (@Totalitarium) 30 août 2017
Et quand on se bourré la gueule le week-end, pourquoi pas un congé le lundi pour gueule de bois ...
— Air One (@Air_one_66) 30 août 2017
Tandis que d’autres soulignent ses hypothétiques retombées économiques négatives :
Vous vous rendez pas compte. Dans ma société y a 90% de femmes sur 60 Salariés. Imaginez deux secondes comment gérer tout ca en plus ...
— Duclermortier Jérôme (@j_duclermortier) 30 août 2017
Certaines femmes, elles aussi, se positionnent contre un tel projet de loi. Du moins, celles qui ont visiblement la chance d’avoir des règles (relativement) peu douloureuses, et donc non-handicapantes :
un bon Nurofen toutes les 6 h et au boulot... des fois il faut arreter de s ecouter si on veut garder son job.
— MiniCat's (@minicats17) 30 août 2017
après il ne faut pas s'étonner que les hommes soient plus payés que les femmes !!!!!!!
— CatherineBrun (@CatherineKL6) 30 août 2017
Bien que vécue par près de 50 % des femmes (et par certains hommes trans), cette réalité biologique est méprisée et demeure taboue. Tout d’abord, parce que les règles restent perçues comme un phénomène sale et honteux dont il est préférable de ne pas parler. Ensuite, parce que le corps médical et le milieu de la recherche sont encore majoritairement masculins et conservateurs.
Alors qu’ils n’ont jamais vécu cette expérience, certains médecins hommes s’estiment en mesure de juger de la “normalité” des douleurs menstruelles, et donc de se positionner contre le congé. Également interrogé par RMC, Alain Tamborini, gynécologue spécialiste des problèmes hormonaux, exprime sa réticence à l’idée d’un arrêt de travail :
“Si une patiente, une jeune femme, me demande un congé menstruel, j’essaierai d’abord de savoir pourquoi. Pourquoi elle se sent handicapée un, deux ou trois jours par cycle. D’autre part, il faut faire des examens, des explorations. Il y a des moyens d’exploration, des moyens de diagnostic, et surtout des moyens thérapeutiques. Il ne faut surtout pas considérer ça comme normal. Donc au lieu de demander un congé, je propose d’expliquer pourquoi elle a mal et de trouver une solution.”
À l’heure actuelle, une chose est sûre : il serait sage de laisser les personnes concernées par les règles – et elles seules – décider de l’élaboration ou non d’une loi instaurant la possibilité d’un congé menstruel.