L’art fait parler la science
Prémices d’une existence en conserve?
Plus saisissant encore est la portée de cette information. Car lorsque nous regardons ces images, la première pensée qui vient à notre esprit relève plus de la fascination que du rejet. Il y a quelque chose de fantasmagorique dans l’idée de toucher du doigt ce qui relevait d’un futurisme absolu quand nous étions plus jeunes. Ainsi, constater les travaux d’Heather Dewey-Hagborg, ramassant les déchets d’inconnus pour en ressortir leur portrait 3D est une façon de concrétiser le fantasme de la reconnaissance ADN et tout ce que cela implique dans un quotidien basé sur “l’identification génétique”.
L’identification, la reconnaissance génétique sont des sujets qui ont enrichi la littérature comme le cinéma dans ce qu’elles laissent présager de plus sombre, c’est-à-dire l’atteinte à la vie privée, manquement aux libertés, traçabilité. Autant de notions d’éthiques auxquelles nous sommes confrontées et qui font régulièrement l’actualité sans pour autant trouver d’issues définitives car notre environnement évolue, comme contraint, en faveur de ces nouvelles technologies. C’est par ailleurs toujours dans une approche sécuritaire et raisonnable qu’elles nous sont présentées.
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Le futur des portraits-robots ?
Par exemple, en ce qui concerne ces méthodes de reconstitution faciale dont l’artiste New-Yorkaise nous fait prendre conscience, si on peut s’interroger sur les possibles déviances, elles sont présentées comme une alternative potentiellement essentielle dans la lutte contre criminalité. Cette méthode peut en effet s’avérer probante dans la reproduction de portraits-robots.
Une approche qui peut certes justifier la pratique de la reconnaissance génétique mais dans un contexte très limité. Dans un article du blog Le Monde Passeur de Sciences qui traite de l’approche de Heather Dewey-Hagborg , le journaliste Pierre Barthélémy soulève les failles de ce système :
Au-delà de cette expérience artistique, demeure l’idée dérangeante que, comme nous laissons traîner notre ADN partout, n’importe qui peut récupérer et exploiter un échantillon de notre matériel génétique. (…) Que devient le même mégot abandonné par un meurtrier sur une scène de crime, surtout dans une société abreuvée de séries policières ressassant que l’ADN est la reine des preuves ? Et si jamais ce Fantômas moderne s’est affublé d’un masque à votre visage pour se faire complaisamment filmer par les caméras de vidéo-surveillance, quelles seront vos chances d’échapper à l’erreur judiciaire ?
- Reconnaissance faciale, reconnaissance vocale, correspondance génétique.
Quand ce sont nos gènes qui fixent notre statut et notre place dans la société, quelle place reste t-il à l’imprévisibilité créatrice ? Qui seras-tu vraiment le jour où lorsqu’on te demanderas “qui es tu” ? La seule réponse acceptée sera ” groupe sanguin O – chromosome Y – Genre F – N°xxxxxxx” ?
Passer d’un esprit libre à un statut genré, est-ce ce vers quoi nous devons tendre ? Quelque part entre Bienvenue à Gattaca et Idiocracy ? Probablement pas dans le même contexte et il n’est pas question de s’affoler mais de s’interroger. C’est ce que recherche Heather Dewey-Hagborg dans ses travaux et c’est la première fonction de l’art : pousser à s’interroger sur la relation qui unit les hommes à leur environnement.
S’interroger sur la place de l’Homme dans la société de demain c’est aussi lui faire prendre conscience de sa responsabilité dans le devenir de sa propre existence. Et ça commence par une chose : ne pas prendre les choses pour acquises et garder éveiller sa curiosité. Ce n’est pas parce que sur une boîte surgelée Findus, il y a écrit “boeuf “ à côté de la mention “toutes saveurs conservées” que c’est forcément du boeuf.