C’était la goutte de trop. Le recours au 49.3 qui a fait déborder le vase, le rejet de la motion de censure qui a fait craquer le vernis. D’habitude, lorsqu’on parle de politique, les influenceurs, créateurs de contenu, vidéastes et streamers restent plutôt discrets sur leurs réseaux sociaux, que ce soit sur Instagram, TikTok, Snapchat, YouTube ou Twitch.
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À l’instar d’une partie de la population française, il y a ceux qui ne suivent pas du tout la politique, ceux qui ne la comprennent pas, ceux qui ne se sentent pas légitimes d’en parler ou même ceux qui craignent de trop influencer (politiquement donc) leur audience, parfois très jeune.
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Enfin, dans un registre plus “commercial”, on perçoit aussi une nécessité de rester neutre pour ne pas froisser une partie de son audience dépolitisée, voire opposée à ses idées. Ainsi, la “neutralité” de facto des influenceurs vis-à-vis de la politique est aussi vieille que leur métier et a toujours fait débat. “Sur YouTube, on ne parle pas politique”, disait-on déjà il y a dix ans.
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Il y a, bien sûr, des créateurs de contenu sur le Web français qui expriment depuis toujours leurs opinions politiques (Usul, Dany Caligula pour ne citer qu’eux) mais leurs audiences relativement en deçà de celles des plus gros influenceurs confirmeraient presque la règle selon laquelle pour réussir sur Internet, il vaut mieux ne pas toucher de près ou de loin à la politique.
Mais, depuis quelques années, la donne semble avoir changé. À mesure que des sujets politiques qui concernent absolument tout le monde émergent (le réchauffement climatique, par exemple), certains gros créateurs de contenu assument de plus en plus leurs engagements et leur position politique. Le projet de réforme des retraites du gouvernement Borne et son adoption par 49.3 font partie de ces sujets d’envergure et ils ont réveillé l’influence Web française.
Des prises de position attendues mais avec un appel inédit à l’engagement
La semaine dernière, l’annonce de recourir au 49.3 avait fait sortir de leurs gonds plusieurs influenceurs. Certaines réactions, comme Antoine Daniel qui n’a jamais caché son opposition au gouvernement actuel, n’ont pas surpris. Hier, avec le rejet de la motion de censure et l’adoption du texte, le streamer est allé plus loin. Fustigeant le gouvernement Borne en story Insta, Antoine Daniel a épinglé pendant tout son stream d’hier soir les liens de cagnottes de solidarité visant à soutenir financièrement les grévistes.
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Cette initiative a été également partagée par Angle Droit ou encore Mynthos. De manière générale, on a toujours constaté que les streamers Twitch osent bien plus souvent exprimer leurs opinions politiques que leurs homologues sur YouTube ou Instagram. Une forme de maturité ? Peut-être, quand on sait que l’audience sur Twitch est légèrement plus âgée que sur les autres plateformes.
Ainsi, d’autres streamers ont exprimé leur colère quant au rejet de la motion de censure comme Maghla qui a glissé une discrète référence aux neuf voix manquantes. De son côté, la streameuse AvaMind n’a pas hésité à affirmer son fort engagement en critiquant la majorité présidentielle mais, surtout, en donnant des conseils pratiques aux manifestants pour les jours à venir, notamment en leur rappelant leurs droits vis-à-vis des forces de l’ordre.
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Sur Twitch toujours, on peut aussi parler de Maxime Biaggi et de son comparse Grimkujow. Outre leur soutien respectif aux grévistes et aux manifestants sur leurs comptes Twitter perso, leur émission Zen d’hier intégrait un mini-sketch satirique envers la ministre Borne et son usage du 49.3.
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L’émission avait, par ailleurs, invité l’humoriste Freddy Gladieux qui avait déjà dénoncé la réforme des retraites en story Insta, expliquant que ses parents étaient déjà en mauvaise santé lorsqu’ils ont atteint l’âge de 60 ans.
Des influenceurs, d’habitude silencieux, prennent position
La vraie surprise est toutefois venue d’influenceurs qui n’avaient jamais pris la parole sur des sujets aussi sociopolitiques. Cela a d’abord été souligné par le journaliste Vincent Manilève (ou “Vincent d’Internet” sur les réseaux) qui s’est chargé de rassembler en un grand thread les différentes prises de position des créateurs de contenu français, allant du discret RT aux stories dédiées et vindicatives.
Dès le 17 mars, Sulivan Gwed (autrefois connu sous le pseudo “Panda Moqueur”) avait interpellé directement, en story Insta, le gouvernement Borne et le président Macron suite à la décision de recourir au 49.3.
Il a été rapidement suivi par l’influenceuse superstar Léna Situations, qui a manifesté sa colère avec un : “La honte”, envoyé au gouvernement. Si on le connaissait assez discret sur ce sujet, le youtubeur SEB (ex “Seb La Frite”) n’a, lui aussi, pas hésité à donner son opinion, appelant à soutenir les grévistes dans leurs actions.
Sur Snapchat, l’influenceuse Poupette Kenza n’a pas hésité à DM le président de la République.
Côté YouTube, on retrouve aussi des prises de parole de Mastu ou encore Joyca qui souhaitent du courage aux grévistes et aux manifestants. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui appellent les plus jeunes manifestants à faire attention à eux dans les prochains jours, faisant référence (explicitement ou pas) aux forces de l’ordre. D’autres soutiennent plus discrètement, comme Mister V qui a retweeté le twittos Arkunir ou encore Domingo qui a décidé de retweeter un lien vers une caisse de solidarité.
Enfin, certains restent prudents, en rappelant qu’ils ne souhaitent pas parler de politique via leurs réseaux sociaux mais en apportant leur soutien aux grévistes et/ou aux manifestants, c’est le cas notamment du youtubeur Joyca ou encore de Mastu, tous deux en stories Insta.
Le cas Inoxtag, icône d’une génération dépolitisée ?
Reste le jeune youtubeur Inoxtag, 21 ans. Il fait partie de ces nouvelles idoles de la Gen Z. Son approche vis-à-vis de la réforme des retraites est tout aussi unique en tant qu’influenceur que probablement révélatrice de l’état d’esprit de beaucoup de jeunes de son âge. Le 16 mars 2023, Inoxtag demande sur Twitter les raisons invoquées par le gouvernement pour recul de l’âge de la retraite.
Après avoir obtenu de nombreuses réponses, plus ou moins orientées (d’un côté comme de l’autre), il tweete finalement le 20 mars pour expliquer qu’il ne souhaite pas parler politique ou prendre position. Mais, passé le rejet de la motion de censure, Inoxtag décide finalement de supprimer ce dernier tweet et annonce soutenir ceux qui “se prennent la réforme des retraites”.
Enfin, le mardi 21 mars au matin, Inoxtag publie une série de tweets bien plus engagés. Il y regrette sa supposée immaturité de ne pas s’être intéressé à cette actualité sociopolitique. Il annonce dès lors son franc soutien aux grévistes et aux manifestants, expliquant même qu’il pourra partager les liens vers les cagnottes de solidarité. Il conclut simplement par un : “J’ai 21 ans, j’dois agir comme un adulte.”