Il fallait au moins ça. Avec The Beastie Boys Story, Mike D, Ad-Rock et Spike Jonze offrent l’histoire d’un groupe mythique qui a changé la musique pour toujours. Et plutôt que de le faire dans un simple documentaire, ils l’ont transformé en un incroyable spectacle, entre une conférence TED et un two-men-show sans frontière.
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Pendant deux bonnes heures, les deux anciens membres du groupe reviennent sur leurs anecdotes et chansons avec grand écran derrière eux dans un théâtre plein à craquer de New York. Il y a un prompteur mais il fonctionne mal donc l’improvisation et les blagues sont aussi de la partie, offrant une expérience encore plus déconcertante.
Et le résultat est comme les Beastie, totalement inclassable, à la fois défricheur et drôle, toujours à l’inverse d’une quelconque tendance. Pourtant l’exercice était presque impossible car il manque une donnée essentielle à l’équation. En 2012, Adam Yauch, alias MCA, décède des suites d’un long combat contre le cancer.
Les Beastie Boys se séparent, ils ne pourront jamais exister sans lui. Il était le point d’ancrage, le centre charismatique de ce trio qui a ramené toute l’énergie du punk et du hardcore new-yorkais dans le hip-hop balbutiant du début des années 1980.
Et c’est surtout cette énergie folle de l’amitié au fil des années qu’on retrouve dans cette œuvre de Spike Jonze. Le réalisateur est déjà coutumier des projets iconoclastes. Il est le réalisateur visionnaire de films indépendants aussi différents que Dans la peau de John Malkovitch, Adaptation, Max et les Maximonstres ou son chef-d’œuvre Her.
Mais il est aussi à la manœuvre de nombreuses vidéos de skateboard très innovantes pour sa compagnie Girl comme Mouse ou Yeah Right. Et il signe la plupart des films de la franchise JackAss. Ce n’est pas non plus le premier spectacle filmé de Spike Jonze car il avait déjà réussi magnifiquement cet exercice pour Aziz Ansari et son dernier show Rich Now.
Spike Jonze est un profil totalement atypique, comme les Beastie Boys, qu’il connaît depuis leurs débuts. Il a même aidé à forger leur légende vu qu’il a réalisé parmi leurs meilleures vidéos à partir de 1993 avec notamment une qui marquera les esprits pour toujours : “Sabotage”.
Ce docu-spectacle est une véritable affaire de famille et tout le public dans la salle le ressent comme tel. La narration est limpide, les images d’archives sont surprenantes et inédites, c’est une immersion totale dans l’univers de ces trois jeunes new-yorkais sans limite. Ce qui aurait pu tourner au désastre surjoué offre au final un véritable moment intime avec Mike et Adam.
La mise en scène de Spike Jonze reste simple, totalement au service de leur histoire. Et on est happés par la symbiose encore présente entre ces deux artistes, qui ont fait les 400 coups ensemble, malgré la perte inconsolable de leur frère d’armes. Comme ils l’évoquent encore, les Beastie Boys restent le chaînon manquant entre les Monty Python et Black Flag. Et c’est comme ça qu’ils ont créé presque par hasard leur propre hip-hop, irrévérencieux, provocateur et sans étiquette. Celui qui va influencer le monde entier.
Toute cette partie sur leur conversation avec le rap reste la plus évoquée dans Beastie Boys Story avec bien sûr la rencontre incroyable avec leur DJ et producteur Rick Rubin, puis la création de Def Jam avec Russell Simmons (superbe imitation de cheveu sur la langue) pour leur énorme carton Licensed To Ill.
Ils transposent ensuite leur album classique Paul’s Boutique et leur deuxième rencontre avec le succès grand public dans les années 1990 notamment avec “Sabotage”, “Sure Shot” puis plus tard “Intergalactic” (encore un clip légendaire de Spike Jonze). Cette aventure incroyable fait tourner la tête et pourtant les deux MCs sur scène en parlent simplement, reconnaissant leurs erreurs comme l’éviction de leur batteuse Kate Schellenbach ou leur début caricatural. Tout est écrit et délivré avec une honnêteté désarmante et un recul nécessaire.
Il y a aussi toujours ce chat dans la gorge et cette larme au coin de l’œil quand ils parlent du rôle d’Adam Yauch dans le groupe. Car au fond, ce documentaire live est surtout basé sur cet état du groupe, ce deuil encore très présent et qui se transforme en hommage transit dans la dernière partie.
Spike Jonze a su trouver les bons angles pour offrir la meilleure vision possible de la mythologie des Beastie Boys. Une dynastie d’adolescents turbulents qui vont apprendre à se connaître, devenir des superstars avec des blagues potaches mais un talent musical fou. Et braver les multiples épreuves avec humour, résilience et conviction, toujours ensemble. L’amitié immuable est le vrai sujet de ce film atypique. Et on en sort avec une véritable leçon de vie, sans la morale qui va avec. Juste une comédie humaine moderne, une évolution naturelle qui mélange toujours rire et réflexions.
Beastie Boys Story est disponible en streaming sur Apple TV+