Il vient d’une ville française de culture catalane, est d’origine algérienne et marocaine et son cœur vibre maintenant pour Paris. À l’image de sa musique, les goûts footballistiques de Nemir forment un patchwork dans lequel on admire autant les talents bruts que les travailleurs de l’ombre.
Football Stories | On supporte qui à Perpignan ?
Nemir | Ça dépend, on peut supporter plusieurs clubs en fonction des périodes. J’ai été supporter de l’OM pendant longtemps et, depuis 6 ou 7 ans, c’est le PSG. Pour le projet, pour changer, parce que je me sens bien ici, on peut supporter les deux.
Le problème, à l’OM, c’est qu’il n’y a plus réellement de projet. Les supporters de l’OM n’attendent que ça : un projet, quelqu’un qui tient le club et des résultats. À Marseille, il y a une ferveur que tu ne trouveras jamais ailleurs. Même les ultras parisiens, en vrai, ne sont pas comme ceux de Marseille. Ça fait longtemps qu’on n’a pas rêvé, à part pendant la finale de Ligue Europa, contre l’Atlético [en mai 2018, ndlr]. Mais c’est une ville qui mérite beaucoup plus.
Qu’est-ce qui t’a attiré dans le projet parisien ?
J’aime tout : les joueurs, le projet, l’ambition européenne malgré la malchance. Honnêtement, je n’ai jamais vu un club aussi malchanceux. Même s’ils provoquent parfois les erreurs comme au retour contre Manchester, il y a aussi de la malchance… Je ne crois pas au mauvais œil ou à la sorcellerie, mais les pauvres : chaque année, ils ont un tirage de fou. Cette année, on se tape encore le Real Madrid.
C’est de la malchance ou un problème de mental pour toi ?
Il y a eu un cumul. Tu peux avoir un problème de mental, mais t’en sortir avec de la chance. Mais ils cumulent les problèmes de mental, la malchance, et le manque de leadership… La remontada, c’est un grand problème de mental par exemple. Le mental, c’est le dernier rempart quand tous les autres sautent. Ça a été un traumatisme pour tout le monde du foot, c’est devenu un cas d’école : ne jamais vendre la peau de l’ours. Le PSG a failli, mais c’est une grande démonstration de foi de la part du Barça. C’est de l’ordre du sacré ce qu’il s’est passé. Les dix dernières minutes, c’est de la transcendance. Ils atteignent une transe collective après le coup franc de Neymar.
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“Les dix dernières minutes de Barça-PSG, c’est de la transcendance. Ils atteignent une transe collective après le coup franc de Neymar”
Et cette année, ça va aller mieux ?
À un moment, ces traumatismes vont se renverser. Il y a un revers, l’histoire ne va pas se répéter indéfiniment, surtout quand tu as les moyens : un grand club, de grands joueurs et de grands supporters. Je pense que cette année, c’est la bonne. Demain, même en gagnant un match aller 5-0, le PSG ne dort pas. Le seul défaut, c’est que j’ai toujours peur avec Thiago Silva, Verratti… Matuidi, c’est un grand regret qu’il soit parti. Il n’était pas technique, mais c’est une âme incroyable, un joueur comme il n’y en a jamais en termes de bagarre. Avec tous les changements, la meilleure ère, c’est celle de Zlatan. C’est du mental qu’il faut, du leadership, pas des petites stars qui se crêpent le chignon pour rien. C’est pour ça que j’adore Cavani. Après, Icardi, une question reste en suspens parce que c’est un joueur sulfureux.
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“Cette nullité permanente, c’est tout ce que m’évoque mon parcours dans le foot”
On va rembobiner un peu le film : tes premiers souvenirs liés au foot, c’est quoi ?
Le fait d’être nul, que dans la cour de récré, on ne veuille jamais m’intégrer aux équipes et qu’on me mette remplaçant. Et comme je faisais des crises, on me faisait rentrer ou on me mettait aux cages. Et même là, on me dégageait ! Cette nullité permanente, c’est tout ce que m’évoque mon parcours dans le foot.
Un jour, j’ai fait un tournoi inter-quartiers, on m’a pris parce qu’un pote à moi qui jouait bien ne pouvait pas. On adorait ma personnalité, mais footballistiquement, c’était catastrophique. Il y a un match qu’on gagne 11-0, j’étais sur le banc et on voulait me faire plaisir en me faisant marquer. À un moment, ils avaient éliminé tout le monde, le gardien était hors des cages et j’ai mis un plat du pied… sur la transversale [rires].
C’était qui ton idole de jeunesse ?
Zidane, forcément. Et R9, il me faisait peur. C’est devenu une idole en grandissant. Quand il y avait France-Brésil, c’était la terreur. Aujourd’hui, on peut dire que c’est le meilleur buteur de tous les temps. Un physique épais avec une agilité et une explosivité magique. Ronaldinho m’a fasciné, mais c’est de la danse, c’est sublime dans l’esthétique. Mais R9, c’est puissant, c’east massif, c’est vif. Et Zlatan reste aussi une idole. J’aime les grands gabarits musclés et agiles avec un tempérament de feu, une personnalité incroyable.
Il me semble que tu es d’origine algérienne. Comment tu as vécu la victoire à la CAN ?
Je suis aussi marocain du côté de ma mère. J’avais deux chances de gagner donc j’étais heureux. J’ai pu voir quelques matches de l’Algérie. Le soir de la victoire, je ne suis pas sorti tellement c’était le bordel à Perpignan, la ville était bloquée, je voyais tout de ma fenêtre. Il y a eu un feu d’artifice sans artificier ni autorisation de la mairie, c’est des grands malades les DZ. Mais l’élimination du Maroc était inattendue, on croyait qu’ils allaient rouler sur tout le monde.
L’homophobie dans les stades est un des sujets chauds de l’été dans le football, tu en penses quoi ?
C’est un scandale, l’homophobie dans les stades de foot. Ça n’a rien à y faire, le monde des supporters de foot, c’est aussi des familles. Je suis pour la radicalité et arrêter les matches. Le problème, c’est qu’il y a plein de choses dans le langage qui viennent de traditions homophobes. Il faut rééduquer les gens. Il y a des mots qui viennent de l’homophobie, mais qui n’en sont pas dans l’intention. Il faut de la pédagogie et dans les stades, c’est aux clubs de renforcer ça. C’est la même chose pour le racisme, on ne va pas combattre ça avec un article de presse.
Dans “Ça sert”, tu dis : “De ton équipe, t’es l’un des plus déter’ : en vrai, ça sert.” C’est une phrase qui s’applique bien au monde du foot ?
Ça s’applique à tout. C’est pour ça que je respecte les joueurs comme Matuidi, Cavani et tous les combattants. Tu n’es peut-être pas le meilleur sur le papier, mais quand on t’enlève de l’équipe, ça se voit, ça tangue, c’est pas pareil. On est heureux de garder Neymar, mais son rapport avec les supporters va être compliqué. Il va falloir qu’il fasse un petit communiqué. Ou il ne parle pas et il nique tout. Il n’a pas le choix, il a 27 piges, s’il veut un bon transfert l’année prochaine, il faut qu’il se transcende et fasse une saison de dingue.
Ou alors ça se passe tellement bien qu’il reste ?
Non, je pense qu’il n’aime pas la France, c’est son tempérament. C’est trop dur pour lui, ce n’est pas l’Espagne. Ici, on est trop critique sur l’indécence des salaires, les privilèges, tout ça on n’aime pas. En Espagne, on aime le foot, ça critique l’extra-sportif seulement quand c’est moins bon sur le terrain.
Si tu devais comparer ton trio formé avec En’Zoo et Gros Mo avec un trio de foot ?
Quels combos m’ont le plus impressionné ? Moi, ça serait Messi pour la taille et la prod’ qui colle à la voix comme le ballon colle à ses pieds. Gros Mo c’est Suarez, la crapule ! Et En’Zoo, c’est plus un Iniesta : très humble, silencieux et très juste.
Toi qui écris beaucoup sur les femmes, tu as suivi le Mondial 2019 ?
Contrairement aux années précédentes où elles devaient être un peu plus masculines pour s’affirmer, c’était ultra féminin. La Coupe du monde féminine a mis en lumière ce qu’on ne voyait pas depuis des années. Demain, si j’ai une fille qui me dit “J’veux faire du foot”, ça me posera moins de problèmes qu’à l’époque, avec les clichés et la perception que j’en avais, où elle devait plus être des garçons que des filles. Beaucoup de choses ont évolué et c’est tant mieux.
Le onze de rêve de Nemir : Barthez – Alexander-Arnold, Van Dijk, Maldini, Marcelo – Vieira, Gullit, Zidane – Mbappé, Ronaldo (R9), Neymar
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