C’est un rendez-vous qu’elles ne souhaitent pas manquer. Une main tendue qu’elles accueillent volontiers. Il est 14 h 45, au Champ-de-Mars à Paris. Le soleil tente de se frayer un chemin entre des nuages épars. Il fait bon. Ce mardi 31 mai, Myriam, Badia et Sandrine ont répondu présentes à la séance de renforcement musculaire animée par Karine Roussier.
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Les cheveux courts, un sourire vissé aux lèvres et une énergie débordante, cette quinquagénaire est la directrice d’Up Sport ! Unis pour le sport, une association solidaire qui promeut une pratique sportive inclusive et accessible aux plus démunis et fragilisés. Pour la troisième année consécutive, elle accompagne, à raison d’un entraînement par semaine, un petit groupe de femmes victimes de violences et suivies par le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) de Paris.
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L’objectif de ces activités sportives régulières est de permettre aux femmes de s’affranchir des blocages occasionnés par les violences qu’elles ont subies, de se réapproprier un corps parfois encore meurtri par les coups et de regagner confiance en elles. Au programme ? Séances de yoga et de relaxation, vélo, natation, sports collectifs ou encore renforcement musculaire et cardio. “L’idée, c’est de les accompagner dans une remise en mouvement physique, grâce au sport, mais aussi personnelle et professionnelle”, explique Karine Roussier. Pour ce faire, elle travaille en étroite collaboration avec la psychologue et la conseillère d’insertion professionnelle du CIDFF.
Dans une des allées gravillonnées du jardin du Champ-de-Mars, des plots de couleurs jonchent le sol et dessinent un parcours circulaire – ou presque. À la file indienne, le petit groupe de femmes s’élance et alterne montées de genou, pas chassés et foulées bondissantes. Chaque tour se conclut avec dix squats et dix fentes. L’heure du circuit training a sonné et Badia essaye déjà de négocier. “On ne peut pas en faire six, plutôt ?” Bien tenté, mais Karine ne se laisse pas amadouer.
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L’union fait la force
Avec ses cheveux blonds ramassés par une pince croco noire, Badia arbore un sourire malicieux et respire la joie de vivre. Depuis qu’elle a renoué avec le sport en février dernier, elle ne manque pas un entraînement. “C’est un moment où je me retrouve, j’oublie tout et je me lâche.” C’est aussi une bouffée d’air frais. Une grande respiration loin des quatre murs de la chambre d’hôtel, qu’elle occupe depuis qu’elle a quitté le foyer conjugal en décembre dernier.
“C’est dur d’être une femme battue. Je m’étais renfermée sur moi-même, je n’avais plus goût à rien et je me dirigeais pas à pas vers la dépression, confie-t-elle, le visage soudainement plus grave. Trouver des gens qui te donnent la force d’avancer, c’est rare.”
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Cette force, chacune la puise aussi dans les récits de vie des unes et des autres. “On sait que les personnes qui nous entourent ont, elles aussi, vécu des situations difficiles. Ça permet de se sentir moins seule”, observe Sandrine. Mère de trois enfants, la jeune femme de 34 ans est persuadée d’une chose : le sport lui a sauvé la vie. “Pendant l’effort, tu ne penses pas aux coups que tu recevais. Tu t’évades, tu penses à toi ou à la balle qu’il faut rattraper.”
Lorsqu’elles enfilent leurs baskets, les étiquettes s’envolent le temps de cette parenthèse sportive. “Je connais leur fragilité et je reste vigilante, mais je les regarde avant tout comme des femmes, pour les aider à ne plus se percevoir uniquement comme victimes de violences conjugales”, ajoute Karine. Car c’est avant tout ce qu’elles recherchent. Enfouir ce passé douloureux et regarder vers l’avenir.
Au détour de quelques passes de volley, Badia partage avec le reste du groupe son envie de devenir chauffeuse de métro. “J’ai travaillé pendant vingt ans dans l’administration, aujourd’hui je souhaite changer de carrière”, avoue-t-elle. À ses côtés, Sandrine se rêve championne de gateball. Un sport japonais qui revisite le croquet et qu’elle a découvert grâce à Up Sport. “Ce n’est pas encore très connu, il y a peut-être moyen !” s’exclame-t-elle en rigolant. Des rires, de la convivialité et des temps d’échange entre coéquipières, c’est aussi ça, le sport.
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Il est 16 heures. Derrière ce petit groupe de femmes qui jouent désormais à un jeu, au croisement du basket et du handball, se dresse une tour Eiffel fière et sûre d’elle. Badia, Myriam et Sandrine, elles, relèvent peu à peu la tête et renouent avec elles-mêmes. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’elles soient elles aussi de nouveau fières et sûres d’elles.