L’armée de l’air israélienne a mené de nouvelles frappes samedi sur la bande de Gaza assiégée et dévastée, où des dizaines de Palestinien·ne·s ont péri ces dernières 24 heures, l’ONU qualifiant le territoire de “lieu de mort inhabitable”. La guerre sans répit que mène l’État d’Israël sur la Palestine, qui entre dimanche dans son quatrième mois, suscite les craintes d’un débordement avec la multiplication des violences à la frontière israélo-libanaise, en Irak, en Syrie et en mer Rouge.
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Samedi 6 janvier, le Hezbollah libanais a tiré des dizaines de roquettes vers une base militaire à Meron dans le Nord de l’État d’Israël, une attaque présentée comme sa première riposte à l’élimination, attribuée à l’État d’Israël, du numéro deux du Hamas mardi près de Beyrouth. L’armée israélienne a confirmé qu’une base avait été la cible de roquettes en provenance du Liban voisin. L’État d’Israël a juré de détruire le Hamas après son attaque du 7 octobre, fatale à 1 140 personnes, essentiellement des civil·e·s, selon un décompte de l’AFP à partir du bilan israélien. Environ 250 personnes ont été enlevées dont une centaine libérées lors d’une trêve fin novembre 2023.
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Les bombardements incessants israéliens ont fait 22 722 morts à Gaza, majoritairement des femmes, enfants et adolescents, et plus de 58 000 blessé·e·s, selon un dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas. Parmi eux, figurent 122 personnes tuées ces dernières 24 heures, d’après cette source. Selon des journalistes de l’AFP, des frappes ont ciblé la nuit et tôt samedi Rafah, ville à la pointe sud de la bande de Gaza où se sont réfugiées ces dernières semaines des centaines de milliers de Palestinien·ne·s qui tentent d’échapper aux bombardements destructeurs.
Dans le Nord de Gaza, où l’armée israélienne a lancé son opération terrestre le 27 octobre, les bombardements israéliens n’ont pas non plus cessé. “Ils ont tué nos enfants, ils ont tué nos enfants, ils ont tué nos proches“, se lamente une femme devant l’hôpital européen de Khan Younès (Sud), où ont été transportés les corps de Palestinien·ne·s tué·e·s, selon des images de l’AFPTV. À l’intérieur de l’hôpital, des parents pleurent près des dépouilles de leurs enfants et, à l’extérieur, des proches tentent de se consoler. Vingt-deux Palestinien·ne·s ont été tué·e·s dans les frappes à Khan Younès selon le gouvernement du Hamas.
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Deux journalistes tués par l’État d’Israël
Le ministère de la Santé du Hamas dans la bande de Gaza a indiqué ce dimanche 7 janvier qu’une frappe aérienne israélienne avait tué deux journalistes palestiniens. Moustafa Thuraya, un vidéaste pigiste collaborant avec l’AFP, et Hamza Waël Dahdouh, journaliste de la chaîne Al-Jazeera, ont été tués alors qu’ils circulaient en voiture, ont indiqué le ministère et des secouristes.
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Waël al-Dahdouh, père de Hamza al-Dahdouh, est le chef du bureau d’Al-Jazeera dans la bande de Gaza. Il a récemment été blessé dans une frappe israélienne. Waël al-Dahdouh avait déjà perdu son épouse et deux enfants dans une autre frappe israélienne au cours des premières semaines de la guerre. Moustafa Thuraya collaborait avec l’AFP depuis 2019. Au 31 décembre 2023, au moins 77 journalistes et professionnel·le·s des médias avaient été tués depuis le début des bombardements de l’État d’Israël sur la Palestine, selon le Comité pour la protection des journalistes. Parmi ces journalistes, 70 étaient palestinien·ne·s, quatre israélien·ne·s et trois libanai·se·s.
Hier, samedi 6 janvier, le ministère de la Santé du Hamas palestinien annonçait que les opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza avaient fait 22 722 morts depuis le 7 octobre. Ce décompte inclut 122 personnes tuées au cours des dernières 24 heures, précise un communiqué du ministère, faisant également état de 58 166 personnes blessées depuis le 7 octobre.
“90 jours d’enfer”
Classé comme “groupe terroriste” par les États-Unis et l’Union européenne, le Hamas a pris en 2007 le pouvoir à Gaza, deux ans après le retrait unilatéral de l’État d’Israël de ce territoire suite à une occupation de 38 ans. L’État d’Israël a ensuite imposé à partir de 2007 un blocus aérien, maritime et terrestre au territoire, avant un siège total depuis le 9 octobre dernier. L’offensive israélienne a détruit des quartiers entiers de Gaza et déplacé 1,9 million de personnes, soit 85 % de la population d’après l’ONU, qui vivent dans des conditions terribles, manquant d’eau, de nourriture, de médicaments et de soins. Et les hôpitaux ne fonctionnent plus ou très difficilement.
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La bande de Gaza est “tout simplement devenue inhabitable”, et ses habitant·e·s “font face à des menaces quotidiennes sous les yeux du monde”, a déploré le coordinateur des affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths. Selon l’Unicef, les combats, la malnutrition et la situation sanitaire ont créé “un cycle de la mort qui menace plus de 1,1 million d’enfants” dans ce petit territoire surpeuplé et paupérisé.
Sean Casey, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a affirmé que l’OMS et le Fonds de l’ONU pour la population avaient pu livrer pour la première fois en 10 jours des fournitures médicales à la pharmacie centrale du ministère de la Santé à Khan Younès. “Nous continuons de demander une fin immédiate au conflit non pas seulement pour la population de Gaza et ses voisins menacés, mais pour les générations à venir qui n’oublieront jamais les 90 jours d’enfer et d’attaques sur les principes les plus fondamentaux de l’humanité”, a dit Martin Griffiths.
“2024, une année de combats”
L’État d’Israël reste toutefois inflexible et affirme vouloir poursuivre son offensive jusqu’au “retour” des otages et “l’élimination” des capacités militaires du Hamas, qui restent “importantes” selon l’allié états-unien. “2024 sera une année de combats”, a prévenu vendredi le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari. L’armée continue de “se battre dans le Nord, le centre et le Sud” de la bande de Gaza. Les tirs de roquettes à partir de la bande de Gaza vers l’État d’Israël continuent mais avec une moindre intensité, et les sirènes d’alerte principalement dans le Sud de l’État d’Israël, proche de la Palestine, retentissent quasiment tous les jours. Dans le Nord, à la frontière avec le Liban, Daniel Hagari a fait état d’un “très haut niveau de préparation” des troupes.
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Depuis le 8 octobre, le Hezbollah lance à partir du Sud du Liban des attaques quotidiennes contre l’État d’Israël, ciblant surtout des positions militaires frontalières, en soutien au Hamas, son allié. L’État d’Israël riposte en bombardant des cibles dans le Sud du Liban. Ces tensions sont allées crescendo avec l’élimination mardi du numéro deux du Hamas Saleh al-Arouri, dans la banlieue sud de Beyrouth, un fief du Hezbollah.
Borrell au Liban, Blinken en Turquie
“La riposte est inéluctable”, a prévenu vendredi le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah. Elle ne s’est pas fait attendre. “La résistance islamique a ciblé samedi la base militaire d’observation radar et de contrôle aérien de Meron avec 62 missiles”, a indiqué le Hezbollah dans un communiqué. En Syrie et en Irak, les attaques contre des bases militaires des États-Unis se sont multipliées depuis le 7 octobre. Et les rebelles Houthis au Yémen ont lancé des attaques contre des navires en mer Rouge et tiré des missiles vers l’État d’Israël en “soutien” aux Palestinien·ne·s.
Dans ce contexte, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a eu des entretiens au Liban, où il a jugé “absolument nécessaire d’éviter que le Liban ne soit entraîné dans un conflit régional”. Le secrétaire d’État Antony Blinken a lui rencontré à Istanbul le président Recep Tayyip Erdogan, qui dénonce le soutien états-unien à l’État d’Israël, avant d’entamer ce dimanche à Amman une tournée dans des pays arabes et en Israël. Dans un message vidéo adressé au chef de la diplomatie américaine, le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh, basé au Qatar, a appelé Antony Blinken à “se concentrer sur la fin” de l’offensive israélienne et la “fin de l’occupation de l’ensemble de la terre palestinienne”.