Et de deux. Alors qu’on la croyait reléguée aux archives, la légende du Momo Challenge renaît de ses cendres, et de plus belle.
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Sa première éclosion, auréolée d’un voile de brume, remonte à juillet 2018, lorsqu’une une image terrifiante, qui serait responsable d’un suicide d’une fille de douze ans en Argentine, commence à circuler sur le web de l’Amérique Latine. Le monstre qui se répand, au tout départ, est une vraie sculpture japonaise qui n’avait rien demandé, postée en août 2018 sur Instagram et détruite par son créateur il y a un an.
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Tournant principalement chez les jeunes via WhatsApp, cette œuvre d’art transmuée en épouvantail viral s’accompagne d’un “jeu”, un défi incitant à la violence (principalement contre soi), avec des représailles pour qui déclarerait forfait.
Momo-morbide devient si célèbre qu’il affole d’autres continents. Des écoles, des forces de l’ordre, des parents et des médias montent l’affaire en épingle : Momo pousserait les jeunes au suicide. En France, un jeune député de la République en Marche, Gabriel Attal, interpelle le gouvernement. Seulement, l’affolement oublie de prendre en compte les faits : nul n’apporte la preuve que Momo est responsable d’une mort quelconque.
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Fin février 2019, la légende de Momo ressuscite au Royaume-Uni puis aux États-Unis. Le jeu morbide est accusé de crime similaire, mais l’inquiétude se double d’un paramètre supplémentaire : la créature apparaîtrait au beau milieu du jeu Fortnite et sur des vidéos YouTube destinées aux enfants. De nombreux médias reprennent l’information erronée, n’arrangeant en rien l’affolement des parents et des écoles déjà affolés.
Et là, rebelote, personne n’est capable de fournir aucune preuve sur quoi que ce soit. Dans la foulée, YouTube dément l’infox qui le concerne.
We want to clear something up regarding the Momo Challenge: We’ve seen no recent evidence of videos promoting the Momo Challenge on YouTube. Videos encouraging harmful and dangerous challenges are against our policies.
— YouTube (@YouTube) 27 février 2019
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Sur Internet, la culture du challenge n’est pas nouvelle. En remontant le temps, on songe par exemple au Fire Challenge de 2014 ou au Charlie Charlie Challenge de 2015 qui, eux aussi et en leur temps, ont attisé des vents de panique des parents et des médias. Plus récemment, en 2017, le Blue Whale Challenge, venu de Russie, avait aussi fait parler de lui. Par sa nature, ce dernier ressemblait davantage à Momo : on avait craint qu’il suscite une vague de suicides mais tout ça relevait de la légende urbaine.
Par rapport à ses prédécesseurs, le Momo Challenge a deux caractéristiques fortes. Il y a d’abord l’ampleur des fake news (Fortnite, YouTube, les suicides) qui lui est associé. Il y a aussi la dimension cyberintimidation/cyberharcèlement, au cœur du mécanisme. Deux aspects à l’image d’une partie de l’Internet d’aujourd’hui qui n’est pas beau à voir, l’Internet moisi.
La première caractéristique – la prolifération des fake news – constitue le terreau. La seconde – la recrudescence du cyberharcèlement – relève du contexte. Mélangez les deux dans un shaker et vous aurez un beau fantasme, un beau Momo Challenge. Sauf inattendu, Momo n’a pas encore tué qui que ce soit. Mais la légende infusera chez les jeunes, chez les parents, et l’hystérie pourrait provoquer des risques chez les personnes fragiles.
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Ce qui nous vaudra, d’ailleurs, ce tweet très courroucé (et très liké) du journaliste du Guardian, auteur de l’article linké juste au-dessus :
The coverage of the Momo challenge is possibly some of most irresponsible journalism in this country for ages. Samaritans say they’ve got no evidence of serious harm to children but the press coverage could now be putting vulnerable people at risk. https://t.co/DCfoRCsy3H
— Jim Waterson (@jimwaterson) 28 février 2019
Heureusement, il en reste pour faire la guerre à l’Internet moisi. Le 28 février, le site eBaum’s World a créé un concours Photoshop pour détourner et dédramatiser l’effigie de Momo. Premier prix : 25 $. Il n’est pas trop tard pour envoyer son image.
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