Notre chère planète regorge d’endroits extraordinaires et atypiques. Notre série 20 000 lieux sur la Terre vous propose d’en découvrir quelques-uns.
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Certains recoins du globe sont si spectaculaires qu’ils en deviennent légendaires. C’est le cas de Teahupoo, en Polynésie française, un spot de surf internationalement connu et réputé pour ses énormes vagues. Celles-ci sont très grosses mais aussi très dangereuses…
Au sud de Tahiti, le lieu-dit Teahupoo attire des milliers de passionnés à la recherche de sensations fortes. Ce spot, l’ultime paradis de la glisse, est un passage obligé pour les légendes du surf – Kelly Slater, Laird Hamilton ou Bobby Martinez font partie de ceux qui ont construit son mythe.
Le surfeur Olivier Laneyrie, qui y est allé de nombreuses fois, explique ce qui rend Teahupoo si particulier :
“Teahupoo se trouve au bout de la presqu’île, donc complètement isolé du restant de Tahiti, ce qui fait qu’en allant là-bas, on est totalement dépaysé par rapport au reste de l’île qui est très peuplée, avec une circulation dense. Cela donne le sentiment de retrouver l’essence même de la Polynésie et de rentrer dans un lieu à la fois apaisant et inquiétant. Quant à l’énorme vague de Teahupoo, je l’ai connue il y a à peu près 25 ans et bien sûr, elle n’avait pas la notoriété qu’elle a maintenant. Je me rappelle que les surfeurs en parlaient comme d’une super vague un peu inconnue…”
Un lieu de traditions
Il faut remonter le fil du temps pour comprendre son histoire. Autrefois, le spot permettait aux chefs tahitiens d’imposer leur supériorité en réalisant ces démonstrations de bravoure, symbole de bénédiction divine. Aujourd’hui, sur les lieux, en bordure de plage, une pancarte avertit les visiteurs qu’ici se dresse la vague la plus dangereuse du monde.
L’écho de Teahupoo
C’est à partir de 1997 que la réputation de la vague de Teahupoo déferle à l’échelle internationale, notamment grâce au Tahitien Raimana Van Bastolaer, l’un des boss du coin, qui fait aussi désormais carrière à Hollywood – il a fait une apparition dans Point Break 2. En effet, à la fin des années 1990, le spot se fait connaître au-delà des frontières polynésiennes, notamment grâce au Billabong Pro Tahiti, un championnat du monde de surf, qui fait étape à Teahupoo depuis 1999. Dès lors, les professionnels du monde entier viennent surfer sur la vague, les publicitaires y tournent leurs publicités (comme celle pour les cartes bleues Visa mettant en scène Kolohe Andino) et les photographes immortalisent les plus belles figures.
Des records et des morts
La vague de Teahupoo est une des plus impressionnantes et des plus particulières du monde. Les coraux sont vivants et coupants. Avant d’échouer sur le récif, aucun obstacle ne la perturbe, d’autant plus que les puissantes houles du Pacifique Sud arrivent avec toute leur force. C’est un tube parfait, l’eau y est cristalline et la puissance de la vague unique au monde. Pendant l’été 2000, Laird Hamilton eut, par exemple, la chance de surfer un colosse de plus de 15 mètres. Cette “Vague du Millénaire”, comme on la surnomme, formait un tube de la dimension d’un hangar.
Pour trouver les plus grosses vagues, qui dépassent les 10 mètres, il faut attendre l’hiver austral, soit de mai à septembre. Seuls les plus professionnels parviennent à glisser sur les plus grosses vagues de Teahupoo. Un surfeur passionné explique :
“Au-delà d’une hauteur de 5 mètres, il n’est plus humainement possible de ramer pour prendre une vague. Alors on passe au tow-in, c’est-à-dire le tractage par un jet ski, qui lance le surfeur dans la vague. Sur les plus grosses vagues, les surfeurs s’élancent à environ 45-50 km/h, mais ce n’est pas la vitesse la difficulté. Le plus compliqué, c’est de réussir le ‘drop’ (le moment où l’on se relève sur la planche) ou le ‘take-off’ (départ d’un ride). Le départ est extrêmement raide et devient vertical en quelques fractions de seconde. Il faut se mettre debout rapidement et négocier son tube parfaitement.”
Avant de s’attaquer à ce type de vagues (rappelons qu’une vague de 15 mètres correspond à une hauteur d’un immeuble de 6 étages), les surfeurs suivent souvent un entraînement intensif, aussi bien mental que physique, comprenant, en plus d’une préparation classique, de l’apnée, de la méditation et du yoga – car il est important de ne pas paniquer sous l’eau en cas de chute, en effet, le fait de paniquer consomme beaucoup d’oxygène.
De par la proximité de la barrière de corail, qui se situe à quelques dizaines de centimètres de la surface de l’eau, Teahupoo fait partie des spots de surf les plus dangereux du monde, à l’instar de Pipeline, à Hawaï, ou de Mavericks, en Californie, où rôdent des requins blancs.
À Teahupoo, la surfeuse Keala Kennelly a été grièvement blessée au visage lors de l’une de ses sessions, en 2011. Au total, depuis 2000, plus de cinq surfeurs y ont trouvé la mort, notamment par noyade. Sur place, les surfeurs expérimentés et bénévoles de Tahitian Water Patrol, surnommés “les anges gardiens de Teahupoo”, assurent la sécurité en jet ski, en secourant les surfeurs qui tombent. Une présence cruciale quand on sait que l’hôpital le plus proche (celui de Papeete) se trouve à plus d’une heure de route en voiture.
Filmer la vague
Photographe spécialisé dans les clichés de surf, Sébastien Zanella fait partie de ceux qui ont choisi de poser leurs valises à Tahiti, le temps d’un shooting. Il a fait de Teahupoo le décor de son court-métrage Sable noir. Fruit de la collaboration entre Billabong et Desillusion Magazine, dont Sébastien est le fondateur, ce majestueux film en noir et blanc dévoile les takeoffs de Jack Freestone sur la fameuse vague tahitienne.