Comment WhatsApp est devenue ma deuxième maison familiale

Publié le par La Zep,

© HBO

La famille de Mayange s’est créé une maison virtuelle sur WhatsApp, pour continuer à prendre leur café ensemble, même aux quatre coins du monde.

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Ce témoignage a été écrit dans le cadre d’ateliers menés par les journalistes de la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média qui accompagne des jeunes à l’écriture pour qu’ils et elles racontent leurs réalités quotidiennes.

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La première fois que je suis allée à la Réunion, c’était pour le réveillon 2016. Mon frère y habitait avec sa copine et nous avait annoncé sur “Teampart”, le groupe WhatsApp familial, qu’il comptait faire sa demande en mariage. À la fin du voyage, mon père a acheté cinq porte-clés margouillat, le lézard emblématique de la Réunion. Il nous en a donné un à chacun en nous disant de ne pas les perdre, que c’était le symbole de notre tribu qui s’agrandissait. J’ai déménagé près de quatre fois depuis, mais j’ai toujours ce margouillat à mon trousseau. Il me rappelle que peu importe où je vis, ils habitent toujours avec moi.

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J’ai grandi au Burkina Faso. Dans une maison à 6 193 km et deux heures de décalage de l’appartement dans lequel je vis aujourd’hui, à Toulouse. J’ai vécu à Montpellier, en Tanzanie, et maintenant ici. Ma sœur s’est envolée pour la Guadeloupe, pour Bordeaux, la Chine et enfin Toulouse. Quant à mon grand frère, il a connu la Guadeloupe, Versailles et Toulon, avant de s’installer à la Réunion. Le petit dernier a eu 16 ans l’année dernière. Arrivé en France en août, à mes côtés, il vient de commencer son périple.

Déménager de Skype à WhatsApp

Mon père, lui, est né à Kongoussi, un village du nord du Burkina. Il est l’aîné d’une fratrie de 13, installée un peu partout dans le pays. D’aussi loin que je me souvienne, il a toujours eu le rôle de messager officiel de la famille. Mariages, baptêmes, examens, il était responsable de notre newsletter interne. À l’époque, il tapait chaque message sur son téléphone à clapet. Quand ma sœur est partie, on est passé du téléphone à Skype. En 2015, quand, moi aussi, j’ai dû quitter la maison, on a déménagé sur WhatsApp.

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Avec le temps, les différents groupes WhatsApp ont fini par constituer une véritable maison numérique. À mon départ, j’ai créé “Teampart” et mon père “Chernoutouce ”. “Cher noutouce”, c’est la formule par laquelle commençaient les messages de l’antique téléphone à clapet. C’est la grande cour familiale, avec mon grand-père, ma vingtaine d’oncles et tantes et ma cinquantaine de cousins. “Teampart”, c’est la pièce à vivre d’une famille éparpillée, celle de mon père et ses enfants. On y discute entre nous et on échange quotidiennement.

Pourquoi “Teampart” ? Parce qu’on est une équipe de partenaires. On s’entraide, on vit ensemble à distance. Après le mariage de mon frère et l’emménagement de ma sœur avec son copain, leurs partenaires ont été ajoutés. Mais avec l’élargissement du groupe, une nouvelle petite pièce a été créée à côté : la “fafa”, un groupe composé de la famille nucléaire [les parents et les enfants, ndlr]. C’est un peu le bureau à l’étage, où l’on discute des sujets plus sensibles avant de les partager avec le reste de la maison.

Lorsque mon petit frère et moi avons trouvé un appartement proche de celui de ma sœur à Toulouse, mon père n’a pas caché sa joie. Enfin ! Trois de ses enfants étaient réunis. Deux jours après notre arrivée dans cet appartement, un nouveau groupe WhatsApp, “Les Toulousains”, est né, comme une nouvelle pièce dans la maison virtuelle.

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Notre café dans la cuisine virtuelle

Je ne vais pas m’en plaindre : avec 497 notifications et plusieurs appels par semaine, tous ces groupes permettent de garder contact plus facilement, sans oublier la traditionnelle réunion de famille du dernier dimanche du mois, “La Palabre” traditionnelle, à cela près qu’elle se fait en visio, toujours sur WhatsApp. L’événement s’organise plusieurs jours avant, afin de s’accorder sur l’heure de rendez-vous. Lorsque l’on a entre deux et quatre heures de décalage entre nous, c’est compliqué.

Chez nous, on a la bougeotte et c’est héréditaire. On vit un peu partout sur la planète mais on habite tous ensemble sur “Teampart”. À défaut d’entendre la machine à café de mon père au petit-déjeuner, j’entends le son de mes notifications. Quasiment tous les matins, mon père nous dit à tous “Passez une bonne journée dans la bonne humeur” et je le revois debout devant sa machine. Depuis la Réunion, mon frère répond avec une photo de son fils et lui, buvant café et biberon de bon matin. À travers les messages et photos échangées, notre maison virtuelle est bien plus vivante que celle de mon enfance, aujourd’hui déserte.

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Mayange, 22 ans, étudiante, Toulouse