La Mutinerie, lieu iconique de la communauté queer à Paris, est en danger (et voilà comment aider)

Publié le par Delphine Rivet,

© Mahaut Delobelle

Après plusieurs coups durs, le bar est en grande difficulté financière et a besoin de vous !

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“La Mutinerie est dans une merde absolue.” C’est par ces quelques mots, dans un long post Instagram, que le collectif de La Mutinerie a tiré le signal d’alarme le 1er septembre dernier. Un cri de ralliement que la communauté LGBTQIA+ a entendu.

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Depuis presque deux mois, les gens se mobilisent pour sauver ce bar iconique et inclusif, qui se définit comme “queerféministetranslesbien”, niché au cœur du 3e arrondissement de Paris, au 176 rue Saint-Martin. Konbini est allé à la rencontre de celles et ceux qui font vivre cet endroit pas comme les autres.

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© Mahaut Delobelle

Dès son ouverture en 2012, La Mut’ s’est distinguée des autres bars de la Capitale, y compris des bars queers. Et c’est encore le cas aujourd’hui. C’est un débit de boissons — c’est d’ailleurs sa source de revenus — mais c’est aussi un lieu de rencontres et de débats, qui accueille gratuitement des ateliers d’autodéfense ou de lecture, des soirées de stand-up ou des drag shows, on peut s’y faire tatouer ou percer… Ses 100 mètres carrés, gérés par un collectif, sont à la disposition de la communauté.

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© Mahaut Delobelle / Suzon

Suzon (iel) : “Il n’y a aucun endroit où je me sens comme à la Mutinerie. Un bar qui est constamment ouvert et qui propose ça, je ne connais que la Mutinerie.”

Ce collectif, justement, c’est l’huile qui fait tourner le moteur de la Mutinerie. Dounia, arrivée il y a presque dix ans et membre de l’équipe, nous raconte son fonctionnement atypique : “Ici, ce n’est pas juste un bar : c’est un bar politisé, avec un système économique et de gestion complètement différents de la norme. Les salaires et les taux horaires sont exactement les mêmes pour tout le monde, toutes les décisions sont prises par vote. On fait tout nous-mêmes. C’est un peu le bébé de tout le monde. On est hyper déterminé·e·s : hors de question de voir La Mut’ couler après tout ce qu’on a fait.”

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© Mahaut Delobelle / Luciole de feu

Luciole de feu (elle / comédienne) : “On est dans un contexte où les discriminations lgptphobes se multiplient, dans un contexte où ce bar historique — qui est là depuis une dizaine d’années — est important pour énormément de monde. Il a permis à de nombreuses personnes de s’assumer et il est en train d’être dangereusement menacé par une fermeture.”

Il y a d’abord eu des travaux d’insonorisation coûteux, puis le Covid, l’inflation, et les JO qui ont fait chuter la fréquentation de tout le quartier, mais le collectif a dû continuer de payer un loyer exorbitant. La Mutinerie n’a pas eu de répit ces dernières années. Et malgré ça, son collectif n’a jamais lâché, s’est adapté, et a même continué d’aider les autres, sans jamais demander de compensation financière, comme nous l’explique Dounia :

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“On organise souvent des soirées de soutien ici, pour des assos, pour d’autres bars qui sont en difficulté, pour aider des gens qui veulent se payer des opérations… ACCEPTESS-T (asso de prévention et de soutien aux personnes transgenres vivant avec le VIH, ndlr) est là tous les jeudis pour faire des tests de dépistage. Pendant le confinement, on a fait des distributions alimentaires, des ateliers d’écriture féministe, de self-défense, de dessins de nu par et pour les personnes trans…”

© Mahaut Delobelle / Sascha

Sascha (il) : “Pour moi, la Mutinerie représente beaucoup de périodes de vie différentes. Ça représente aussi énormément de brassage de potes, de soirées hyper variées, c’est des DJ sets, c’est des dramas, c’est de l’euphorie, c’est plein d’émotions hyper différentes, plein de retrouvailles, de revival…”

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La Mutinerie aimerait aller encore plus loin, en tendant toujours plus vers l’associatif et le partage : “Le rêve serait de faire une sorte de Mut’ 2.0” nous dit Dounia. “Pendant le Covid, il y a beaucoup de jeunes queers qui sont venus ici en espérant de l’aide pour trouver un logement, pour une aide psy, ou sanitaire… Mais la Mut’, à part rediriger ou dépanner, on ne peut rien faire sur le long terme, on n’a pas les outils, ni les travailleur·se·s, ni les psys, ni les assistant·e·s sociales. On est un collectif, pas une asso. On n’a pas d’aide de l’État.”

© Mahaut Delobelle / @kashink1

Pour pérenniser ce “safe space”, La Mutinerie doit faire ses preuves. À la suite des difficultés financières rencontrées, le bar a été mis en redressement judiciaire et doit régulièrement se présenter au tribunal avec des signes encourageants. Et c’est vrai que depuis l’appel du 1er septembre, la communauté a répondu présente, comme le confirme Dounia :

“Ce qui est merveilleux, c’est que la communauté est un monstre. Elle est gigantesque. On a eu tellement de soutiens, Nicky Doll, Le Filip, Barbara Butch… ça nous a réchauffé le cœur. Les gens ont répondu présent en moins de 24 heures, c’est magnifique. Et ça perdure.”

© Mahaut Delobelle / Noam Sinseau

Ce lundi 14 octobre, c’est soirée stand-up avec, à l’affiche, des humoristes queer comme Tahnee, Crash, Noam Sinseau (en photo ci-dessus), Poulet de feu, Mahaut Drama ou encore Luciole de feu. La foule est tellement dense qu’on doit se faufiler à l’intérieur pour approcher l’une des stars de la soirée.

Luciole de feu : “Des lieux queers on en a pas des milliers, ceux qu’on a sont super précieux et La Mutinerie est en tête de file d’une certaine manière par son côté historique. C’est l’un des plus connus en France. Tu en parles en Creuse, ils savent ce que c’est la Mutinerie !”

Des habitué·e·s et des personnes qui viennent pour la première fois s’engouffrent dans le bar et s’étalent jusque sur le trottoir, le long de la magnifique fresque de l’artiste Kashink (insta @kashink1) qui sert de devanture. Tous et toutes ont conscience que leur présence est un acte militant.

© Mahaut Delobelle / Mars (à gauche) et Chloé (à droite)

Chloé (elle) : “Ce soir, c’était mon anniversaire et plutôt que d’aller dans un autre bar, on était 10 et on est venu ici pour soutenir le lieu !”

À l’heure où nous écrivons ces lignes, la mise en vente qui menaçait La Mutinerie a été levée, grâce aux résultats très positifs de ces dernières semaines. L’effort doit se poursuivre, et le soutien perdurer. Au mois de novembre, il faudra de nouveau passer devant le tribunal de commerce pour prouver la viabilité du bar dans le temps. Les semaines qui viennent seront décisives pour la Mut’. Dounia a donc un dernier message : “Continuez de venir nous voir, de consommer, de proposer de l’aide… Personne n’a envie de voir fermer le lieu !”

© Mahaut Delobelle