Entretien : ce fan du RC Strasbourg a fait 9 fois le tour de la Terre pour son club

Publié le par Julien Choquet,

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Il y a certains supporters qui n’ont pas la même histoire que les autres. C’est le cas de Grégory, amoureux du RC Strasbourg depuis maintenant 25 ans, qui a décidé d’écrire un livre afin d’y raconter ses aventures. 
Neuf fois le tour de la Terre pour mon club : le titre du livre a de quoi intriguer au premier abord. Si on pose la question à l’auteur Grégory Walter, âgé de 34 ans, la réponse nous laisse bouche bée : “J’ai fait 366 000 kilomètres en déplacement, ce qui correspond à 9 fois le tour de la Terre : je n’ai pas raté un match depuis 13 ans.” Entretien avec un passionné pas comme les autres.
Peux-tu nous raconter ton histoire avec le RC Strasbourg ?
Ça a commencé quand j’étais gamin, mais je l’ai suivi de manière très régulière lors de l’exercice 91-92. Cette saison s’est conclue par une montée en première division lors d’un match mythique en barrages, dans une Meinau en liesse avec 35 000 personnes. J’avais 10 ans, et je dis toujours que ma vie a basculé ce jour-là. Durant l’adolescence, j’ai commencé à suivre le kop avant d’intégrer les ultras.
Je suis ensuite devenu responsable des ultras en 2002 durant 4 ans, et en 2010 j’ai rejoint la Fédération des supporters à l’époque où le club était en train de mourir ou presque. Bref, toute ma vie est organisée autour du Racing. J’ai d’ailleurs rencontré ma femme à la Meinau. On partage les déplacements, on emmène même notre fils de 2 ans : c’est devenu une aventure familiale.
Pourquoi avoir choisi d’écrire ce livre ?
Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le club est en train de clore un chapitre avec le retour en mode pro : c’est un peu la fin d’une belle histoire et le début d’une nouvelle. À titre personnel, je viens d’avoir mon deuxième enfant, donc je sais que ma série de 13 ans sans louper un déplacement risque de s’interrompre assez rapidement, c’était le moment ou jamais de le sortir ce livre [rires]. De manière plus générale, j’ai aussi choisi de l’écrire dans un but assez militant, pour faire découvrir mon mode de vie, cette passion dévorante pour le RC Strasbourg, et ainsi donner une autre image du supporter en France.


Comment fait-on pour ne pas louper un match en 13 ans ? C’est assez fou. 
En fait, ce n’est pas compliqué : il ne faut pas se poser la question. Quand le Racing joue on y va, et après on organise toute sa vie en conséquence. Et les conséquences justement, on les assume. C’est une question de priorités en fait [rires].
Quel est le déplacement qui t’a laissé le meilleur souvenir ?
Le match en Bulgarie contre le Litex Lovech en 2006. Le plus long déplacement, le plus exotique, celui avec le goût d’aventure le plus prononcé. Nous n’étions que 19 supporters strasbourgeois pendant 2 jours à Sofia, c’était génial. Je garde de bons souvenirs de la Corse aussi. D’ailleurs, il y a tout un chapitre du livre dédié à la Corse. Petite anecdote : j’ai réussi à assister à un match à huis clos à Furiani avec ma femme. Avec quelques complices, on a réussi à se faire passer pour des étudiants en journalisme. Un grand souvenir.

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“Ce jour-là, je me suis demandé quelle vie de merde je menais”

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Et le pire souvenir ?
Avec le temps, les galères deviennent toutes des bons souvenirs. Mais sur le coup, la fois où j’étais vraiment le plus proche de craquer, c’était lors d’un déplacement à Bayonne en décembre 2010. Je devais partir en Autriche le surlendemain pour des raisons familiales. Bien entendu, tout le monde me déconseillait d’aller au match, mais je n’en fais qu’à ma tête et j’arrive à goupiller un itinéraire. Il y avait des tempêtes de neige, mais j’arrive quand même à Paris, où j’avais une correspondance pour Bayonne. Et grosse surprise : j’apprends que le match est annulé parce que l’avion des joueurs n’avait pas pu décoller à cause de la météo. Donc je me retrouve à Paris, avec ma femme, alors que je dois être en Autriche le lendemain. Ce jour-là, je me suis demandé quelle vie de merde je menais [rires].
Tu dois avoir des anecdotes assez folles sur ces déplacements… 
Bon, je ne voulais pas l’avouer, mais l’histoire précédente n’est pas terminée… Je me retrouve à l’aéroport complètement désespéré. Je décidé d’aller manger un casse-croûte hors de prix et pas très bon, comme savent très bien le faire les aéroports parisiens. Je vais rapidement aux toilettes, et quand j’en sors, l’aéroport est désert. Je ne comprends rien. Figure-toi qu’il y avait eu une alerte à la bombe entre temps, et je me retrouve tout seul dans un aéroport vide. Ou comment finir de la meilleure des façons ce déplacement maudit [rires].


En 2010, Strasbourg dépose le bilan et se voit relégué en CFA 2. Comment vit-on cette descente aux enfers quand on est aussi passionné que toi ? 
On passe par tous les états. C’est un processus qui s’est développé sur plusieurs années : on s’enfonce, on s’enfonce, on s’enfonce, même jusqu’à souhaiter le dépôt de bilan. Il valait mieux repartir sur une base saine, mais ce n’est pas pour autant que quand ça arrive, ça ne secoue pas. On est dans l’incertitude la plus totale : pas de repreneur, on ne sait pas si on jouera à la Meinau… D’ailleurs, pour la première journée en CFA 2, le club n’avait même pas 11 joueurs sous licence à aligner !
Et puis, lors de la deuxième journée, on se déplace à Forbach. Plus de 300 supporters font le déplacement, ça chante tout le match et on gagne. Et la semaine suivante, il y a 10 000 spectateurs à la Meinau pour la troisième journée. On se dit que finalement rien n’a changé, que ça prendra le temps que ça prendra, mais qu’on reviendra au plus haut niveau : c’est une certitude.

On est bien loin de ce que certains appellent le “football business”, que tu critiques d’ailleurs dans ton livre… 
Clairement, ça a été une parenthèse enchantée pour nous toutes ces années. On a retrouvé la proximité avec les dirigeants, avec les joueurs, le public était revenu au centre du projet du club. L’humain était clairement mis en avant. À coté de ça, la situation des supporters s’est détériorée en Ligue 1, et on a eu la chance de passer à côté de cette répression. C’est ce qui explique aussi pourquoi on a toujours une ferveur aussi populaire à Strasbourg : c’est ce que je recherche quand je vais voir un match de foot, et c’est l’idée que je défends dans mon livre.
Je discutais ce week-end avec un supporter nantais. Il me racontait que lors d’un déplacement à Nice, il y avait eu une fouille dans une pièce fermée avec des chiens renifleurs, y compris pour les plus jeunes. Donc ça fait 20 ans qu’on entasse des lois en France pour un public familial, et à Nice il faut amener son fils dans une pièce avec un chien pour aller en parcage ? C’est dingue.
Pour finir, si tu devais donner 3 raisons à nos lecteurs d’acheter ton bouquin, ça serait lesquelles ?
L’intérêt majeur est de découvrir une facette du foot que peu de gens connaissent. Et puis, pour les supporters acharnés de leur équipe, c’est aussi une manière de montrer à leur entourage qu’il y a pire qu’eux [rires]. Plus sérieusement, c’est un récit qui montre aussi que le foot c’est une grande famille… spécialement dans mon cas.
Si vous souhaitez commander Neuf fois le tour de la Terre pour mon club, vous pouvez avoir plus d’informations sur la page Facebook, ou le commander directement par correspondance à l’adresse suivante : neuffoisletour@gmail.com