L’attente était longue et le secret lourd à garder, mais l’annonce a été une véritable libération. À 31 ans, Aurélien Gilles dit Ponce vient de lancer son label de musique Floral Records. Star sur Twitch, le streamer se lance dans une aventure inédite, comme un retour à ses premières amours d’adolescence : la musique, et plus particulièrement le rock.
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C’est lors d’une soirée au Bataclan le 23 septembre dernier que Ponce a dévoilé cet ambitieux projet en introduction d’un concert de trois groupes et artistes du label en question : Tip Stevens, Cemented Minds et Ceylon. Konbini a pu s’entretenir avec le streamer sur les coulisses de Floral Records.
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Mais d’abord, c’est quoi, un label ? Une question plus difficile qu’il n’y paraît, tant les missions sont diverses et variées selon les milieux, les genres et les ordres de grandeur. “Un label, ça veut un peu tout et rien dire”, concède Ponce. “Chacun prend la direction qu’il souhaite, mais pour faire simple, l’objectif est d’accompagner les artistes, répondre à leurs envies et surtout leur enlever des épines du pied.”
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Floral Records a pour objectif d’enlever ces épines et cela concerne autant les démarches administratives que la gestion des droits d’auteur avec la SACEM. De manière générale, il s’agit de récupérer une partie de la charge mentale des artistes afin qu’ils puissent se concentrer quasi exclusivement sur ce qu’ils savent faire le mieux : leur musique.
Des labels, il y en a de toutes les tailles et leurs rôles varient bien souvent. Un grand major comme Universal n’a pas les mêmes besoins et approches qu’un label indépendant de rap. Ponce rappelle à juste titre que “lorsqu’on parle d’un label de rock, on parle souvent de quatre, cinq musiciens par groupe, c’est tout de suite une autre logistique qu’un rappeur en autoproduction”.
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Flower power, Rocker forever
On connaissait le phénomène des youtubeurs-rappeurs, mais l’étiquette de streamer-patron-de-label est inédite. D’ailleurs, pour Ponce, l’objectif n’est pas du tout de se lancer en tant qu’artiste sur son propre label. Il préfère se concentrer sur la direction artistique et la gestion des talents :
“Je me mets déjà assez en scène sur mon stream. Il y a des gens qui sont déjà très doués pour ça en musique. Ce que j’aime, c’est pouvoir investir sur ces projets artistiques, justement.”
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La musique a toujours été essentielle pour Ponce, et ce depuis sa prime adolescence quand il tambourinait sa batterie dans différents groupes successifs. Des incontournables britanniques comme Pete Doherty ou les Arctic Monkeys, en passant par des classiques comme Pink Floyd ou The Turtles, le rock a toujours fait vibrer le streamer, bien que celui-ci apprécie une gamme de genres très large et éclectique. Sur Twitch, ses viewers ont d’ailleurs pu profiter de son amour pour la découverte musicale, grâce à ses sessions de Ponce Radio.
Aujourd’hui, Floral Records accueille six talents : Princesse Näpalm, Ceylon, Tip Stevens, Cemented Minds, Endless Dive et Angle Mort & Clignotant. Un “roster déjà bien complet”, selon les mots du gamer, qui couvre le rock dans sa grande diversité : du post-punk au progressif en passant par des influences transe et techno.
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Pour autant, Ponce admet “écouter plus de rap que rock aujourd’hui” du fait notamment de l’offre écrasante du genre ces dernières années sur les plateformes de streaming.
Mais ce qu’il n’a jamais vraiment retrouvé dans le rap, c’est la ferveur du live. “Je trouve que les gens vont de moins en moins en concert et c’est dommage, surtout pour le rock. L’expérience d’une scène de rock, ça peut te faire tomber amoureux du genre entier.” Le rap a explosé comme nouveau genre émergeant et est désormais dominant, mais est-ce que le rock peut revenir ? Peut-être, “si on en met les moyens”, espère Ponce.
“Un label rentable dès le début, ça n’existe pas”
Les moyens, Ponce les a mis dans Floral Records, même s’il rappelle que ça ne fait pas tout : “Techniquement, tu peux démarrer un label avec deux euros”. Grâce à son activité lucrative de streamer, Ponce sait qu’il peut prendre des risques : pour le moment, c’est un budget de 200 000 euros sur deux ans qui a été décidé.
“Aller chercher de la rentabilité tout de suite avec un label, c’est juste impossible. Ici, on peut se permettre de faire des paris grâce à mon activité [de streamer, ndlr].”
Se lancer dans le monde de la musique n’est pas un total saut dans l’inconnu pour le streamer. Il parle plutôt d’“un saut dans l’inconnu dans le bon sens, à cœur ouvert”. Dans tous les cas, il s’est entouré d’amis qui baignent dans l’industrie depuis un certain temps : Léo Lenvers, musicien sur le groupe Princesse Näpalm et Jean-Baptiste Goubard, manager depuis plusieurs années. Ponce avait d’ailleurs invité ces derniers sur sa chaîne Twitcher, pour son podcast Pod’fleur, en mars 2021 pour aborder l’épineux sujet des droits d’auteur musicaux sur Internet.
Le label est cogéré par ce triumvirat inédit, “chacun a un droit de veto sur une décision majeure comme la signature d’un nouveau groupe”, explique Ponce. Au départ, il y a d’abord une volonté commune de s’accorder artistiquement. D’ailleurs, les sessions d’écoute des candidats à la signature dans le label ont été un moment particulièrement précieux pour le streamer et ses associés. “C’est génial, on découvre encore plus de pépites, et d’ailleurs, même si on a signé les premiers artistes, on continue toujours d’écouter ce qui sort et de chercher à dénicher des pépites !”, explique-t-il, très enthousiaste.
Côté paperasse, la Ponce Corp (l’entreprise qui gère son activité de streamer) assure une structure administrative et le financement. Enfin, accompagné par son nouveau bras droit Céline, Ponce compte bien utiliser sa notoriété de streamer pour lancer au mieux Floral Records, en activant divers leviers de communication sur ses réseaux. Mais ce n’est pas une fin en soi.
“J’aimerais ouvrir un studio à Montpellier.”
Lorsqu’ils ont cherché à trouver un endroit pour accueillir le concert de lancement de Floral Records, Ponce et ses associés ont essuyé énormément de refus. “Au début, dans la musique, personne ne nous répondait, ils ne comprenaient pas le délire de Twitch et je pense que, comme beaucoup, ils s’imaginent que les viewers ne se déplacent pas.“ Finalement, c’est le Bataclan qui leur ouvrira leurs portes. Sans regrets, puisqu’il affichait complet le soir du concert.
Bien que le concert ait été retransmis devant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs sur sa chaîne Twitch, le streamer ne souhaite pas forcément lier intrinsèquement ses deux activités. Twitch et la musique sont liables, mais pas indissociables, surtout pour un amateur d’expériences musicales live comme Ponce. Quand on lui demande quelles sont les ambitions de Floral Records, le nouveau gérant de label se veut humble.
“Par exemple, on a fait le choix de laisser les organisations de concerts aux tourneurs des groupes respectifs. Cela viendra peut-être dans un second temps, il faudrait qu’on embauche quelqu’un dédié à ces missions de booking.”
À court et moyen terme, Ponce souhaite d’abord voir un label “florissant” (jeu de mots involontairement prononcé par le concerné), une maison qui fonctionne en promouvant l’entraide et la solidarité entre artistes. Mais Aurélien Gilles ne s’interdit pas non plus des objectifs plus importants. Parmi les idées qui lui trottent dans la tête, celle d’ouvrir un studio, “à Montpellier, très probablement”, l’enthousiasme particulièrement.
“On pourrait réfléchir à un studio d’enregistrement et de résidence. Déjà, j’aime bien que ce ne soit pas à Paris pour le côté ‘déplacement et changement d’air’ qui compte beaucoup dans la création artistique, je pense. À partir de là, on pourrait réfléchir à de nouveaux concepts, comme des captations vidéo ou même des lives musicaux depuis cet endroit.”
Enfin lorsqu’on lui demande comment il imagine Floral Records dans dix ans, c’est avant tout la question de “l’autonomie” qui lui importe. Ponce est plus séduit par l’idée que le label avance par lui-même sans avoir besoin nécessairement de sa notoriété Twitch “qui arrive à bosser avec ses artistes en permanence, qu’il ait sa vraie actu de lui-même”.