Malgré ses affaires #MeToo, Luc Besson va sortir un nouveau film au cinéma

Malgré ses affaires #MeToo, Luc Besson va sortir un nouveau film au cinéma

Une plainte pour viol et neuf témoignages pour comportements sexuels inappropriés n'empêchent pas Luc Besson de sortir Anna.

Ce mercredi 11 avril, surprise : les toutes premières images du nouveau film de Luc Besson, Anna, sont diffusées sur les réseaux sociaux. Sur ceux de Pathé en France, qui distribue le film depuis un accord réalisé avec Europacorp à la mi-décembre, et sur ceux de Lionsgate, son distributeur aux États-Unis.

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L’affiche de ce nouveau long-métrage montre Sasha Luss, une mannequin russe qui a fait ses débuts d’actrice dans Valérian sous les traits de la princesse Lihö-Minaa, et sous-entend que le film explorera les multiples facettes d’une jeune femme. On retrouvera dans ce film d’action quelques têtes d’affiche comme Cillian Murphy, le leader des Peaky Blinders, mais aussi Luke Evans (La Belle et la Bête).

Face à ce synopsis plutôt mystérieux, la tagline de l’affiche n’ambitionne pas non plus de nous éclairer :

Au contraire, cette formulation peut paraître surprenante. Certaines personnes n’ont pas pu s’empêcher de faire le lien avec les récentes affaires de viols et d’agressions sexuelles dont Luc Besson a été accusé. Preuve que la réputation du cinéaste est toujours mise en cause dans une France qui n’a (pour l’instant) pas connu d’affaire Weinstein.

L’affaire Weinstein n’a pas (encore) de VF

Aux États-Unis, l’affaire Weinstein, qui a éclaté le 5 octobre 2017, a entraîné les mouvements #MeToo et Time’s Up et a permis d’écarter temporairement certains prédateurs sexuels des plateaux comme Kevin Spacey, Bryan Singer, James Franco ou John Lasseter. En France, le climat est plus tempéré, mais ce n’est pas pour autant que les comportements sont plus respectueux.

Dans l’Hexagone, le mouvement #Balancetonporc, qui a émergé sur les réseaux sociaux en octobre 2017, a surtout visé, dans l’industrie cinématographique, Luc Besson. Tout a commencé le 19 mai 2018 avec une plainte de l’actrice Sand Van Roy, qui affirme avoir été violée par le cinéaste alors qu’ils étaient à l’hôtel Bristol, à Paris.

La jeune femme de 27 ans avait expliqué à la police que le producteur avait sûrement mis de la drogue dans sa boisson, car elle se serait sentie affaiblie et aurait perdu connaissance. C’est là que, selon ses dires, le cinéaste aurait abusé d’elle lors d’une “relation sexuelle non consentie” et “sans grande douceur”.

Le 29 mai 2018, les analyses toxicologiques donnent tort à la version de la comédienne de Taxi 5 et de Valérian et la Cité des mille planètes. Le 10 juillet 2018, une enquête de Mediapart a recueilli en parallèle des témoignages de plusieurs femmes, de ses employées à ses assistantes en passant par des élèves de l’École de la Cité, soulignant les comportements douteux de Luc Besson.

Ces témoignages glaçants entachent un peu plus la réputation du cinéaste. Dans les colonnes du média, on apprend aussi que Van Roy a porté plainte pour d’autres relations non désirées entre mars 2016 et mai 2018. Elle a décrit à la police des actes sexuels violents, allant parfois “jusqu’au sang”. Des agissements qu’elle a subies pour ne pas être “blacklistée” ou “coupée [d’un] montage”.

Innocenté par la justice, rattrapé par des témoignages

Après neuf mois d’enquête, et la publication par Mediapart de photographies de l’actrice Sand Van Roy versées au dossier, la plainte est finalement classée sans suite le 25 février 2019. Pourtant, trois jours auparavant, le 22 février, un nouveau témoignage d’une actrice dénonçant les comportements de Luc Besson est envoyé à la justice. Si les faits se seraient déroulés il y a plus de dix ans et seraient donc aujourd’hui prescrits, la victime présumée a décidé de ne pas porter plainte contre Luc Besson, mais de s’exprimer pour soutenir Sand Van Roy.

La situation semble donc rétablie pour Luc Besson : dans les faits, il est épargné par la justice, mais de nouvelles accusations ont émergé. En conséquence, le réalisateur français s’est tenu à l’écart des plateaux, des soirées et des médias le temps que l’affaire se tasse. Autrement dit, il a refusé de s’exprimer publiquement, a supprimé ses comptes sur les réseaux sociaux et a mis en pause son travail.

Innocenté, le cinéaste fait désormais l’actualité ciné de la journée avec son nouveau film Anna, dont la bande-annonce a été dévoilée ce mercredi 10 avril par Pathé. Le distributeur a ainsi confirmé la distribution du nouveau film de Luc Besson, malgré les accusations d’agressions sexuelles et de viols qui gravitent autour de sa personne.

Contacté par Konbini, Pathé n’a pas souhaité répondre, n’ayant “aucun commentaire à faire par téléphone”. Nous avons également envoyé un mail, qui est resté sans réponse.

Nous reviennent alors en tête alors les mots de Blanche Gardin, lors de la cérémonie des Molières 2017, qui évoquait sur le ton de l’humour noir l’affaire Polanski : 

“Il faut savoir séparer l’homme de l’artiste. C’est bizarre, d’ailleurs, que cette indulgence ne s’applique qu’aux artistes. On ne dit pas, par exemple, d’un boulanger : ‘Oui, c’est vrai il viole un peu des gosses dans le fournil, mais bon il fait une baguette extraordinaire.'”

L’humoriste soulevait alors un point intéressant et longuement débattu dans le milieu culturel : pourquoi les cinéastes, les producteurs et autres personnes bien placées dans l’industrie cinématographique (et musicale) continuent d’exercer leur métier et à jouir de leurs privilèges alors que des affaires de viols et d’agressions sexuelles les rattrapent ?

Pour rappel, comme l’expliquait la metteuse en scène, comédienne et directrice du centre dramatique national de Montluçon Carole Thibaut dans sa tribune publiée dans Libération, en France, moins de 10 % des victimes de viol portent plainte. Sur ces 10 % de cas qui remontent à la justice, 70 % sont classés sans suite, et seulement 1 % de l’ensemble des viols et tentatives de viols font l’objet d’une condamnation en cour d’assises.