Vitrines fracassées, tags insultants… plusieurs établissements de Melbourne, en Australie, ont été victimes de vandalisme. En cause : leur affiliation supposée à la “sphère hipster”.
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Une “guerre anti-hipster” : le quotidien local The Age ne mâche pas ses mots. À la lumière des multiples actes de vandalisme subis par plusieurs établissements du quartier de Footscray, une vague d’inquiétude et d’incompréhension monte chez les commerçants. Ces attaques sont en effet ostensiblement dirigées contre ceux que les agresseurs considèrent comme des “hipsters”, un terme assez flou désignant tout individu attaché aux tendances (musicales, vestimentaires, etc.) de niche.
Dernièrement, les agressions se sont multipliées : slogans insultants, menaces, portes collées à la glu, vitres brisées, entrées par effraction… parsèment la liste de ce qu’ont eu à subir quatre établissements de ce quartier populaire de l’ouest de Melbourne. La dernière date d’aujourd’hui-même, alors qu’un sac de viande pourrie a été jeté sur la vitrine d’un café. Juste avant cela, c’est le propriétaire d’un restaurant de burgers qui a vu sa vitrine cassée et taguée d’un subtil : “Allez vous faire foutre, ordures de hipsters.”
“J’ai trouvé ça un peu ‘amusant’, parce que n’importe qui me connaissant saurait que je ne suis pas du tout un hipster, a confié Shayne McCallum, propriétaire de 8bit Burger, après la quatrième attaque subie. Je viens de Geelong [une ville portuaire non loin de Melbourne, nldr], et nous sommes simplement des restaurateurs qui essayons de vivre de notre métier. Certains ont même écrit sur Facebook ‘ce sont des nerds, pas des hipsters’, et ce qualificatif me convient bien mieux.”
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“Certains ne supportent pas que ce soit une zone qui change”
Au centre du mécontentement de cette minorité violente : les changements récents que connaît Footscray, avec une attractivité grandissante et de nouveaux arrivants. Une conclusion à laquelle sont parvenus les commerçants, notamment grâce au cas de la famille Lucca-Pope. Tenanciers d’un bar, ils ont constaté l’arrêt des attaques à leur encontre après avoir affiché sur leur devanture qu’ils habitaient dans le quartier depuis maintenant huit ans, avec des enfants scolarisés localement. Une nécessité de se justifier qui en a choqué plus d’un.
“Je ne sais pas du tout qui a fait ça, mais je pense que c’est juste une peur du changement. Le fait est que nous aimons la diversité de Footscray, et que nous ne faisons qu’apporter plus de diversité, se désole Stuart Lucca-Pope. Nous sommes simplement des habitants, qui voulons travailler dans la communauté que nous aimons, et dans laquelle nous vivons.”
Car ce sont bel et bien les transformations récentes qui cristallisent les tensions. Nombre d’attaques ont ainsi consisté à accuser les commerçants de n’être intéressés que par le profit, ainsi que de faire flamber le marché de l’immobilier. Des actes se proclamant contre la “gentrification”, un phénomène théorisé dans les années 1960 par Ruth Glass, une sociologue anglaise, qui désigne (pour simplifier) l’installation de ménages aisés dans de vieux quartiers populaires, remplaçant ainsi petit à petit les anciens habitants et transformant leur environnement. Un processus en pratique plus complexe – se référer par exemple aux travaux d’Alain Bourdin, sociologue et urbaniste français – mais qui résume bien ici la situation de Melbourne.
Des violences qui ne découragent pas pour autant ces commerçants, du moins pas encore. Car malgré l’accueil globalement chaleureux, Shayne McCallum déplore le fait que “certains ne supportent pas que ce soit une zone qui change”.