Le moyen ultime d’être incollable sur la plus grande compétition européenne.
Spécialiste des statistiques, Opta nous avait régalés cet été avec son livre retraçant l’histoire de la Coupe du monde en chiffres. Un premier ouvrage réussi pour Kevin Jeffries et Loïc Moreau, deux mordus de stats, qui ont décidé de remettre ça avec un deuxième opus autour de la plus grande compétition européenne : la Ligue des Champions.
Entretien avec Kevin Jeffries, membre de la team Opta, qui vous explique pourquoi ce livre est indispensable dans votre collection, que vous soyez un féru de stats… ou pas.
Retour de la Ligue des Champions oblige, j’en profite pour vous annoncer la sortie de mon nouveau livre !
— Kevin Jeffries (@kevjeffries) 17 septembre 2018
Après la Coupe du Monde, @LPGMoreau et moi avons décrypté la Coupe aux grandes oreilles.
: sortie le 4 octobre
#LivreOptaLdC pic.twitter.com/rrzn7cBVC7
Football Stories | Après le succès de votre livre pendant la Coupe du monde, comment vous y êtes-vous pris pour rédiger ce nouvel ouvrage ?
Kevin Jeffries | On voulait aller encore un peu plus loin, avec plus de statistiques, plus de graphiques, plus de textes. Ayant toutes les statistiques possibles sur la Ligue des Champions depuis 2003/04, on a décidé de traiter la période de manière chronologique, saison par saison. Histoire d’avoir une base, on a noté les finalistes, meilleurs buteurs et passeurs, records collectifs comme individuels de chaque exercice. On a ensuite développé avec les aléas de chaque saison, en fouillant notre base de données, sans oublier d’insister sur des rencontres ou performances notables. Avec Loïc, on s’est partagé chaque exercice en fonction de nos affinités footballistiques, tout en essayant de garder une certaine continuité dans la rédaction.
Est-ce que tu vois des différences majeures entre les études statistiques que tu avais faites pour le mondial et celles pour la Ligue des Champions ?
Tout à fait, surtout en termes de périodes de domination, beaucoup plus identifiables dans cette compétition : le style assez sobre des clubs anglais du début des années 2000, le jeu plus direct du Real Madrid récemment. Mais ce qui a véritablement constitué une révolution, que ce soit au niveau du jeu ou des statistiques, c’est l’arrivée de Guardiola. Il y a clairement un avant et un après ses débuts sur le banc catalan. La plupart des records de possession, de passes par match, de passes dans les 30 derniers mètres adverses par match sur la période sont à mettre à son actif. Tout cela est notamment dû au fait qu’il est plus aisé d’installer un style en club qu’en sélection et à une fréquence complètement différente.
242 - Pep Guardiola a dirigé 242 matches avec Barcelone, pour 175 victoires, 46 nuls et 21 défaites (618 buts pour, 178 contre). Ère.
— OptaJean (@OptaJean) 27 avril 2012
En règle générale, est-ce que le travail basé sur les statistiques est plus important à fournir pour un club que pour une sélection ?
Je pense qu’il peut être très intéressant pour les deux. Comme on l’explique régulièrement, les statistiques ne sont en aucun cas parole d’évangile, la contextualisation est primordiale pour que la donnée brute devienne information. Ceci étant dit, elles constituent une aide formidable, à l’instar de l’analyse vidéo par exemple – les deux sont par ailleurs complémentaires. Dans l’analyse des adversaires, le suivi – sportif comme médical – de ses joueurs, le décryptage des rencontres, l’amélioration des performances grâce à la technologie, la data ne peut que servir.
Là où dans un club on s’en servira également pour le scouting, on pourra l’utiliser pour comparer le rendement de joueurs évoluant au même poste dans l’optique d’une sélection. Je suis convaincu de son intérêt et persuadé qu’au moins la moitié des clubs de l’élite auront des Data Analysts à moyen terme. Les moyens sont déterminants pour bénéficier des meilleurs services, mais les bonnes idées le sont tout autant, comme en témoigne le pionnier Midtjylland (ce club danois a notamment utilisé la data pour trouver des nouveaux joueurs et pour mieux faire travailler ceux qui sont au club, ndlr). Il y a énormément de choses à faire dans l’Hexagone. Si les statistiques peuvent aider, apporter un autre éclairage, augmenter les chances de s’imposer, pourquoi s’en priver ?
Dans ce livre, vous parlez beaucoup des statistiques pour illustrer des tactiques. Au premier abord, cela peut surprendre étant donné qu’on associe plus généralement un style de jeu à chaque tactique plutôt que des chiffres…
Disons que les chiffres ne mentent jamais, mais on peut les faire mentir. Encore une fois, tout dépend du contexte. Certaines tactiques, ou styles de jeu, sont facilement identifiables à travers les statistiques. La possession, le nombre de passes, de tacles, la position moyenne, le nombre de passes avant un tir sont autant d’éléments clés. Maintenant, l’œil humain reste primordial, d’où l’idée des statistiques comme d’un complément. Une équipe peut avoir 70% de possession, multiplier les passes courtes sans pour autant proposer un style “guardiolesque.” Il en est de même pour un joueur. Le contexte, c’est vraiment la clé.
Quelle est ta statistique préférée dans ce livre ?
Sans doute celle d’Arsenal contre Barcelone. Sur la période que nous avons décryptée, le club de Londres est le seul ayant marqué plus de buts qu’il n’a tenté de tirs sur un match de Ligue des Champions, en mars 2011. Arsenal n’avait tenté aucun tir, mais avait marqué grâce à un but contre son camp de Sergio Busquets (défaite malgré tout). Assez dingue quand on connait l’acabit des deux clubs, même si les Gunners de 2011 étaient bien loin des Invincibles. Je trouve également fascinante la faculté qu’ont Lionel Messi et Cristiano Ronaldo à faire évoluer leur jeu pour rester au sommet. J’ai pris beaucoup de plaisir à m’intéresser au sujet.
100 - Lionel Messi a atteint les 100 buts en Ligue des Champions en seulement 123 matches, soit 14 de moins qu'il avait fallu à Cristiano Ronaldo (137) pour atteindre cette barre symbolique. Extraordinaire. pic.twitter.com/BcYYl4hJNh
— OptaJean (@OptaJean) 14 mars 2018
On parle souvent du duel Messi-Ronaldo, notamment en Ligue des Champions. Si on lit ton livre, on saura réellement qui est le meilleur grâce à vos chiffres du coup ?
Qui est le meilleur, non, car c’est beaucoup trop subjectif, mais qui domine l’autre dans certains domaines oui. Leurs qualités sont différentes, chacun ayant ses particularités, son style de jeu. L’un est un magicien virevoltant à la conduite de balle “maradonesque”, l’autre est une machine qui a maximisé ses qualités, déjà énormes de base, à un niveau jamais atteint. L’effet miroir entre les deux, ce duel à distance qui les tire constamment vers le haut, c’est assez impressionnant. Une chose est certaine, ce sont les deux joueurs qui représentent le mieux la Ligue des Champions au XXIe siècle. Il suffit de regarder les différents records pour s’en apercevoir.
Est-ce un ouvrage réservé aux spécialistes ou même les amateurs peuvent s’y retrouver ?
A l’instar du premier livre, on voulait vraiment s’adresser au plus grand nombre, mordus de statistiques ou non. Outre les touchmaps, statistiques pointues et autres graphiques, on a par exemple intégré les Expected Goals, tout en prenant bien soin d’expliquer le concept. Notre esprit tordu devrait permettre au fan de stats de s’y retrouver. On s’est régalés à chercher pendant des semaines les meilleures statistiques sur la Ligue des Champions, et on a voulu partager cela. Notre objectif premier est d’aller toujours plus loin, d’apporter de l’inédit, que le lecteur apprenne quelque chose et prenne du plaisir en d’autres termes.
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