Que vous soyez gamer ou non, difficile d’être passé à côté de la sortie événement de Call of Duty : Modern Warfare. Affiches, publicités et autres vidéos ou live sponsorisés avec des streamers/youtubeurs de renom : Activision a mis les bouchées doubles. Pour préparer le retour des studios Infinty Ward à la tête de la plus connue des franchises de FPS, et ce trois ans après l’épisode Infinite Warfare jugé assez creux dans son ensemble, il faut savoir se surpasser.
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Une sortie de Call of Duty c’est un peu comme une sortie de film Marvel. Il y a les fans depuis toujours (qui ne vont pas nécessairement voir/jouer à autre chose), les curieux et ceux qui boycottent systématiquement (vous avez dit “élitistes” ?). Pour autant, nul ne peut ignorer la sortie d’un Call of, surtout quand on voit l’engouement des joueur·euses à la sortie. Le dernier jeu a ainsi amassé 600 millions de dollars de chiffre d’affaires en trois jours – deux fois plus que ce que le film Joker a récolté.
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Ce Call of Duty : Modern Warfare a une saveur toute particulière, déjà par son nom, qui pourrait presque faire croire qu’il s’agit d’un remake de CoD 4 (2007), alors qu’en réalité il s’agit plutôt d’un véritable retour aux sources. La promesse d’Activision est simple : rappeler aux joueurs combien ils se sont amusés pendant des années sur la franchise et montrer que leur triple A (blockbuster vidéoludique) peut désormais rivaliser avec Hollywood et s’imposer de manière pérenne dans la myriade de FPS que l’industrie nous propose tous les trois mois.
Gameplay général
Techniquement, ce Call of tape très fort, et pour cause : un tout nouveau moteur graphique a été créé pour l’occasion. Si Treyarch s’était émancipé du vieux moteur depuis Black Ops 2, pour Infinity Ward, cela faisait 14 ans qu’ils utilisaient la même base de moteur, héritage de Quake III. Modern Warfare édition 2019 redouble d’efforts en nous proposant un rendu digne des plus grands blockbusters.
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Ray-tracing (gestion ultra-précise des rayons lumineux), 4K et évidemment 60 FPS… La version PC, bien que gourmande, nous offre un vrai spectacle pour les yeux. Les versions consoles ne sont pas en reste (particulièrement les versions Pro et X) et nous proposent quasiment le même framerate.
Préparez les lunettes de soleil, car les explosions, les fumées et autres effets pyrotechniques vous sautent au visage pour une immersion parfaitement réussie. Le sound design n’est pas en reste, avec une vraie différenciation des armes et une parfaite spatialisation, tandis que les musiques d’ambiance, d’action et même de menu, rappellent celles des vieux Call of.
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Call of Duty : Modern Warfare n’aurait pas pu être une sortie événement sans une vraie refonte de ses mécaniques de combat. De ce côté, le travail est plus que satisfaisant, la mobilité est désormais extrêmement réaliste, mais jamais surréaliste : les glissades s’enchaînent simplement quand le système de couverture manuelle fait bien le taf et devient rapidement instinctif. Les ancien·ne·s apprécieront le retour du bon vieux “soin par la respiration” (attendez à l’abri pour guérir de trois plaies par balles) quand les détracteurs s’en moqueront en invoquant le “réaliste” Battlefield.
Enfin, les armes retrouvent un caractère qu’on ne connaissait plus depuis au moins Modern Warfare 2 (2009). Comme l’arsenal n’est plus infini (et donc fade), chaque arme a été bien fignolée, à quelques défauts près (comme les pistolets-mitrailleurs qui sont quasiment identiques). Pour le reste, les sensations des armes sont très agréables, même si la balistique reste toujours celle de l’arcade – pas besoin de viser plus haut si vous êtes loin.
Call of Duty : Modern Warfare a réussi à concilier deux paris sur le gunfight : celui de faire retrouver les bonnes sensations aux vétérans tout en proposant un gameplay très intuitif qui n’effraiera pas les néophytes du FPS.
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Un solo dur, mais bizarrement réaliste
Attaquer une campagne solo de CoD est un exercice qui peut parfois être douloureux. On a le souvenir de campagnes agréables mais trop courtes, ou peu agréables car bien trop cliché. Et les premières minutes sur ce titre puent le mauvais Call of.
Disons-le clairement : la mission de l’attentat terroriste au cœur de Londres est tout sauf agréable à jouer. Ces missions faites pour choquer n’ont aucun intérêt sur le plan gameplay et semblent gratuites — un peu comme celle de l’aéroport de MW2.
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De même, la description faite de l’Urzikistan, un pays imaginaire du Moyen-Orient, n’est guère glorieuse. Celui-ci ne ressemble qu’à un ramassis de lieux communs sur les pays en guerre de la région (et on ne vous parle pas du grand méchant russe). En vérité, on ne passe pas un bon moment pendant les premières heures de cette campagne. On ne prend pas de plaisir et moralement, c’est compliqué.
Sauf que… À un moment, le ton change. Les missions nous entraînent du côté du camp de ceux qui subissent la guerre, grâce aux personnages de Farah Karim et de son frère Hadir, deux orphelins originaires de l’Urzikistan. Et le jeu se met à devenir intelligent en nous présentant l’envers du décor de manière très surprenante.
On se retrouve alors à jouer la jeune rebelle, qui doit éviter les balles. On incarne aussi cette résistante lorsqu’elle se fait torturer et cherche à s’évader d’une prison. Voilà comment ce CoD nous plonge dans ce que vivent les hommes et les femmes qui subissent ces conflits que la franchise avait dédramatisés.
En plus de parler des civils, ce Modern Warfare tend à mettre en avant les femmes dans des conflits qu’on présentait comme quasi masculins jusque-là. Qu’elles soient résistantes, héroïnes, ou terroristes, ou même victimes, au fond qu’importe. L’importance des civils dans ce volet est un drôle de mea culpa, mais qui fonctionne à 100 %.
Surtout qu’au fil des missions, la comparaison se fait de plus en plus évidente. Là où le premier MW de 2007 évoquait l’Irak de Saddam Hussein, difficile de ne pas voir dans cet Urzikistan meurtri des échos de la Syrie de Bachar Al-Assad, avec ces bombardements de gaz sur la population, la résistance, les villes en ruines…
La morale vaut ce qu’elle vaut, et le final pourra en agacer certains – encore une fois, les États-Unis ont le beau rôle et presque rien à se reprocher. Mais le fait est qu’on est sur une campagne courte (l’inverse aurait été peut-être trop éprouvant), intelligente, prenante et intéressante sur ce qu’elle dit de l’évolution de la franchise — et du monde.
Le multijoueur enfin rafraîchi
Un Call of ne serait rien sans son multi, Activision le sait. Oubliant les déboires de son Battle Royale sur Black Ops IIII, l’éditeur est resté sur ses sentiers battus, mais pas que. Évidemment on retrouve les essentiels “Matchs à mort” en équipe, les captures du drapeau et des zones, mais les nouveautés ne sont pas en reste. Déjà, il faudra compter sur 21 cartes (dont quatre variantes nocturnes), un record pour la franchise, d’autant que les maps sont vraiment de qualité et proposent de nombreux types de gameplay aux joueurs.
La possibilité du monde “Ground War” permettant d’être jusqu’à 32 contre 32 sonne comme un clin d’œil taquin à la franchise concurrente Battlefield. Dans les faits, le gameplay d’un CoD n’est en réalité pas très adapté à ce genre de carte gigantesque. En clair, attendez-vous à du “camp sniper” et à devoir éviter le moindre véhicule (dont la maniabilité reste trop “arcade”). Même constat pour les squads improvisés lors de ces parties : leur utilité est très réduite, si ce n’est pour réapparaître plus rapidement dans la bataille.
À l’inverse, le mode “escarmouche” en 2 contre 2 est la vraie innovation réussie de ce Modern Warfare : les parties s’enchaînent sans jamais se ressembler, puisque vous devez changer d’armes à chaque round. Le mode est tellement addictif qu’il ne serait pas surprenant qu’Activision tente d’en tirer un modèle e-sport, si la sauce prend rapidement auprès des joueur·euses (et influenceur·euses). C’est définitivement ce mode qui sublime le gameplay nerveux qu’on attend dans un Call of Duty.
Pour ce qui est du modèle économique, il est toujours possible d’acheter quelques skins en plus, mais la progression en expérience (XP) se fait assez naturellement, sans nécessairement avoir besoin de briller par le nombre de frags. Les déblocages d’armes et d’accessoires se font assez simplement, et la différence de niveau ne se voit pas tellement pour l’instant, ce qui est une bonne chose car ça ne décourage pas les retardataires.
Notons qu’Activision a annoncé qu’un “Pass de combat” serait disponible plus tard dans l’année afin de pouvoir débloquer au cours d’une “saison” différents skins et accessoires exclusifs, moyennant probablement une dizaine d’euros (ce qui rappelle Fortnite).
Enfin, les parties de coopération sont un véritable hommage aux premiers Modern Warfare : elles sont tout simplement très jouissives (à condition d’avoir un bon ami).
Résultat : A-
Call of Duty : Modern Warfare est un pari réussi pour Activision et Infinity Ward, qui réussissent à rassembler les fans mais aussi les nouveaux (jeunes) gamers. Il n’en reste pas moins un jeu très paradoxal : ce CoD nous plonge dans l’horreur de la guerre et du terrorisme dans son mode solo, tandis que le multijoueur s’apparente plus à une grande cour de récré aux nombreuses possibilités.
Bref, le contrat est rempli. Il faudra désormais voir l’évolution de ce blockbuster dans les années à venir pour savoir si cet épisode deviendra un Call of culte.
Ce qui est cool :
- Techniquement, une claque immersive.
- L’HISTOIRE !
- Le multijoueur qui s’adapte à toutes vos envies.
Ce qui est moins cool :
- Un manque de réalisme de certaines mécaniques qui peut parfois nous sortir de l’ambiance.
- Une campagne solo beaucoup trop courte qui nous laisse sur notre faim.
- Pas de changement de modèle économique et de progression au niveau du multijoueur.
Critique écrite par Pierre Bazin et Arthur Cios.