Que vous visitiez l’exposition “Castle Mills: Then & Now | Whose Gallery is it Anyway?” aujourd’hui, demain ou lors de son dernier jour, le 30 juin prochain, vous ne vivrez pas la même expérience, ne verrez sans doute pas les mêmes œuvres ni la même scénographie. Le but de l’événement est de laisser le champ libre au public : tout le monde est libre d’apporter son œuvre mais aussi de déplacer les œuvres déjà exposées, voire d’en supprimer “si elles ne s’alignent pas avec [notre] vision concernant l’espace le jour de [notre] visite”, précise le musée.
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L’initiative paraît ludique et joyeuse mais elle souligne aussi l’entre-soi du monde de l’art et questionne qui est exposé dans les musées et pourquoi. Comme le soulignent, entre autres, des mouvements comme les Guerilla Girls ou Renoir Sucks at Painting, la grande majorité des artistes exposés dans les plus gros musées du monde sont des hommes, la plupart étant exposés parce que c’est comme ça, qu’on a décidé au XIXe ou au XXe siècle qu’ils étaient des génies. En 2019, une étude publiée par la revue scientifique PLoS One rapportait que, sur 40 000 œuvres analysées dans 18 des plus grands musées états-uniens, 85 % étaient réalisées par des personnes blanches et 87 % par des hommes.
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L’exposition écossaise s’est peut-être inspirée de ces quelques artistes anonymes qui, ces dernières années, ont fait les gros titres en accrochant, ni vu, ni connu, leurs œuvres dans des musées, espérant ainsi attraper l’œil du public ou de spécialistes. En février dernier, un employé de la Pinakothek der Moderne de Munich s’était fait licencier après avoir accroché une de ses toiles à côté d’œuvres signées Paul Klee, Francis Bacon ou Rosemarie Trockel. Quelques mois plus tôt, en octobre 2023, c’était une jeune artiste de Bonn (décidément, les Allemand·e·s ont de l’audace), qui avait suivi le même mode opératoire. Cette fois-ci, le musée avait apprécié le panache et le talent de l’artiste et avait tenté de la retrouver.
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En laissant son public maître de son exposition, le centre Edinburgh Printmakers court-circuite les intermédiaires habituels du monde de l’art et autres “maîtres du bon goût” qui décident de ce qu’on voit au musée. L’initiative semble réussie : tant de personnes ont apporté leurs œuvres que la galerie a dû réduire le nombre de travaux que chacun·e peut apporter : “Maximum une grande œuvre de 210 millimètres sur 297 millimètres ou deux plus petites œuvres qui, ensemble, font cette même taille.” Et s’il n’y plus de place sur les murs et que vous ne souhaitez pas virer les œuvres des autres, pas d’inquiétude, vous pouvez réserver un créneau pour présenter une performance dansée, chantée, parlée, mimée. Le champ est libre, on a dit.
L’exposition “Castle Mills: Then & Now | Whose Gallery is it Anyway?” est exposée à Edinburgh Printmakers jusqu’au 30 juin 2024.
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