D’après les relevés des associations et du ministère de l’Intérieur, les chiffres des actes antireligieux en France, en 2015, sont préoccupants : les actes antimusulmans ont triplé, les actes antisémites restent élevés et les actes antichrétiens ont augmenté de 20 %.
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Pour inaugurer sa nouvelle formule, le quotidien La Croix s’offre mercredi 20 janvier une interview du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Le “premier flic de France” n’est pas vraiment porteur de bonnes nouvelles : il annonce que les actes antimusulmans “ont triplé” en 2015 et les actes antisémites sont restés “à un niveau élevé”.
Selon le décompte dressé sur la base des plaintes et des mains courantes de l’année, Cazeneuve relève la “diminution de 5 % des actes antisémites, qui restent cependant à un niveau élevé, avec 806 actes constatés”. Les actes antimusulmans s’établissent, eux, à “environ 400” – un record depuis la création, en 2011, de l’Observatoire national contre l’islamophobie, qui dépend du Conseil français du culte musulman (CFCM). En 2014, l’instance dénombrait 133 actes antimusulmans.
“Les lieux de culte et cimetières chrétiens, qui sont en France les plus nombreux, ne sont pas épargnés avec 810 atteintes, en hausse de 20 %”, ajoute le ministre.
D’après Le Monde, seules les années 2009 et 2014, qui correspondent à des périodes de durcissement du conflit israélo-palestinien, ont entraîné davantage d’actes antisémites. La majorité des actes antimusulmans a été commise dans la première partie de l’année, soit après les tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher.
Qui compte ? Qui valide ?
Comment sont recensés ces actes ? Qu’est-ce qui relève de l’agression à caractère antireligieux et qu’est-ce qui relève de l’agression “tout court” ?
Concernant le décompte des actes commis à l’encontre des juifs, c’est le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) qui diffuse régulièrement les bilans. Pour les actes antimusulmans, c’est du côté de l’Observatoire national contre l’islamophobie qu’il s’agit de se tourner, mais aussi vers le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), un réseau qui se déclare indépendant.
En les relayant comme tels, le ministre de l’Intérieur valide de facto ces chiffres. Or, sont-ils justes ? Certes, les offices qui dénombrent ces agressions travaillent de concert avec la place Beauvau, et on peut ainsi, de fait, estimer qu’il s’agit du meilleur recensement possible. Mais tous les actes antireligieux et/ou racistes sont-ils rapportés à la police ? La police elle-même est-elle infaillible sur le classement d’actes “racistes”, “xénophobes”, “antisémites” ?
“Le recensement des plaintes pour islamophobie est une donnée relativement fragile”
En 2014, le sociologue Marwan Mohammed expliquait la délicate tâche de recenser de tels actes, mais aussi celle pour la victime d’avoir conscience de sa portée antireligieuse, dans un article du Monde :
“Le recensement des plaintes pour mesurer l’islamophobie est une donnée relativement fragile. Dans les études de victimation, on remarque que le taux de plainte est plutôt faible sur ces questions.
Nous ne disposons pas non plus d’étude précise sur l’accueil qui est réservé aux victimes d’islamophobie par les policiers. Et la plainte peut ensuite être requalifiée, par exemple en incitation à la haine raciale.”
Le détail des chiffres antireligieux de l’année 2015 doit être communiqué mercredi par le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), Gilles Clavreul.