Ça y est, l’automne pointe le bout de son nez avec son lot de jolies feuilles mortes, sa pluie diluvienne ou son petit froid sec et l’envie de se terrer au fond de son lit. Si le spleen vous guette façon Bill Murray dans Lost in Translation ou que vous sentez peser sur vos épaules le poids d’une petite dépression à venir, votre smartphone a peut-être une solution pour vous.
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En allant sur le Play Store ou l’App Store, il suffit de taper “dépression” ou “déprime” dans la barre de recherche pour se voir proposer des dizaines, voire des centaines d’applis dédiées à l’amélioration de votre santé mentale.
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Certaines proposent simplement quelques mots d’encouragement quotidiens en cas de coup de blues, mais d’autres proposent de rencontrer des thérapeutes à distance ou de discuter avec des chatbots capables de jouer les psychothérapeutes grâce à l’IA.
La dépression, un business numérique en plein boom
En France, selon l’OMS, environ 20 % des adultes souffriraient de dépression. Dans le monde, ce serait 300 millions de personnes qui subissent ce type de troubles psychologiques. Ces chiffres ne cessent d’augmenter depuis le début des années 2000 : peu étonnant que les start-up voulant disrupter le domaine de la santé mentale se multiplient.
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Selon Pitchbook, les financements de start-up tech spécialisées dans la santé mentale explosent. En 2018, plus de 500 millions de dollars ont été investis dans la sphère du bien-être psychique, contre 100 millions en 2014. L’entreprise, spécialiste de l’analyse des marchés et du capital-investissement, note ainsi que “la majeure partie des investissements ont été faits pour des entreprises qui […] proposent des applications et plateformes destinées à l’amélioration de la santé des utilisateurs sur une base quotidienne”.
Les thérapeutes à distance cartonnent
Pourquoi un tel succès, un tel engouement ? La première raison tient probablement à l’insuffisance de psychiatres et de thérapeutes. En septembre, un rapport d’initiative parlementaire notait d’ailleurs une “prise en charge catastrophique” des patients en France, qui peuvent attendre plusieurs semaines avant un rendez-vous.
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Dans d’autres pays occidentaux, comme l’Angleterre, la situation est similaire. Le prix, voire parfois la honte liée à un rendez-vous chez un psychiatre, peuvent aussi freiner les personnes en souffrance.
Résultat ? L’explosion du succès d’applications comme BetterHelp ou Talkspace, qui ont réussi à débaucher respectivement 700 000 et un million d’utilisateurs payants (voire bien plus, grâce à un partenariat récent) en quelques années. Talkspace, originaire de New York, vient d’ailleurs de lever 50 millions de dollars de financement.
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Comment l’appli fonctionne ? Après l’inscription, on passe directement à une phase de discussion avec l’un des 5 000 thérapeutes (psychologues, psychiatres…) travaillant avec l’application.
Comme on a pu le constater en l’essayant, on peut prendre le temps que l’on souhaite pour discuter avec le thérapeute et poser toutes les questions possibles, voire demander à en changer. Quand arrive l’heure de passer à la caisse, le principe est simple : un forfait hebdomadaire (le plus populaire étant 59 $/semaine) permet d’échanger en illimité par SMS avec un psy et de discuter avec lui en live une fois par mois.
Pour le moment, l’appli n’est disponible qu’en anglais mais Talkspace pourrait prochainement s’attaquer au marché chinois. Et revendique un objectif : à terme, l’application veut remplacer une consultation chez un thérapeute par une consultation en ligne.
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Chatbot, intelligence artificielle et stimulations du cerveau
En parallèle, les chatbots destinés au bien-être psychologique ont aussi pris une certaine ampleur. Woebot, par exemple, créé par une psychologue de l’université de Stanford en 2018, est doté d’un système d’intelligence artificielle basé sur la thérapie comportementale et cognitive (TCC).
Cette méthode se concentre sur les pensées, les visions que les personnes ont d’elles-mêmes pour les aider à invalider les perceptions négatives. Après plusieurs heures à “discuter” avec le robot, on le trouve savamment programmé et beaucoup moins gadget que prévu.
Lors de nos premiers échanges de messages, j’ai expliqué à Woebot mon anxiété. Il m’a demandé d’écrire, en trois phrases distinctes, les raisons de mon mal-être. Avant de m’expliquer le principe de distorsion cognitive et me demander si, peut-être, je ne m’enfermais pas dans un schéma négatif perpétuel vis-à-vis de moi-même.
Ce n’était pas parfait, comme discussion, mais la manière dont le chatbot a mis en miroir mes perceptions négatives était pertinente.
Attention, toutefois : la plupart des applications de ce type relèvent de l’amélioration du bien-être et non de la véritable prise en charge médicale. Mais certains veulent passer le cap. La commercialisation du chatbot Flow vient d’être approuvée, début octobre, en Europe et au Royaume-Uni.
Ce qui le différencie d’un Woebot ? Flow, développé par des scientifiques et des spécialistes du machine learning, est accompagné d’un casque envoyant des signaux électriques vers le cerveau. En stimulant celui-ci tout en utilisant l’application, Flow veut arriver à guérir la dépression grâce à l’IA.
Une nouvelle frontière qui dépasse encore celle des applis pour smartphone, laissant entrevoir des systèmes d’intelligence artificielle capable de cerner les causes, effectuer un diagnostic et, peut-être, résoudre par elles-mêmes les troubles dépressifs des personnes.