Après un premier opus cumulant succès critique et commercial (récompensé par un disque de platine), SCH a livré la deuxième partie de sa trilogie mafieuse JVLIVS. De l’univers napolitain, Julien Schwarzer a traversé la Méditerranée avec son personnage (ou il a pris la route, les deux sont possibles) pour rejoindre son Marseille natal. Un pont culturel très facile à traverser entre ces deux villes, autant marquées par la ferveur populaire autour du foot que par la présence mafieuse, qui plane au-dessus des deux cités fondées par les Grecs.
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Dans le morceau “Parano”, SCH installe bien le décor en une fine ligne : “Le shit et la mâche, dans les mœurs comme l’Olympique.” À Marseille, les drogues douces (la mâche faisant référence à la khat, une feuille d’arbuste euphorisante quand on la mastique) et l’équipe résidente de l’ancien Vélodrome font partie du décorum. Dans “Marché noir”, le S va même placer une dédicace aux ennemis du club de sa ville en concédant que “Paris, c’est magique, bébé”, mais c’est surtout pour rappeler que “Marseille, c’est mafieux”
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Comme il l’a expliqué en vidéo à l’occasion de la sortie de JVLIVS II, SCH a voulu un peu plus ancrer son personnage dans la réalité, c’est pour ça qu’on peut y entendre des références au monde du football, totalement absentes du premier tome. Dans “Zone à danger”, le rappeur qui a grandi à Aubagne nous rappelle le surnom qu’il se donnait dans ses premiers projets : “J’suis l’S, Götze, 19.”
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Le temps a passé et Mario Götze n’est plus le grand espoir mondial du foot comme SCH était celui du rap français. À 28 ans, le champion du monde et buteur en finale est parti se relancer dans le championnat néerlandais, au PSV Eindhoven, là où il porte le numéro 27. Il n’a par ailleurs plus été appelé en équipe nationale depuis 2017
Pour se mettre à jour, on recommande plutôt de citer Timo Werner, Joshua Kimmich ou bien Leroy Sané, qui a repris le mythique “un-neuf” en sélection. Ou, carrément, SCH peut s’identifier à Manuel Neuer maintenant qu’il fait partie des grands noms du rap et qu’il a un palmarès à la hauteur de son talent.
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Eh oui, au cas où certains ne le sauraient pas encore, SCH est d’origine allemande par son père, d’où sa fascination récurrente pour l’équipe de Joachim Löw. Le délire a d’ailleurs été poussé encore plus loin que jamais avec un morceau intitulé “Mannschaft”. Il s’agit d’un des rares featurings de l’album, puisqu’on retrouve Freeze Corleone sur le morceau.
Le S a bien précisé que c’est le côté germanique qui l’a poussé à faire cette collaboration, ce qui est amusant quand on sait que le rappeur invité est d’origine sénégalaise et italienne. Freeze ne manque d’ailleurs pas de citer les racines de sa maman en évoquant la Squadra Azzura dans son couplet.
Le résultat donne le duo italo-allemand le plus efficace depuis Kloni, l’association entre Miroslav Klose et Luca Toni, le duo d’attaque du Bayern Munich qui a fait des ravages en Bundesliga à la fin des années 2000. Et l’auteur de LMF a une fascination non dissimulée pour l’efficacité allemande, bien connue dans le monde du foot (parlez de Karl-Heinz Rummenigge à votre tonton qui regardait les matches de la France dans les années 1980). On peut regretter d’ailleurs l’absence de name dropping germanique dans ce morceau, alors que c’est la spécialité du Freeze : on l’a déjà entendu rapper “Je mets des soupapes comme Kimmich” ou “faut que j’arrive allemand comme Gündoğan”.
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Mais rassurez-vous, on a quand même un grand joueur dans ce couplet avec le presque Ballon d’or 2010 : “J’fume la Sneijder.” Une technique linguistique pour parler d’une drogue de qualité puisqu’on appelle ça, en argot, de la frappe. Donc la phrase peut très bien marcher avec tous les joueurs réputés pour leur patte droite ou gauche.
Ainsi, SCH commence le morceau “Fournaise” par “La Roberto Carlos est sous-vide”, en utilisant exactement le même procédé. Cette technique d’écriture (un peu facile) maintenant qu’elle est connue risque de devenir le nouveau “Je suis sur le terrain comme ‘insérez le nom de n’importe quel joueur'” du rap français.
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Malgré le fait que JVLIVS II soit un album chargé en textes et en références, on n’en trouve pas tant que ça sur le monde du ballon rond car il s’agit avant tout d’une histoire de mafia. Mais il y a une récréation qui s’appelle “Mode Akimbo” et dans laquelle JuL est venu apporter sa couleur musicale si reconnaissable – et si marseillaise.
Sur le refrain, SCH lâche un peu gratuitement “Bah ouais, rien n’est factice, numéro 10”. Tout a déjà été dit sur ce mythique numéro popularisé par Pelé puis Maradona, Platini, Messi, Baggio ou encore Zidane et qui est entré dans le monde du rap avec un single de Booba en 2004.
On ne pense pas que le S parlait d’un joueur en particulier, même si les 10 de légende ne manquent pas du côté de l’Allemagne avec Mesut Özil, le Ballon d’or 1990 Lothar Matthäus ou le milieu de la grande RFA Hansi Müller. Même constat du côté de Marseille, où l’idole de Zizou Enzo Francescoli, le champion d’Europe 93 Abedi Pelé, plus récemment le buteur Gignac ou le recordman croate du nombre de but en L1 sur une saison (44 !) Josip Skoblar ont tous porté le un et le zéro dans le dos.
Enfin, il convient de citer les “faux amis” dans l’album. En effet, quand dans “Mafia”, Julien raconte que “Demain, les bleus pètent la porte vers 6 am”, ce ne sont pas les joueurs de Didier Deschamps qui viennent lui faire une surprise matinale. Même chose quand il parle de “Roro comme un Lopez” à propos des bijoux en or, il ne s’agit pas des Argentins Claudio ou Maxi, ni du Français Maxime ou de l’Espagnol Luis, mais très certainement des fratries gitanes bien connues des Internets.
Marseillais fasciné par Naples et Allemand amoureux d’Italie, SCH pose avec JVLIVS II son décor dans lequel on pourrait parfaitement imaginer un terrain de fortune en arrière-plan. Un terrain sur lequel des mômes reproduisent les gestes vus la veille à la télé…