Jusqu’au 21 janvier, l’exposition “Pop Art – Icons that Matter” au musée Maillol, à Paris, vous plonge dans le mouvement pop art avec plusieurs œuvres iconiques de ce courant artistique.
À voir aussi sur Konbini
Jusqu’au 21 janvier, l’exposition “Pop Art – Icons that Matter” du musée Maillol vous propose de redécouvrir le mouvement phare des années 1960-1970, à Paris. Effectivement, cette sélection inédite d’une soixantaine d’œuvres provenant du Whitney Museum of American Art de New York, véritable temple de l’art américain du XXe siècle, s’avère être un véritable florilège des œuvres du mouvement pop art aux États-Unis.
Cette exposition saura vous prouver la diversité de ce courant artistique, avec une collection qui inclut diverses techniques utilisées telles que la photographie, la peinture, la gravure, la lithographie, la sérigraphie ainsi que la sculpture. En effet, si le mouvement pop se caractérise par une esthétique issue du monde publicitaire, avec notamment des couleurs vives et brillantes, celui-ci prend forme sous divers aspects.
“Pop Art – Icons that Matter” nous donnera à voir aussi bien des figures emblématiques du pop art telles que Roy Lichtenstein, Andy Warhol et Claes Oldenburg, que des artistes américains, moins connus en France, et notamment présents sur la côte Ouest des États-Unis, comme Billy Al Bengston ou Ed Ruscha.
D’une grande richesse, “Icons That Matter” permet également de découvrir des œuvres iconiques du mouvement pop art. Nous vous en avons sélectionné cinq, toutes présentes dans ladite exposition. Chaque œuvre a été commentée par Hervé Vanel, historien de l’art, spécialiste du pop art et également conseiller scientifique de l’exposition.
#1. Andy Warhol, “Electric Chair” (1971)
Andy Warhol est incontestablement le personnage emblématique du pop art américain. De son œuvre éclectique, on a surtout retenu ses portraits flashy (criards) d’Elvis Presley, Marilyn Monroe ou Liz Taylor et son appropriation d’images de la société de consommation et des médias de masse américains ; qu’il s’agisse de boîtes de soupe, d’accidents de voiture, d’émeutes raciales ou de la chaise électrique.
Le recours à la technique de l’impression sérigraphique lui permet de réaliser des œuvres en série, sans pour autant rechercher la perfection de la reproduction mécanique des photographies qu’il utilise. Dans les années 1970, il y ajoute à l’occasion une touche personnelle en appliquant quelques coups de pinceaux “expressionnistes” sur la sérigraphie. Ses œuvres reflètent la façon dont les médias fabriquent les espoirs et les désirs, imprégnés dans la culture américaine à cette époque.
Au cours des années 1970, devenu lui-même une célébrité, il se consacre principalement à des portraits “mondains” de personnages de la haute société, de la politique, de la mode et du monde du spectacle tels que la reine d’Angleterre, Richard Nixon ou encore Mick Jagger. Il alimente les polémiques mais ses créations font incontestablement de lui, l’un des artistes les plus influents du XXe siècle.
Hervé Vanel vient commenter : “Une œuvre comme ‘Electric Chair’, de 1971, est très caractéristique d’une tension entre le glamour et le tragique qui traverse souvent l’art de Warhol. On y voit cette image très forte et violente de la chaise électrique traitée, de manière quasi publicitaire avec une couleur vive, chatoyante. C’est chic et choc. Warhol lui-même, avec son sens très particulier de la provocation, comparait l’éventail de couleurs qu’il appliquait à cette image à une sorte d’opération de promotion : ‘On les fait en bleu, en vert, en rouge — toute la gamme. C’est ça le marketing, on en fait autant qu’on peut.”
#2. Roy Lichtenstein, “Girl in Window” (1963)
Évidemment, Roy Lichtenstein, l’autre figure emblématique du courant pop art est également présent au sein de l’expo. Commençant sa carrière au début des années 1950 avec des œuvres s’apparentant à l’expressionnisme abstrait qui domine alors la scène artistique américaine, c’est seulement au début des années 1960 qu’il intègre pleinement l’esthétique pop, dont il deviendra l’un des principaux représentants.
Connu pour ses filtres reprenant l’esthétique des comic books américains, il utilise des couleurs vives et des contours nets afin d’appuyer sur le côté graphique de ses œuvres. Une technique froide et relativement impersonnelle qui donne un effet assez “industriel”, mais qui dévoile, malgré tout, des œuvres avec une grande force émotionnelle.
“Girl in Window” s’avère être une esquisse d’un panneau mural qui lui a été commandé, afin de décorer le pavillon de l’État de New York pour l’Exposition universelle de New York en 1964.
“C’est une image très complexe sous son apparente simplicité. La ressemblance avec l’imagerie typique des comic books américains frappe tout de suite, mais le motif rappelle aussi la tradition baroque de l’image de la “jeune fille à la fenêtre” dont la figure déborde toujours un peu du cadre. Sauf que l’effet du trompe-l’œil est désamorcé chez Lichtenstein par son imitation soigneuse de la trame imprimée qui donne à la peinture l’apparence d’une reproduction extraite d’une bande dessinée. Et pourtant, le panneau mural se présentait bien comme une “fenêtre” sur le mur du pavillon de l’État de New York… Il y a chez Lichtenstein tout un jeu, qui reste toujours instable, entre différents niveaux de culture, différents niveaux de représentation et de perception.”
#3. Claes Oldenburg, “French Fries and Ketchup” (1963)
Originaire de Suède, Claes Oldenburg arrive aux États-Unis en 1936, avec sa famille. Aujourd’hui, ce dernier est considéré comme l’un des pionniers du pop art grâce à ses représentations à grandes échelles et ses immenses sculptures molles représentant des objets du quotidien.
Au cours de l’exposition, nous avons notamment l’opportunité de découvrir en grandeur nature un cendrier géant, ou cette énorme assiette de frites avec ketchup à voir ci-dessous. Des œuvres qui font écho à cette société de consommation, prônant ainsi une certaine modestie avec des objets du quotidien revisités. Effectivement, son esthétique s’oppose directement à l’art plus élitiste et intellectuel, alors considéré comme de la “haute culture”.
“Oldenburg a commencé sur la scène du happening et de la performance, et on retrouve dans ses sculptures monumentales un désir d’investir directement, physiquement et sans ménagement l’espace du spectateur de manière à troubler la frontière entre l’art et la vie. C’est un peu dommage de voir, aujourd’hui, ses sculptures mises à distance sur des estrades — même si c’est la règle. Pourtant, cela diminue l’impact d’une œuvre qui repose sur une forme d’excès et un sens de la démesure ; qu’il s’agisse de l’extrême banalité du motif ou de son traitement monumental. C’est quand même un artiste qui disait être ‘[…] pour l’art qu’on met et qu’on enlève comme un pantalon, qui se troue comme des chaussettes, qu’on mange comme une part de tarte, ou qu’on abandonne avec le plus grand mépris, comme un tas de merde.'”
#4. Tom Wesselmann,”Great American Nude” (1964)
Tom Wesselmann devient célèbre grâce à ses gigantesques images de nus féminins et d’objets du quotidien. Ce dernier les traite de façon très singulière avec une technique qui s’inspire de l’affiche et qui été arrangée dans le style de Matisse, avec beaucoup de sensualité ainsi que l’utilisation des couleurs plates.
Ses images sont, elles aussi, principalement liées à la société de consommation américaine. On retrouve de nombreuses femmes blondes aux rouges à lèvres rouge pétant et aux ongles vernis en train de se prélasser avec des boissons et cigarettes typiquement américaines.
“Les ‘Great American Nudes’ de Wesselmann reposent sur une sorte de traitement générique du corps féminin qui se trouve réduit à un aplat de couleur chair très crue où surnagent la bouche et les tétons, le tout servi sur une couverture léopard. C’est délibérément vulgaire, kitsch. C’est une imagerie érotique sexiste, qui instrumentalise le corps féminin et en fait une simple marchandise. Et pourtant, c’est de la peinture et, à ce titre, son art nous signale l’existence d’une longue tradition qui va de Titien à Matisse et de Manet à Playboy. Au fond il devient clair que les stéréotypes sexuels et érotiques circulent, sans discontinuer, de la culture populaire à la grande culture classique et dans les deux sens. La peinture de Wesselmann s’inspirait clairement des magazines de charme, mais ceux-ci s’approprient aussi les clichés de la tradition picturale occidentale. L’art pop, c’est une circulation des clichés dans les deux sens.”
#5. Allan D’Arcangelo, “Landscape” (1964)
Allan D’Arcangelo est un artiste et graveur américain appartenant au mouvement pop art. Ce dernier est principalement connu pour ses peintures représentant les autoroutes et les panneaux de signalisation. Ses œuvres côtoient le minimalisme, le précisionnisme, le “hard-edge painting” (courant qui privilégie les contours nets) et le surréalisme.
Faisant ainsi de lui un artiste singulier et difficile à catégoriser, mais D’Arcangelo reste tout de même l’une des figures emblématiques de ce courant artistique. Comme celles de ses compères, ses œuvres traitent principalement la société américaine, avec des sujets qui évoquent souvent l’avenir de sa nation.
“D’Arcangelo n’est sans doute pas l’artiste pop le plus connu, mais sa peinture est vraiment remarquable. Devant ses peintures d’autoroute, on peut penser à Sur la route (1957) de Kerouac ou à la tradition des road movies de The Wild One (1953) jusqu’à Easy Rider en 1969. La route 66 et le voyage sans but deviennent un motif à la fois central et ambigüe de ce qu’on appelle le ‘rêve américain’. Techniquement d’abord, c’est quelqu’un qui élimine radicalement toute gestuelle, tout travail du pinceau, toute modulation de couleur. C’est une esthétique froide, mécanique et dépourvue de sentimentalité qui correspond bien à la nature industrielle, moderne du paysage autoroutier américain dont il fait son motif de prédilection au début des années 1960. Cela dit, on perçoit une forme de fascination très romantique pour cet univers inhumain quand on voit cette lune, qui n’est autre que le logo d’une compagnie pétrolière, se lever à l’horizon de ‘June Moon’, par exemple.”