Et si leurs destins étaient désormais liés ? L’empereur de la crasserie Alkpote et l’exubérant (mais toujours pertinent) Philippe Katerine viennent tous les deux de dévoiler leur nouvel effort en ce vendredi 8 novembre. Sur le papier, tout les oppose. Mais pourtant, les deux hommes ont créé au fil des mois une relation artistique forte, qui s’est notamment matérialisée par un featuring improbable et complètement barré pour la fête des mères. On retrouve d’ailleurs ce titre, “Amour”, sur le projet de l’aigle royal de Carthage.
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Tout débute grâce à Lomepal, qui avait invité le chanteur français ainsi que le rappeur francilien lors de son Planète Rap exceptionnel sur Skyrock il y a quasiment deux ans. La magie a opéré, les deux hommes accrochent. Ils n’en resteront pas uniquement à cette simple improvisation balbutiante.
À tel point que leur collaboration semble être bénéfique pour les deux hommes. Katerine renforce sa présence dans le rap français et s’ouvre vers de nouveaux horizons, sans être pour autant ridiculisé – car soutenu par le rappeur d’Évry-Courcouronnes (qui est lui extrêmement respecté par ses pairs rappeurs). Alkpote, lui, s’oriente vers une musique plus accessible au grand public, moins underground. Fini le rap pour les rappeurs, place au rap populaire – sans pour autant abandonner sa légendaire marque de fabrique.
Une nouvelle direction stratégique qui se ressent sur l’album de l’empereur, Monument. Si l’on retrouve toujours des morceaux dans la même veine que ceux qui ont fait sa réputation et des featuring qui vont avec (Kaaris, Kalash Criminel), Alkpote n’a pour autant pas oublié d’incorporer dans son nouveau projet des titres relativement intimistes et novateurs pour lui, avec des invités qui lui permettent de capter une audience nouvelle et potentiellement plus large (Philippe Katerine, Roméo Elvis). Ajoutez à cela sa collaboration récente avec Bilal Hassani, et vous obtenez un Alkpote plus mainstream que jamais, prêt à conquérir la France entière.
Pour le quatorzième album studio de sa carrière entamée il y a quasiment trente ans, l’excentrique chanteur français a lui aussi changé son plan traditionnel. D’habitude peu adepte des associations musicales, Philippe Katerine invite pas moins de neuf autres artistes sur Confessions, qui contient vingt pistes. Ses connexions cinématographiques lui ont permis de convier Léa Seydoux et Gérard Depardieu (qui est son beau-père par ailleurs).
Grâce à ses relations héritées de la chanson française, on retrouve aussi bien Camille ou Dominique A que la nouvelle idole des jeunes, Angèle. Mais le plus surprenant reste les présences de la légende Oxmo Puccino et de son grand ami Lomepal, avec qui il avait déjà collaboré sur Jeannine, ainsi que des beats par moment bien plus tournés vers le rap (en témoigne “Rêve affreux” avec une prod’ de Bricks On Da Beat).
Si les points forts de Katerine (créativité, imagination, originalité…) sont toujours présents sur Confessions, cette vague de collaboration permet d’apporter une dimension supplémentaire au projet – sans pour autant gommer les idées de Katerine, qui naviguent toujours quelque part entre génie et absurde. D’autant plus que les featuring ne sont pas “figés” sur les morceaux indiqués puisqu’on peut entendre à plusieurs reprises les voix des invités sur d’autres titres pour de brèves interventions. De quoi confirmer qu’on a là affaire à l’un des artistes les plus créatifs de l’Hexagone.
Une tactique gagnante pour les deux artistes donc, qui fait plaisir à voir et démontre que les frontières entre les genres musicaux n’ont jamais été aussi fines qu’aujourd’hui. Les choses bougent, les mentalités changent. Enfin. Seul regret : Alkpote ne figure pas sur l’album de Philippe Katerine. Sans cela, cette journée aurait décidément été bien trop parfaite.