Alors qu’une majeure partie des États-Unis et certains pays d’Amérique du Sud ont déjà autorisé le cannabis à usage médical, l’Europe n’échappe pas à ce grand mouvement. Cette année, trois pays européens ont sauté le pas : l’Allemagne, la Pologne et la Grèce. Petit retour express sur les deux derniers cas.
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Le 19 janvier, les députés allemands ont légalisé à l’unanimité le cannabis à usage thérapeutique – mais uniquement pour les patients atteints de maladies graves (cancers, sclérose en plaques, épilepsie, etc.) et ne pouvant avoir accès à des “thérapies alternatives efficaces”. Ce vote du Bundestag a ouvert la voie à toute une série de nouvelles légalisations de la weed médicale en Europe, y compris dans un pays aussi conservateur que la Pologne.
En effet, la chambre basse du parlement polonais, la Diète, pourtant dominée par la droite dure, a adopté le 22 juin dernier, à la quasi-unanimité (440 voix pour, 2 voix contre, une abstention), un texte légalisant le cannabis à usage médical. Le projet avait été lancé en février 2016 par le député Piotr Marzec-Liroy, ancien pionnier de la scène rap, à l’époque député du mouvement antisystème Kukiz’15 (il est depuis devenu indépendant).
La loi prévoit que les produits seront fabriqués par les pharmacies, en utilisant des matières premières importées. La possibilité pour les patients de cultiver eux-mêmes la marijuana à des fins médicales, prévue dans le projet initial, a été rejetée. De même, l’usage récréatif du cannabis n’est pas légalisé.
L’adoption de cette loi a bénéficié d’un contexte favorable dans le pays. En effet, 78 % des Polonais considéraient dans un sondage réalisé en janvier 2017 que l’accès au cannabis à usage médical devait être légal. Selon l’AFP, le débat public sur l’utilisation du cannabis à usage médical en Pologne s’est intensifié en 2015 après le licenciement controversé d’un médecin bossant dans un hôpital pour enfants de Varsovie. Le pédiatre avait administré de la marijuana à ses jeunes patients épileptiques, à titre expérimental, sans en avoir avisé ses supérieurs. Il a également été relancé l’année dernière par le législateur de gauche Tomasz Kalita, qui souffrait alors d’un cancer du cerveau (et qui en est décédé au début de cette année).
En 2016 déjà, le ministre de la Santé avait cédé (en partie) à la pression publique : il avait approuvé les remboursements de certains traitements faisant appel à des médicaments à base de cannabis (importés exclusivement à la demande du patient, à la suite d’une autorisation spéciale du ministère).
En Grèce, un début de retour à la tradition
En Grèce, le cannabis pourra bientôt être prescrit en cas de spasmes musculaires, douleurs chroniques, syndrome de stress post-traumatique, épilepsie et cancer. Le journal britannique The Independent indique que la décision est intervenue fin juin par la signature d’une décision conjointe des ministres de la Santé et de la Justice grecs. Le Premier ministre Alexis Tsipras a déclaré que le cannabis ne sera plus dans le tableau A des drogues (qui inclut l’héroïne, le LSD ou encore la MDMA) et rejoindra ainsi les drogues aux valeurs médicales approuvées, comme la méthadone ou l’opium. Les détails sur la manière dont le cannabis sera cultivé et distribué doivent encore être clarifiés.
Cette loi pourrait-elle marquer une étape modeste mais significative vers une potentielle légalisation du cannabis à usage récréatif ? Difficile à dire, car à ce stade la Grèce possède une législation parmi les plus sévères d’Europe et la détention et l’usage de cannabis relèvent, comme en France, de l’infraction pénale. Pour autant, le pays ne ferait alors que renouer, avec une longue histoire de culture (et de consommation) du cannabis. En effet, la Grèce possédait une prospère industrie d’exportation de haschich de qualité supérieure, jusqu’à ce qu’Athènes adopte des lois restrictives sur le cannabis et d’autres drogues, interdisant leur vente et leur consommation à partir de 1890.
En outre, la création d’une économie légale du cannabis en Grèce pourrait être une manne inespérée pour ce pays à la situation économique et sociale extrêmement critique. Au Canada par exemple, le cabinet Deloitte a estimé que la légalisation du cannabis à usage récréatif pourrait créer un chiffre d’affaires de 23 milliards de dollars (environ 20 milliards d’euros) par an.
Et en France ? On en est où ?
En France, un seul médicament à base de cannabis, le Sativex, bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), et ce depuis janvier 2014. Il est destiné aux personnes touchées par des problèmes de spasticité (troubles musculaires), ou à celles atteintes de sclérose en plaques. Cependant, plus de trois ans après l’obtention de son AMM, le médicament n’est toujours pas commercialisé. En cause, l’absence d’un accord entre le laboratoire Almirall et l’État français sur le prix du produit, le laboratoire souhaitant notamment que le Sativex soit remboursé par la Sécurité sociale.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ne s’est toujours pas exprimée sur le sujet du Sativex, ni sur celui du cannabis à usage médical en général. Ce sujet était d’ailleurs complètement absent du programme d’Emmanuel Macron, ce qui laisse augurer qu’il n’y aura aucune évolution de la loi au cours de son quinquennat. Quant au cannabis récréatif, rappelons que le président est opposé à sa légalisation et même à sa dépénalisation. Seul changement prévu dans la législation actuelle : la mise en place de contraventions immédiates pour les détenteurs de cannabis, en lieu et place des procédures pénales habituelles (ce qui devrait désengorger les tribunaux).