Avec ses vêtements inspirés par la culture thaï et créés à partir de matières recyclées, celui que l’on surnomme “Madaew” bouscule les diktats de la mode occidentale.
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En matière de tendances, le monde tourne majoritairement autour des vénérées Fashion Weeks. Chaque saison, les designers, journalistes et gourous les plus influents de la sphère mode ont les yeux rivés sur les grandes cités que sont Paris, Londres, Milan et New York, et où défilent, dans une tempête de strass et de fourrure délirante, les collections des créateurs les plus adulés de la planète.
Mais il serait triste, et surtout faux, de résumer la mode à ces grandes et riches métropoles. Plus que jamais, les pays émergents d’Afrique, d’Amérique latine, d’Europe de l’Est ou d’Asie sont les berceaux de nouveaux créateurs ambitieux et talentueux, dont les vêtements resplendissent d’inventivité. Parmi eux, Apichet “Madaew” Atirattana, 17 ans, originaire d’Isaan, l’une des régions les plus pauvres de la Thaïlande.
Repéré par le magazine Time, ce jeune créateur a commencé à faire parler de lui à l’été 2015, lorsqu’il a eu l’idée d’emprunter à sa grand-mère un rouleau de tissu traditionnel thaïlandais avec lequel il s’est confectionné une robe d’une impressionnante longueur. Une explosion de liberté et de glamour, qui rend hommage à la culture thaïlandaise tout en faisant fi des stéréotypes de genre (“Madaew” se considère comme un kathoey, c’est-à-dire un transgenre aussi masculin que féminin), qui a rapidement fait le tour de la Toile.
“Le beau ne dépend pas de l’argent”
Depuis, Madaew ne s’est jamais arrêté de créer. Inspiré par la nature et épaulé par les membres de sa famille (qui n’hésitent pas à jouer les photographes pour son compte Instagram), il confectionne des tenues colorées et surprenantes, qui sont la plupart du temps pensées à partir de matériaux récupérés sur les marchés de son quartier ou dans les espaces luxuriants de sa région : cordes de pêche, ustensiles de cuisine, feuilles d’arbre, briques… avec lui, rien ne se perd, tout se transforme.
“Je veux que les gens comprennent que les choses laides, qui ne semblent de prime abord pas aller ensemble, peuvent former quelque chose de beau, explique-t-il au Time. Et que le beau ne dépend pas de l’argent.”
“Il célèbre l’essence première de l’identité thaï”
Cet univers libre et indépendant, qui contraste avec l’industrie codée de la mode occidentale, a su le mener sous les projecteurs de l’émission Asia’s Next Top Model, sur la chaîne Star World, dans laquelle il a fait une apparition en tant que créateur, en avril dernier. “Il inspire les autres à challenger la norme, à briser le moule, à explorer de nouvelles et excitantes possibilités, a confié au Time Cindy Bishop, mannequin américano-thaïlandaise qui présente l’émission. Je le vois comme un influenceur et un faiseur de mode qui va marquer ces prochaines années. Il célèbre l’essence première de l’identité thaï.”
Car Madaew est tout cela à la fois : un gardien de la culture thaï, un représentant de la mode émergente, et une figure de la communauté transsexuelle, par ailleurs très forte en Thaïlande. Un statut multiple qu’il compte bien utiliser pour inspirer et motiver la prochaine génération. “Ici en Isaan, les gens sont assez réfractaires à la nouveauté, explique-t-il au Time. Mais quand j’aurai réussi, je pense qu’ils deviendront plus ouverts, et cela ouvrira la voie aux jeunes gens d’Isaan, pour faire la même chose que moi, plus facilement.”