Nightline, le service d’écoute pour les étudiants en détresse

Publié le par Corentin Jouathel,

© SimonSkafar / Getty

Un mal-être invisible dévoilé par la pandémie.

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Frappée par la crise sanitaire, la jeunesse se retrouve dans une situation de grande précarité et de détresse psychologique. France Inter et Konbini se mobilisent pour lui donner la parole, mais aussi pour apporter des solutions et valoriser les initiatives solidaires.

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Originaire d’Irlande, Patrick Skehan quitte sa terre natale en 2013 pour venir étudier en France. Dans le cadre du programme Erasmus, l’expatrié intègre les rangs de Science Po Paris. Son séjour est malheureusement entaché d’une tragédie : une de ses nouvelles amies tente de mettre fin à ses jours. À l’hôpital où elle est admise, l’étudiante est reçue par une infirmière : “ Tu es inconsciente, tu as pensé à ta famille ? “, lui lance-t-on. Brutalisée par ces propos, la jeune femme s’évade de l’établissement.

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Ayant eu vent de cette amère expérience, Patrick s’interroge longuement : comment ce geste aurait-il pu être empêché ? Comment aurait-elle dû être prise en charge ? Celui-ci mûrit sa réflexion, notamment en s’inspirant des structures existantes dans le monde anglo-saxon où, depuis les années 1970, il existe des lignes d’écoute dédiées au mal-être psychologique des étudiants.

Des bénévoles en première ligne

Déplorant la carence française en ce domaine, il souhaite importer cette idée dans son pays d’adoption. Prenant la forme d’une association loi 1901, le premier service Nightline est ainsi mis sur pied à Paris, en novembre 2017. Outre la capitale, des antennes ont depuis vu le jour à Lille, Lyon, Saclay, et très prochainement à Strasbourg.

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Ces structures proposent un service d’écoute téléphonique nocturne, gratuit et totalement anonyme. Pour assurer leur fonctionnement permanent, ces dernières peuvent compter sur la générosité de 110 bénévoles (170 prochainement). Ces derniers, étudiants eux-mêmes, sont soumis à une sélection préalable. Pour appréhender la charge émotionnelle, des formations spécifiques à l’écoute active sont proposées sur deux week-ends.

Les bénévoles contactés doivent, sans jamais émettre un jugement personnel, poser aux appelants un certain nombre de questions. En trouvant les mots justes, l’objectif est d’amener les étudiants en détresse à avoir une réflexion personnelle.

Des chiffres alarmants

Les personnes joignant la plateforme sont majoritairement des femmes. S’ils éprouvent pourtant des besoins similaires, les hommes osent moins se confier. D’un point de vue social, les origines et les situations sont hétéroclites, des plus aisés aux plus nécessiteux. Les motifs des appels sont généralement liés aux études, mais aussi aux problèmes relationnels et familiaux.

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Sur l’année scolaire 2018-2019, près de 1 300 contacts avaient été enregistrés. L’année suivante, suite au développement de la plateforme et aux circonstances sanitaires, ces chiffres ont grimpé autour des 3 300 contacts. Les pics ont essentiellement été atteints au mois de mars et octobre, au moment des annonces de confinements.

Nightline tente d’agir en parallèle des structures médicales classiques. Selon une étude, seuls 12 % des étudiants victimes de fragilités psychologiques consultent un professionnel et 3 % se tournent vers leur service de santé universitaire.

La santé psychologique des étudiants souffre d’un sous-investissement chronique en France : l’on devrait bientôt dénombrer, en moyenne, 1 psychologue universitaire à temps plein pour 15 000 étudiants. À titre de comparaison, dans les pays développés, cette moyenne avoisine le ratio de 1 psychologue universitaire à temps plein pour 3 700 étudiants.

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La crainte d’une perte d’intérêt pour la santé mentale étudiante

En plus des quelques dons qu’elle perçoit, Nightline vit des subventions que lui allouent les pouvoirs publics (collectivités territoriales, universités, Agence régionale de santé…). La plateforme bénéficie également d’un soutien logistique du ministère de la Santé, en particulier dans la diffusion de ses contenus.

Aujourd’hui délégué général de la structure, Patrick Skehan estime que la présente crise “ne fait que mettre en lumière des problématiques existant depuis longtemps“. Et les faits lui donnent raison. La part de sollicitations pour pensées suicidaires reçues par Nightline tutoie actuellement les 10 %, ce qui est dans la moyenne de la plateforme sur les trois dernières années. En 2019, avant les confinements donc, 22 % des étudiants se déclaraient habités par des pensées suicidaires selon I-Share ; 6 % d’entre eux ont même tenté de passer à l’acte. Des taux similaires à ceux observés en 2020 (23 % de pensées suicidaires selon la Fage).

La plus grande préoccupation de Patrick Skehan concerne la fin de cette pandémie : “Nous craignions qu’une fois la crise terminée, le mal-être étudiant redevienne invisible aux yeux de la société “.

Nightline France est joignable tous les jours de 21 heures à 2 h 30 du matin.

Nightline Paris : 01 88 32 12 32 / Nightline Lille : 03 74 21 11 11 / Nightline Lyon : 04 85 30 00 10 / Nightline Saclay : 01 85 40 20 10

Pour nous écrire : hellokonbinitechno@konbini.com