Il est un miraculé. Dimanche, sur le circuit de Bahreïn, Romain Grosjean a été victime d’un crash spectaculaire dont il est ressorti quasi indemne. Seules quelques brûlures aux mains l’ont contraint de rester deux nuits à l’hôpital.
Pour l’AFP, le pilote de 34 ans a raconté les 28 secondes lors desquelles il s’est vus mourir : “Elles m’ont semblé 1 minute 30, mais ça ne m’a pas paru long, parce que j’ai toujours été actif”, se souvient-il mercredi, à sa sortie de l’hôpital avec des brûlures aux mains, une entorse à la cheville gauche et des hématomes du même côté du corps.
“L’impact n’est pas le plus violent que j’aie connu de ma carrière, bien que les g l’indiquent. La décélération de 53 g (53 fois le poids de son corps, ndlr), je n’avais jamais pris ça”, raconte Grosjean.
“Ensuite, je défais ma ceinture tout de suite, j’essaye de sortir de la voiture, je me rends compte que mon casque tape quelque chose. Je me rassieds, je me dis que je suis bloqué et que je vais attendre. Mais sur ma gauche, c’est tout orange, je comprends que ça brûle. Je me dis: ‘Pas le temps d’attendre, je vais essayer de sortir sur la droite’, ça ne passe pas. Sur la gauche, ça ne passe pas. Je me rassieds”, poursuit le Franco-Suisse.
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“Je me suis posé la question de l’endroit par où j’allais commencer à brûler, si ça allait faire mal”
“J’ai pensé à Niki Lauda en me disant: ‘Je ne peux pas finir comme ça, pas maintenant’. Donc je réessaye de sortir, ça ne passe pas, je me rassieds et je vois la mort, pas de près, mais de trop près”, continue-t-il. Un silence, sa voix tremble, son regard se voile. “C’est un sentiment que je ne souhaite à personne.”
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“Le corps se relâche, les muscles, la tête, tout. Je me suis posé la question de l’endroit par où j’allais commencer à brûler, si ça allait faire mal, mais je crois que c’est un moment qui permet au cerveau de ‘processer’ (traiter, NDLR) ce qui se passe et d’essayer de trouver une solution.”
Il pense alors à ses trois enfants :
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“Me dire que je ne peux pas les laisser, c’est là que j’ai trouvé la ressource de tirer mon pied bloqué, de tourner la tête, de passer les épaules, de mettre les mains pour me hisser en sachant qu’elles allaient brûler, mais que ça n’était pas grave.”
“Quand je mets le pied sur la barrière et que je m’en sors, c’est le soulagement, je vais vivre”, se remémore le pilote. “Aucune panique, j’essaye de refroidir mes mains en les agitant, j’enlève mes gants, car je n’ai pas envie qu’ils collent à la peau.”
“Le docteur me demande de m’asseoir et me parle très distinctement. C’est l’anecdote du truc : je l’ai engueulé en lui disant de me parler normalement ! Il a dû se dire: ‘il ne changera jamais Grosjean !'”
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Vient alors la douleur au pied gauche qu’il pense cassé, mais Romain Grosjean tient à marcher jusqu’à l’ambulance. Pourtant “en état de choc”, il “veut que l’hélicoptère prenne cette image, que tout le monde voit qu’il marche.”
“Ça changera ma vie à jamais”
C’est qu’il a eu “peur pour les gens à l’extérieur”, pas pour lui-même (“moi, j’étais un peu occupé”), et tient à les rassurer, à commencer par sa famille.
Arrivé au centre médical, “je commence à trembler fort avec la douleur et le choc”, ajoute Grosjean. Jean Todt, le président de la Fédération internationale de l’automobile, le rejoint. “Voir des visages familiers n’a pas de prix.” C’est là aussi que le pilote de l’écurie Haas peut enfin parler à son épouse.
Depuis, il “suit les indications des médecins pour récupérer au plus vite” et il a consulté la psychologue du sport qui le suit depuis des années.
“Pour l’instant, je n’ai pas de cauchemars, de pensées, de flashs ou de peur, mais ça ne veut pas dire que ça ne va pas venir et c’est pourquoi on va continuer à en discuter”, dit-il.
Si sa main gauche le lui permet, le natif de Genève espère participer au dernier GP de la saison à Abou Dhabi le 13 décembre, “pour savoir où j’en suis”. Ensuite, celui qui dispute vraisemblablement sa dernière saison en F1, se laissera du temps :
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“La limite qui s’impose à moi pour le futur n’est pas la peur que ça se reproduise mais de ne plus jamais refaire vivre ça à mes proches. Il y a une semaine, prendre une année ‘off’ me semblait impossible. Aujourd’hui, je me dis que je vais faire du kitesurf, des courses de vélo, voir mes enfants, m’amuser, boire du vin. Ça changera ma vie à jamais. Je suis content de voir tout le monde, même les journalistes… Et manger un burger, c’est génial !”
Konbini Sports avec AFP