Ma mère et mon père se sont séparés durant mon adolescence. Lui est monté sur Paris, et ma mère perçoit une petite pension alimentaire. Elle travaille comme chauffeuse de minibus pour les enfants handicapés. Ça ne lui rapporte pas grand-chose.
Publicité
Ma maman, elle est fière, alors bien sûr, elle ne dit pas que c’est compliqué, mais toi, tu le vois que ça ne va pas. Le frigo était souvent vide. Elle disait ne pas avoir faim pour que mon frère et moi puissions manger. Ça détruit intérieurement, de l’entendre dire ce genre de choses. Parfois, nous avions même peur d’inviter des amis à la maison par crainte d’être jugés… Certains diront que c’est aux parents de savoir tout gérer. Moi, je refusais d’attendre que ça aille mieux. Je me suis dit que je pouvais aider.
Publicité
Ma première tactique pour que ma mère mange a été d’inverser la sienne : j’ai dû moi-même dire que je n’avais pas faim pour qu’elle mange. Mais ce n’est pas une solution. J’ai donc décidé d’aller travailler. Le problème, c’est que j’avais 14 ans. Mon père et ma mère n’étaient pas d’accord. Et la loi m’en empêchait.
Après un an de persuasion, j’ai commencé à faire des ménages chez des personnes âgées. Je passe la serpillière, le balai, l’aspirateur ou je lave leur piscine. Parfois, je suis plus une sorte d’aide à domicile : je leur fais la toilette, les aide à se déplacer ou à se faire à manger le midi. Les sous que je gagne, j’en donne la totalité à ma mère pour pouvoir combler le manque.
Publicité
Mon argent est pour ma mère
Toute la semaine, quand je ne suis pas en cours, je travaille. Ça veut dire que tout le mercredi, je bosse, le jeudi après-midi, je bosse, et tous les week-ends, je bosse. Pendant les vacances scolaires, je travaille toute la semaine, mais je m’accorde quand même des pauses les week-ends !
Mon salaire n’est jamais régulier car je ne fais pas toujours la même chose et les personnes âgées ne donnent pas toutes la même somme. J’ai pu gagner entre 50 et 400 euros certains mois. Ma mère n’a jamais vraiment accepté que je ramène de l’argent à la maison. Mais je ne lui laisse pas le choix. Soit je mets directement les sous dans son porte-monnaie, soit je fais directement des courses que je ramène à la maison.
Publicité
Je trouve ça normal car ça m’est impossible de laisser ma famille dans la galère, de rester les bras croisés. Je n’espère pas continuer à donner de l’argent à ma mère éternellement. Je voudrais construire ma vie : me payer un appartement, une voiture et tout ça.
Cet été, je vais avoir mon premier vrai travail, au McDo. J’en suis trop fière. Parce qu’en plus d’aider ma famille, en travaillant, j’ai vraiment l’impression de grandir. Ça m’a fait prendre de la maturité.
Colette, 16 ans, lycéenne, Port-de-Bouc
Publicité
Ce témoignage a été écrit dans le cadre d’ateliers menés par les journalistes de la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média qui accompagne des jeunes à l’écriture pour qu’ils et elles racontent leurs réalités quotidiennes.