“Une formation faite par les skaters, pour les skaters.” Les résultats du bac viennent de tomber, il est grand temps de s’y intéresser. Ce bachelor (bac+3) de Bordeaux est une formation spécialement axée sur le skateboard. Pour mieux connaître et comprendre ce concept, nous avons discuté avec son créateur, Arnaud Dedieu. Ce directeur de création de profession est marqué par l’ADN du skate, qu’il pratique depuis plus de 30 ans. Il a choisi de mélanger ces deux activités pour créer la Shifty School.
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Un diplôme de responsable en communication
En quelques mots, “Shifty School, c’est une formation en communication, création et digital, abordée sous le prisme du skateboard”. Étonnant ? Oui, mais surtout, innovant. Dans cette école, la passion des étudiants pour le skate est au cœur de tous les apprentissages : “On part du principe que si tu aimes quelque chose, tu apprends mieux”, explique Arnaud.
Cette formation peut se faire sur trois ans, mais elle est également accessible en 2e et 3e année directement, qui peuvent être suivies en alternance. Shifty travaille en partenariat avec SUP’De Com Bordeaux, dont le directeur Mathieu Billon a lui aussi porté le projet. Cette école met à disposition ses infrastructures et délivre le diplôme. À l’issue des trois années, les étudiants obtiennent une certification de responsable de communication qui leur permettra de travailler aussi bien dans l’univers du skate que dans un autre milieu.
“Cette formation est finalement créée pour des étudiants qui viennent d’avoir le bac, qui ne savent pas encore réellement ce qu’ils veulent faire mais qui ont une passion, et qui peuvent apprendre et tester des choses, développer des capacités et grandir par eux-mêmes. C’est pour ça que c’est un bachelor et pas un master, ils ne travailleront pas nécessairement plus tard dans le skate, mais ils auront au moins développé certaines compétences et savoir-faire. Puis, de toute façon la com, ça sert toujours.”
Une nouvelle forme de pédagogie
Comme toute autre formation en communication, Shifty propose des modules communs aux écoles classiques. Mais cette fois-ci, tous ces cours, allant du marketing digital au webdesign, seront uniquement construits autour du skate et de son histoire. Au-delà de la théorie, tous les projets concrets des élèves sont ainsi tournés autour de la discipline, qu’il s’agisse de créer un média, une marque ou autre.
“D’un point de vue analyste, le skate est un univers qui foisonne de communication et de marketing, bien plus que n’importe quelle autre activité. Ça a toujours été très visuel et communautaire, dès les années 70, et ça n’est pas pour rien qu’aujourd’hui le skate est essentiellement médiatisé via Instagram. C’est un secteur très concurrentiel où les marques apparaissent et disparaissent. Il faut donc se démarquer, et dans le skate il y a des codes mais il n’y a pas de règle, ça laisse libre cours à la création et à l’innovation”, explique Arnaud Dedieu.
Si la discipline est en effet au centre des enseignements, il faut tout de même préciser qu’il ne s’agit pas d’un sport étude. La pratique et l’apprentissage du skate n’entrent pas dans la liste de cours, et restent une activité personnelle.
Petit à petit, les élèves en apprendront davantage sur la culture skate mondiale, dépassant la vision américaine de la discipline notamment grâce à l’intervention de professionnels du milieu. La première promotion qui intégrera l’école en septembre sera par exemple parrainée par Léo Valls, skateboarder professionnel emblématique de la ville de Bordeaux. Pour la réussite de cette nouvelle forme de pédagogie, Shifty compte ainsi sur le partage de références et le langage commun des intervenants et des 20 élèves par promotion.
“Si on donne un cas pratique sur le skate à nos élèves, on sait qu’ils se sentiront beaucoup plus concernés que sur un cas plus abstrait qui ne les intéresse pas, ou moins.”
C’est une première en France, qu’il faut mettre en lien avec le modèle scandinave. La Shifty School s’est en effet beaucoup inspirée du lycée de Bryggeriest. En Suède, la petite ville de Malmö abrite le seul établissement construit également par et pour les skateurs, une structure qui a beaucoup influencé Arnaud Dedieu. Le créateur de ce lycée a d’ailleurs souvent été l’un de ses principaux interlocuteurs dans la construction même du projet.
Dans une logique d’ouverture, l’objectif est avant tout de transmettre certaines valeurs aux étudiants. Comme de nombreux autres sports, “le skate enseigne des valeurs profitables à l’éducation” : la persévérance, la créativité, le dépassement de soi, mais surtout, l’adaptabilité à son environnement.
L’importance de la culture skate
Le créateur de Shifty School est également très attaché à la place du skate dans notre société actuelle et à la manière dont il s’intègre petit à petit dans le paysage urbain et culturel. Outre la simple pratique, il nous rappelle l’importance du skate dans les évolutions artistiques et sociales. Il rappelle qu’aujourd’hui, cette discipline se développe, il y a de la place pour tout le monde, ce n’est pas sectaire, que le skate féminin se développe, que ce n’est pas une question de performance. La discipline se nourrit des autres cultures et autres influences, “on peut penser à Spike Jonze évidemment“. À sa façon le skate fait évoluer la société, les mœurs, les communautés et notre approche de l’espace public. Défier les règles, penser librement, imaginer, créer : c’est dans l’ADN du skate. De plus en plus, les skaters deviennent d’ailleurs des activistes responsables bien au-delà de leur communauté.
“C’est fabuleux de voir toutes les associations qui existent aujourd’hui et qui s’appuient sur le skate comme médium pour lutter contre les inégalités, la pauvreté, ou l’exclusion”, nous raconte-t-il en souriant, citant par exemple Skatepal, une association qui travaille avec les communautés à travers la Palestine pour améliorer la vie des jeunes (filles notamment) grâce au skateboard. Finalement au-delà des savoir-faire enseignés c’est surtout ces valeurs, que la Shity school souhaite transmettre à ses étudiants.