Depuis deux saisons, les arrêtés préfectoraux interdisant ou restreignant les déplacements des supporters de foot sont plus nombreux que jamais. Les associations de supporters dénoncent depuis des mois cet état des choses, avançant l’idée que cela était inefficace, et surtout dangereux pour les libertés des citoyens à l’avenir, comme nous l’expliquait il y a quelques mois James Rophé de l’Association nationale des supporters (ANS).
Et un rapport de police révélé par Médiapart cette semaine donne raison aux représentants des supporters. Sur les interdictions et restrictions de déplacement, le rapport annuel de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), qui dépend de la police nationale, nous apprend que “cette augmentation du nombre de mesures administratives a eu pour effet de nourrir l’animosité des supporters”.
James Rophé, porte-parole de l’ANS, nous expliquait cet été les limites de ces mesures :
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“L’ANS dénonce l’hypocrisie de la mesure, car si elle est présentée comme quelque chose pouvant également traiter le problème du hooliganisme, des violences ou de l’ordre public en général, on se rend compte qu’en fait, il n’y a pas d’interdiction de déplacement : c’est vraiment une interdiction de supporter son équipe.
Or, tous les professionnels du secteur vous diront que quelqu’un de mal intentionné, par exemple un hooligan, ne vient pas avec un maillot, une écharpe ou un mégaphone pour animer des tribunes. Généralement, ils sont habillés discrètement, ne font pas état de leur appartenance à un groupe de supporters, et s’ils vont provoquer des violences et des désordres, ils vont le faire en toute discrétion. Ces mesures, paradoxalement, ne les empêchent pas de se déplacer pour venir avec des intentions mauvaises, que cela soit la violence ou les problèmes de discrimination comme le racisme.”
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Parmi les mesures mises en place pour sanctionner les supporters se trouvent aussi les interdictions administratives de stade. Or, selon le rapport de la DNLH, celles-ci sont souvent en attente de confirmation ou d’annulation par le tribunal administratif, et le temps que l’IAS soit confirmée ou non, son délai est déjà dépassé dans 88 % des cas.
Pour l’ANS, toutes ces mesures sont liberticides, et menacent tous les citoyens français, comme James Rophé l’expliquait :
“Aujourd’hui, on est vraiment les cobayes de toutes les mesures liberticides. D’ailleurs, on a pu le voir lors du débat sur la loi anti-manifestants : les mesures qui étaient prises s’appuyaient sur de soi-disant bilans qui parlent des mesures envers les supporters. En France, malheureusement, il n’y a aucune donnée, aucun bilan et aucune analyse qui sont faits des mesures qui sont prises. Pourtant, elles datent de 2011, on devrait être en capacité de voir que ce sont des mesures inopérantes et inefficaces.”
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Cette fois, la DNLH corrobore donc les propos de l’ANS. D’ailleurs, cette division préconise grandement d’autres solutions et veut en finir avec le tout-répressif, comme elle l’explique dans le rapport auquel Mediapart a eu accès :
“La gestion des rencontres de football abordée uniquement sous l’angle de l’ordre public montre ses limites. D’autres pistes (approche intégrée de la sécurité, développement de la prévention et du dialogue, ‘contractualisation’ des relations avec les supporters) doivent être explorées afin de limiter les incidents et les violences tout en préservant les libertés publiques.”