En 2022, Imran Nuri a mis en application une idée qui germait dans sa tête depuis 2019. Il a déposé dans le coffre de sa voiture une petite valise et n’a surtout pas oublié son appareil photo, un argentique moyen format vieux de 50 ans, semblable à celui que possédait Vivian Maier. Il embarquait alors pour un périple de trois mois, seul au volant, à la rencontre de 1 000 inconnu·e·s rencontré·e·s dans 48 États, à travers 24 000 kilomètres.
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Habitué à créer des projets sur “le caractère bref de la vie humaine”, nous précise-t-il, le photographe a interrogé des anonymes quant à “ce qu’ils auraient aimé savoir plus tôt, ce qu’ils avaient appris à la dure ou ce qu’ils aimeraient pouvoir dire à leur version plus jeune”. C’est à la suite d’une introspection – après s’être demandé ce qu’il changerait dans sa vie s’il ne lui restait plus qu’une année sur Terre – qu’Imran Nuri s’est décidé à prendre davantage au sérieux sa carrière artistique, à sortir de sa zone de confort et à collecter les histoires intimes d’inconnu·e·s.
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En toute logique, sachant que le projet émanait d’interrogations personnelles, le photographe a décidé de “débuter et terminer le voyage dans sa ville natale de Columbus, dans l’Ohio”. Si son plan original consistait à suivre une route allant “dans le sens des aiguilles d’une montre”, il s’est finalement laissé la liberté de “planifier la suite de l’aventure chaque jour au réveil”, afin de se laisser surprendre par les aléas du voyage et de ses rencontres.
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Des centres-villes aux parcs nationaux, le photographe approchait des adultes seul·e·s, ayant remarqué que les gens se confiaient plus facilement en tête-à-tête. La 72e personne rencontrée lui a ainsi confié l’importance de “toujours prendre du temps pour les autres et pour ce qu’on aime, sinon, le temps filera sans qu’on en ait pris conscience” ; une autre lui a assuré qu’il fallait “toujours suivre son premier instinct, éviter le plan B”, tandis qu’un dernier a soufflé qu’il aurait aimé “prendre davantage de risques et apprendre de ses erreurs”.
Les astuces vont du pratique comme “Faites attention à vos prêts bancaires !”, au plus spirituel “Laissez faire le temps. Profitez de toutes les expériences possibles parce que vous ne savez jamais où elles vous emmèneront. Dans les recoins les plus étranges se passent de belles choses. Ce sera une belle vie. Ça va venir.”
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Lorsque je lui demande quels conseils entendus l’ont particulièrement touché, Imran Nuri hésite :
“Ça dépend quand tu me demandes et dans quel état d’esprit je suis à ce moment-là. Parfois, je pense aux inconnus qui mourraient d’un cancer et auraient aimé davantage apprécier chaque petit moment, qu’ils soient bons, mauvais ou entre les deux.
D’autres fois, je pense aux gens qui m’ont parlé de l’importance de la religion pour eux et la façon dont ces inconnus croyants avaient vraiment l’air plus heureux que les autres. Plus récemment, j’ai beaucoup pensé aux inconnus qui parlaient d’amour. Certains me racontaient être en couple depuis des décennies tandis que d’autres confiaient se sentir beaucoup mieux depuis leur divorce. C’est un sacré pari qu’on fait quand on tombe amoureux.”
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Sur son compte Instagram, le photographe partage conseils et images, saupoudrés de ses propres réflexions sur son aventure, le racisme, le privilège blanc, la générosité d’autrui. En plus de récolter des conseils aussi divers qu’universels, Imran Nuri a eu le temps de cogiter, développer de nouvelles lignes de conduite et mis ses préjugés au défi.
“Je n’avais jamais été dans le Sud des États-Unis auparavant et j’étais assez nerveux parce que c’est une région qui est connue pour être plus conservatrice et souvent plus raciste. En tant qu’homme racisé, je ne savais pas à quoi m’attendre, mais finalement, j’ai été mieux traité là-bas que nulle part ailleurs”, partage-t-il.
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Grâce à son projet, bien similaire au célèbre Humans of New York de Brendon Stanton, Imran Nuri aimerait “que les gens de tout âge se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre leurs combats”, et se souviennent que “la vaste majorité des personnes de cette planète est bonne et bien intentionnée”. On va essayer de croire en ce dernier conseil et, au pire, on appellera ça la méthode Coué.
Vous pouvez retrouver le travail d’Imran Nuri sur son site et sur le compte Instagram de son projet.