Pourquoi la délégation algérienne a-t-elle jeté des fleurs dans la Seine lors de la cérémonie d’ouverture des JO ?

Publié le par Lise Lanot,

© France TV

Un devoir de mémoire.

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Hier soir, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, la délégation algérienne a jeté des fleurs dans la Seine depuis son bateau. Un geste symbolique et mémoriel important, qui rappelle qu’il y a 63 ans, au même endroit, “on no[yait] des Algériens”, tel que le dénonçait le graffiti inscrit sur les quais de Seine, quelques semaines après le massacre du 17 octobre 1961.

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Ce soir-là, une centaine de manifestant·e·s d’origine algérienne marchaient dans les rues de Paris et sa banlieue afin de dénoncer le couvre-feu raciste qui les visait injustement et d’appeler à l’indépendance de l’Algérie. Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, ordonne une répression sanglante : plus de 200 manifestant·e·s algérien·ne·s sont frappé·e·s et tué·e·s, certain·e·s sont jeté·e·s dans la Seine.

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Les autorités tentent d’étouffer cette nuit tragique. Le graffiti dénonciateur réalisé trois semaines après les faits est effacé quelques heures après sa réalisation. Les deux seules photos qui l’immortalisent ne sont publiées que 24 ans plus tard dans le journal L’Humanité. Le 18 octobre, les journaux reproduisent “la version de la préfecture de police de Paris, qui évoque deux morts parmi les manifestants et fait part de rassemblements ‘violents’ et d’’attaques de commandos’ contre la police”, rappelions-nous en 2016.

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Les journaux censurent les événements de cette nuit du 17, ainsi que ceux des jours suivants, lorsque plus d’une dizaine de milliers de manifestant·e·s est emmenée par la police dans des centres d’internement, à Coubertin, Beaujon, au palais des Sports et à Vincennes : [Les Algérien·ne·s arrêté·e·s] sont nombreux à subir des sévices de la part de la police, certains plusieurs jours durant, du 17 au 20 octobre, mais ils ne seront jamais racontés dans les journaux : les journalistes subissent une censure qui leur interdit de se rendre dans ces lieux de détention.”

Le travail de reconnaissance mémorielle est scandaleusement long : “Il faut attendre le 17 octobre 2001 pour que la ville de Paris et son maire Bertrand Delanoë apposent une plaque commémorative sur le pont Saint-Michel.” En 2006, deux historiens britanniques, Jim House et Neil MacMaster, publient le livre Paris 1961. Les Algériens, la terreur d’État et la mémoire et décrivent cette nuit du 17 octobre 1961 comme “la répression d’État la plus violente qu’ait jamais provoquée une manifestation en Europe occidentale dans l’histoire contemporaine”.

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Fin mars 2024, l’Assemblée nationale approuvait une proposition de résolution qui “condamn[ait] la répression sanglante et meurtrière des [Algérien·ne·s] commise sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon le 17 octobre 1961″. Le texte “souhait[ait] en outre “l’inscription d’une journée de commémoration [de ce] massacre” à “l’agenda des journées nationales et cérémonies officielles”. La proposition de loi portée par l’écologiste Sabrina Sebaihi et la députée Renaissance Julie Delpech avait été approuvée dans un hémicycle clairsemé par 67 député·e·s, 11 votants contre, issus des rangs du Rassemblement national, rapportait l’AFP le 28 mars dernier.

63 ans plus tard, invitée à défiler sur la Seine et alors que la cérémonie prônait la paix, la solidarité, l’inclusivité, la diversité et le vivre-ensemble, la délégation algérienne se devait de rappeler cette part si sombre et occultée de l’Histoire française et de rendre hommage à ses martyr·e·s.

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