Le ministère allemand de la justice a trouvé un accord avec les géants du Web pour que les messages haineux soient supprimés dans les 24 heures.
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Facebook, Twitter et Google sont tombés d’accord avec le ministère de la justice allemand : dans un rapport présenté le 15 décembre, le ministre Heiko Maas a annoncé de nouvelles mesures dans la lutte contre le racisme en ligne, dont l’obligation pour les réseaux sociaux de supprimer les messages à caractères haineux et xénophobe de leurs plateformes dans les 24 heures suivant leur publication. Un accord inédit en Europe, dans un contexte d’explosion du nombre de commentaires en ligne racistes sur fond de crise des réfugiés.
Alors que la modération des messages sur Facebook était depuis de longs mois la cible des critiques, notamment celles des associations antiracistes ultra-rhénanes, le gouvernement annonçait en août le lancement d’un groupe de travail entre les différents représentants des réseaux sociaux et les législateurs.
En septembre, Facebook jouait les bons élèves en annonçant un partenariat avec FSM, un organisme de contrôle de contenu des réseaux sociaux basé sur le volontariat, et la création d’équipes dédiées à la modération, tout en incitant les associations à signaler les contenus indésirables. Insuffisant pour l’Allemagne, qui augmentait la pression sur Facebook le mois dernier en ouvrant une enquête à l’encontre de son directeur général européen, Martin Ott, pour incitation à la haine (un délit passible de cinq ans de prison), le jugeant responsable de la diffusion de commentaires xénophobes postés sur la plateforme.
“Facebook dislike”
Cet accord signé entre les deux parties devrait donc détendre un peu une atmosphère étouffante entre Facebook, le gouvernement allemand et l’opinion publique et médiatique, qui reproche de plus en plus violemment au réseau social son manque de réactivité face à la rhétorique haineuse du mouvement d’extrême-droite Pegida. En octobre, le journal populaire Bild publiait une double page remplie de commentaires haineux postés sur Facebook pour sensibiliser la classe politique au problème. Ce week-end, enfin, une vingtaine de personnes ont pénétré et vandalisé les locaux de l’entreprise à Hambourg, peignant “Facebook dislike” sur les murs du bâtiment.
L’Allemagne, qui a accueilli près d’un million de réfugiés en 2015, est donc le premier pays à mettre Facebook, Twitter et Google face à leurs responsabilités. En France, le collectif Faites de la tolérance, créé par la députée socialiste du Pas-de-Calais Brigitte Bourguignon, lançait il y a trois mois une pétition pour interpeller Laurent Solly, PDG de Facebook France, sur la nécessité de modérer les publications haineuses. Dans la foulée, le journal Nord-Littoral publiait un “mur de la honte” en publiant un pot-pourri des commentaires racistes récoltés sur leur page et y associant les noms de ses auteurs.
Pourtant, aucune action significative n’a encore été prise par le gouvernement, qui se repose sur le code pénal, qui ne définit pas vraiment la responsabilité des entreprises du Web : la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique prévoit certes explicitement que les hébergeurs doivent supprimer les contenus illicites et en informer les autorités dès lors que ceux-ci leur sont signalés, mais assure également qu’ils “ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les information qu’ils transmettent ou stockent”, ni à l’obligation de traquer ces contenus.
Depuis 2009, le gouvernement a ainsi mis en place un dispositif de signalement anonyme, tandis que Facebook multiplie les partenariats associatifs avec la Licra, SOS Racisme ou le Crif. Des initiatives nationales qui, malheureusement, dépassent à peine le stade du symbolique, quand les Allemands ont décidé de sonner la fin de la récré xénophobe.