Ce 17 février, les ministres des Affaires étrangères du G7 se sont retrouvés à Munich pour une réunion consacrée aux crises internationales, comme le conflit entre Israël et le Hamas, la situation en mer Rouge ou l’agression russe contre l’Ukraine. Elle a démarré par une minute de silence, en hommage à l’opposant numéro un du Kremlin, Alexeï Navalny.
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La veille, on apprenait la mort de l’opposant russe à Vladimir Poutine. L’opposant, incarcéré depuis janvier 2021, s’est “senti mal après une promenade” a indiqué le FSIN de la région arctique de Lamal dans un communiqué. Alexeï Navalny a payé de sa vie sa lutte contre Vladimir Poutine, dénonçant sans relâche la répression et la corruption de son régime, tout comme l’assaut qu’il a déclenché contre l’Ukraine.
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Âgé de 47 ans, ce grand blond au regard bleu perçant était apparu amaigri et vieilli, quoique souvent souriant et enjoué, lors des retransmissions à distance des dernières audiences dans lesquelles il était impliqué, ultime moyen de le voir pour la presse. L’empoisonnement dont il a été victime en 2020, une grève de la faim et des dizaines de séjours répétés à l’isolement, l’avaient marqué physiquement.
Parcours d’un dissident
Navalny est un diplômé en droit des affaires qui achète à partir de 2007 des actions d’entreprises semi-publiques pour accéder à leurs comptes et exiger leur transparence. La même année, il est exclu du parti d’opposition libéral Iabloko pour ses prises de position ultranationalistes. Sur son site Internet Rospil, il traque dès 2010 des faits de corruption dans l’administration.
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À l’hiver 2011, il prend la tête du mouvement de contestation des législatives remportées par le parti au pouvoir. Les rassemblements sont d’une ampleur inédite depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine en 2000. Il écope alors de ses premières peines de prison et crée la Fondation anticorruption (FBK).
Il est condamné à cinq ans de camp le 18 juillet 2013 pour détournement d’argent au détriment de Kirovles, exploitation forestière de la région de Kirov (Ouest). Dénonçant un procès politique, il obtient en appel une peine avec sursis. Il devient quelques mois plus tard, en septembre 2023, le visage de l’opposition avec 27,2 % des voix à l’élection pour la mairie de Moscou face au maire sortant proche de Poutine. Deux ans plus tard, son parti, le Parti du progrès, est interdit.
Dans une enquête sortie en 2017 sur YouTube, il accuse le Premier ministre Dmitri Medvedev d’être à la tête d’un empire immobilier financé par des oligarques. Des milliers de manifestants brandissent des canards en plastique, en référence à une maison miniature dont disposeraient des canards dans l’une des résidences de Medvedev. Il se porte candidat à la présidentielle de 2018 mais la commission électorale le déclare inéligible en raison de sa condamnation dans l’affaire Kirovles.
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Le 20 août 2020, il frôle la mort. Hospitalisé dans un état grave en Sibérie, il est transféré dans le coma à Berlin à la demande de ses proches. Le 2 septembre, Berlin conclut à un empoisonnement par une substance de “type Novitchok“, produit neurotoxique développé à des fins militaires à l’époque soviétique. Navalny accuse alors Poutine, ce qui est “inacceptable” pour Moscou.
Rentré en Russie après sa convalescence, il est arrêté dès son atterrissage à Moscou le 17 janvier 2021. Des dizaines de milliers de sympathisants manifestent. Son entourage divulgue un scoop sur un palais construit par Poutine sur les bords de la mer Noire. L’enquête engrange des dizaines de millions de vues sur YouTube. Le président dément.
Le 2 février, la justice convertit son ancien sursis pour “fraude” en sentence ferme de deux ans et demi. Il est envoyé dans une colonie pénitentiaire à 100 kilomètres à l’est de Moscou. Des manifestations de soutien donnent lieu à 10 000 arrestations. Son organisation anticorruption FBK est fermée pour “extrémisme”.
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Le 20 octobre 2021, il reçoit le prix Sakharov de défense de la liberté de pensée. En Russie, il rejoint la liste des “terroristes et extrémistes”. Jugé coupable d’“escroquerie” et d’“outrage à magistrat”, il est condamné le 22 mars 2022 à neuf ans de prison et transféré dans une prison à 250 kilomètres à l’est de Moscou, d’où il pourfend l’invasion de l’Ukraine.
Le 4 août 2023, il est condamné à 19 ans de prison pour “extrémisme”. Le 25 décembre, sa porte-parole annonce qu’il a été transféré dans la colonie pénitentiaire de Kharp, dans l’Arctique russe. Lui-même assure le lendemain sur les réseaux sociaux qu’il va bien. Le 1er février, il appelle à des manifestations partout en Russie lors de la présidentielle prévue du 15 au 17 mars, qui devrait permettre à Vladimir Poutine de se maintenir au pouvoir au moins jusqu’en 2030.
Au cours de sa dernière audience, jeudi, debout dans sa tenue de prisonnier, il s’était fendu d’un éclat de rire en demandant au juge de lui envoyer de l’argent en prison grâce à son “énorme salaire de juge fédéral”. Un jour plus tôt, il avait adressé un message pour la Saint-Valentin à son épouse, Ioulia Navalnaïa, réfugiée en Europe. L’opposant s’efforçait, toujours, d’afficher un certain optimisme. “Je sais que les ténèbres disparaîtront, que nous gagnerons, que la Russie deviendra un pays pacifique, lumineux et heureux”, écrivait-il en juin 2023.
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Accusation de meurtre, réactions internationales et manifestations
Les réactions diplomatiques n’ont pas attendu. Dès l’annonce de la mort de Navalny, le président letton Edgars Rinkevics a indiqué que “quelle que soit votre opinion sur Alexeï Navalny en tant qu’homme politique, il vient d’être brutalement assassiné par le Kremlin. C’est un fait et c’est quelque chose qu’il faut savoir sur la vraie nature du régime actuel de la Russie”.
Le dissident russe Oleg Orlov, jugé depuis vendredi pour avoir dénoncé à plusieurs reprises l’assaut contre l’Ukraine, a fustigé “un crime du régime” de Vladimir Poutine. Le chef de l’État ukrainien Volodymyr Zelensky a lui jugé que le président russe Vladimir Poutine devrait “rendre des comptes pour ses crimes”. Le prix Nobel russe de la paix 2021, Dmitri Mouratov, a quant à lui qualifié la mort de Navalny de “meurtre” et de “nouvelle effrayante”.
La vice-présidente américaine Kamala Harris a estimé vendredi que la mort en prison de l’opposant russe Alexeï Navalny constituait “un nouveau signe de la brutalité” du président Vladimir Poutine. “Nous ne savons pas exactement ce qui s’est passé”, a ajouté Joe Biden, “mais il n’y a aucun doute que c’est la conséquence de quelque chose que Poutine et ses voyous ont fait”. Emmanuel Macron a exprimé lui “colère et indignation”, précisant ainsi que “dans la Russie d’aujourd’hui, on met les esprits libres au goulag et on les y condamne à la mort”.
Seule voix dissonante : le ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas souhaité commenter samedi la mort en prison de l’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, décrite comme “une affaire interne à la Russie”.
Évidemment, le Kremlin a assuré vendredi que les accusations et critiques occidentales envers Moscou après la mort en prison du principal opposant russe Alexeï Navalny étaient “absolument inacceptables”, tout en assurant ne pas savoir dans l’immédiat la cause du décès.
“Il n’y a aucune information sur la cause du décès et pourtant de telles déclarations se succèdent. […] Nous considérons que de telles déclarations sont absolument inacceptables”, a déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine, cité par les agences de presse russes.
Les autorités de Moscou ont mis vendredi en garde les habitants de la capitale russe contre toute manifestation “non autorisée” après l’annonce de la mort de l’opposant numéro un du Kremlin, Alexeï Navalny. Mais dans la soirée, des personnes faisaient la queue pour déposer des fleurs dans plusieurs cités russes sur des monuments à la mémoire de dissidents politiques, et des interpellations avaient déjà été signalées.
Selon le décompte publié sur le site de l’ONG spécialisée OVD-Info, et mis à jour samedi matin, “plus de 101 personnes ont été arrêtées dans dix villes”, principalement des grands centres urbains. Une soixantaine ont été interpellés et placés en détention à Saint-Pétersbourg, une quinzaine à Nijni Novgorod et une quinzaine à Moscou.
Des centaines de personnes se sont rassemblées vendredi soir à travers l’Europe et aux États-Unis pour rendre hommage à l’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, dont Moscou a annoncé le décès.
L’équipe de Navalny a demandé samedi à ce que la dépouille de l’opposant russe leur soit remise “immédiatement”, après que la mère du militant a été formellement informée de son décès en prison. Or, “l’avocat d’Alexeï et sa mère sont arrivés à la morgue de Salekhard. Elle était fermée, alors que la colonie (pénitentiaire) avait assuré qu’elle fonctionnait et que le corps de Navalny s’y trouvait. L’avocat a appelé le numéro de téléphone indiqué sur la porte. On lui a dit qu’il était le septième à appeler aujourd’hui et que le corps d’Alexeï n’était pas à la morgue“, a indiqué sur X (ex-Twitter), la porte-parole de l’opposant Kira Iarmych.