On le pensait disparu pour toujours. Mais le baggy, avec sa taille basse et sa couple ultra-ample, s’offre aujourd’hui un retour remarqué sur les podiums. Et pourrait à nouveau envahir la rue.
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Au milieu des années 1990, un nouveau phénomène vestimentaire faisait son entrée dans nos vies d’adolescents : le baggy. Détesté par les mamans (“couvrez-moi ce caleçon que je ne saurais voir”), vénéré par les rappeurs, skateurs et autres fans de The Offspring, ce pantalon XXL a connu un réel moment de gloire jusqu’au milieu des années 2000, où il commença à décliner à la faveur d’un nouveau règne : celui du slim et des futals hypra-serrés.
Mais voilà : quinze ans après sa disparition dans les limbes de l’industrie fashion, le baggy (qui serait né dans les prisons américaines, au sein desquelles les pantalons distribués aux détenus étaient souvent trop larges, et le port de la ceinture interdit par souci de sécurité) signe aujourd’hui son grand retour sur les podiums les plus prestigieux des Fashion Weeks.
Pour la saison printemps-été 2016, nombreux sont en effet les designers à l’avoir intégré au cœur de leur collection masculine, à l’instar de Christopher Shannon, Topman Design ou Craig Green, qui le portent cintré et taille haute, dans des matières fluides. Une saison plus tard, c’est au tour de Dries Van Noten, Alexandre Mattiussi, Dior Homme ou Lanvin de l’ériger au rang d’indispensable pour leur ligne homme automne-hiver 2016-2017.
Un désir de rompre avec les coupes XXS
Comment expliquer cet improbable retour ? La première raison est sans aucun doute cyclique (et non, même le baggy n’échappe pas à ce bon vieil adage qui souhaite que la mode soit un éternel recommencement). “Il y a le facteur nostalgie, qui apparaît toujours vingt ans plus tard, décryptait le journaliste américain Andrew D. Luecke dans les colonnes d’Esquire. Dans les années 1970, les années 1950 étaient super cool ; dans les années 1990, les années 1970 étaient super cool ; aujourd’hui, les années 1995 sont de retour – et elles rameutent avec elles leur pantalon extra-large.”
Ainsi, de la même façon que l’on a vu ressusciter la mode sportswear des années 1990, caractérisée par les survêtements Adidas, les bobs Fila, les bananes Lacoste et les TN Nike, le baggy s’offre à son tour un inévitable come-back.
Et puis, il y a aussi sans doute une radicale envie de changement, un désir de rompre avec les coupes XXS qui ont dominé nos gardes-robes au cours de cette dernière décennie. “Après dix années de pantalons slim et de costumes cintrés, les designers commencent à être fatigués de cette silhouette skinny, poursuivait Andrew D. Luecke. Rétablir la forme baggy est la façon la plus simple d’inverser la tendance.”
“C’est le moment pour le baggy de faire son come-back”
Ce ras-le-bol du skinny n’est pas uniquement éprouvé par les grands pontes de la mode. À San Francisco, aux États-Unis, T.J. “The Jesus” Marsh partage également cet avis. Depuis six mois, ce pur produit de la West Coast alimente Big Baggy Jesus, un compte Instagram sur lequel il fait chaque jour renaître le baggy de ses cendres.
Plus qu’un simple compte Instagram, Big Baggy Jesus est une véritable communauté, dont le baggy est l’unique religion. Suivi par près de 3 000 personnes, le compte est quotidiennement scruté par des fans de baggy, filles ou garçons, basés en Angleterre, au Japon, en Irlande ou en France. “À Paris, il y a par exemple @harryfuturistik, qui a vraiment un très bon style”, commente T.J. “The Jesus” Marsh par e-mail, avant de préciser :
“J’ai toujours aimé les fringues oversize, depuis tout petit. C’est le style de vêtements que les mecs plus vieux du quartier et que mes rappeurs préférés portaient à l’époque. Cette fascination s’est amplifiée le jour où j’ai constaté, assez récemment, que ce style oversize avait totalement disparu de la pop culture. Tout au long de la décennie passée, il n’y a eu de place que pour les skinny jeans. Mais la mode est cyclique, les choses viennent et s’en vont, et c’est le moment pour le baggy de faire son come-back. Je m’apprête d’ailleurs à lancer ma propre ligne de baggy.”
La culture skate sous le feu des projecteurs
Ce retour (encore discret) du baggy s’explique également par l’avènement actuel de la culture skate. Longtemps considéré comme une pratique de délinquants, le skate est aujourd’hui l’ultime graal du cool, et les grandes maisons de luxe comme Gucci, Yves Saint Laurent, Céline ou Hermès n’hésitent plus à se tourner vers la planche à roulettes pour étoffer leurs campagnes, et séduire un public plus jeune.
De leur côté, les designers les plus en vue du moment tels que Vetements ou Gosha Rubchinskiy garnissent leur collection de flammes, de ceintures-lacets et autres chaînes de métal (des éléments qui ont caractérisé l’accoutrement des skateurs dans les 90’s), ravivant ainsi l’image des sulfureux Kids de Larry Clark.
Dans un article dédié à la Fashion Week homme de New York de juillet dernier, le chanteur américain Cobi, interrogé par Billboard, s’exclamait d’ailleurs à ce sujet :
“[Le designer Rochambeau] a rétabli la chaîne ! Bien sûr que j’avais une chaîne, je la portais accrochée à mon portefeuille quand j’avais 12 ou 13 ans. C’était LE truc à avoir. Plus ta chaîne était longue et grosse, plus tu étais cool. Ça marchait aussi avec les pantalons : plus ils étaient larges, mieux c’était. […]”
De même, les chaussures initialement destinées aux skateurs, telles que la Matchcourt ADV d’Adidas ou la Sk8-Hi de Vans, connaissent actuellement un succès sans précédent, et ce bien-au delà de la sphère skate. La mythique Osiris D3 vient d’ailleurs d’être rééditée, et les Vans, qu’elles soient Sk8-Hi ou Old Skool, sont l’unes des (sinon la) baskets les plus portées de ces dernières Fashion Weeks, comme le soulignait récemment un streetstyle du magazine Papermag.
“Si la culture skate prend actuellement autant de place dans la mode, c’est parce qu’elle est selon moi la culture qui a jusque-là été la plus fermée, et donc la moins documentée, médiatisée et partagée, conclut T.J. ‘The Jesus’ Marsh. Ce n’est que très récemment que la communauté skate s’est ouverte à une plus large audience – et le baggy en était son secret le mieux gardé.“