Une loi “historique” a été adoptée pour faciliter la restitution des œuvres pillées par les nazis

Publié le par Konbini avec AFP,

© Terry Browning/Unsplash

"Derrière chaque œuvre, il y a une histoire familiale, derrière chaque spoliation, il y a un drame humain. À chaque restitution, c’est un acte de justice qui est rendu."

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Le Parlement, unanime, a adopté une loi-cadre pour faciliter la restitution par les collections publiques françaises des biens culturels dont les Juif·ve·s furent spolié·e·s sous l’Allemagne nazie, “une loi d’action” qui permettra “des actes concrets de justice”, selon la ministre de la Culture. Assemblée nationale puis Sénat ont successivement approuvé une dernière fois à l’unanimité un texte “historique et hautement symbolique”, selon la rapporteure au Sénat Béatrice Gosselin (apparentée LR) : “Si le rôle du législateur n’est pas de réécrire l’Histoire, il peut être de sa responsabilité de faire en sorte de panser certaines plaies du passé.”

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L’ensemble des député·e·s ont applaudi le vote, debout. “Cette journée nous incitera à penser à toutes les familles dont les objets, les œuvres d’art, les livres ont été spoliés, fragments d’une histoire tant intime que collective”, a déclaré la ministre Rima Abdul Malak. “C’est une loi d’action pour que ce devoir de mémoire et de vigilance se traduise par des actes concrets de justice, pour éclairer notre Histoire autant que notre avenir. […] Derrière chaque œuvre, il y a une histoire familiale, derrière chaque spoliation, il y a un drame humain. À chaque restitution, c’est un acte de justice qui est rendu”, a-t-elle ajouté.

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Dérogation

L’objectif est de fixer un cadre général pour faire sortir les œuvres des musées afin de les restituer à leurs propriétaires légitimes ou ayants droit, sans plus avoir à recourir à des textes législatifs au cas par cas. Les ayants droit pourront passer un accord à l’amiable sur d’autres modalités de réparation que la restitution. Dans les deux chambres, les débats se sont focalisés sur la formulation pour désigner le régime de Vichy.

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Selon le texte, les biens concernés ont été volés entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945, “dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées par l’Allemagne nazie, par les autorités des territoires que celles-ci a occupés, contrôlés ou influencés et par l’État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944”. “Nous pouvons regarder notre Histoire bien en face et dire que oui, c’est bien l’État français tel qu’il a été entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944 qui a commis ces crimes avec une partie de ses fonctionnaires, de sa police, de ses infrastructures“, a affirmé le député communiste Stéphane Peu.

“À ma connaissance, c’est la première fois qu’une loi mentionne la date du 10 juillet 1940, et donc le vote par lequel 426 députés et 244 sénateurs accordèrent tous les pouvoirs au maréchal Pétain”, a complété au Sénat le communiste Pierre Ouzoulias. 100 000 œuvres auraient été saisies en France durant la Seconde Guerre mondiale selon le ministère. Quelque 60 000 biens retrouvés en Allemagne à la Libération ont été renvoyés en France. 45 000 ont été rapidement restitués, et environ 2 200 œuvres ont été confiées aux musées nationaux, dites “œuvres MNR”.

Le reste a été vendu par l’administration des Domaines au début des années 1950, et nombre d’œuvres sont retournées sur le marché. Or, contrairement aux œuvres d’art “MNR”, l’État ne peut lancer la restitution d’œuvres entrées dans les collections publiques qu’en faisant adopter des lois, pour déroger au principe d’inaliénabilité des collections. La loi-cadre entérine une dérogation à ce principe pour les biens spoliés. L’État devra toutefois consulter une commission spéciale.

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“La Shoah ne se répare pas”

En 2019, le ministère de la Culture a créé la Mission de recherche et de restitution des biens culturels dont les propriétaires furent spolié·e·s entre 1933 et 1945. Conservé par le musée d’Orsay, le tableau Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt, a ainsi été rendu aux ayants droit de ses propriétaires. Il faisait partie des 15 œuvres concernées par une loi du 21 février 2022 permettant leur sortie des collections publiques.

“Rendre un tableau ce n’est pas de la réparation, c’est de la justice”, a de son côté affirmé Roger Karoutchi (LR). “La Shoah ne se répare pas, ne se réconcilie pas”, a-t-il dit. Dans l’hémicycle, le débat s’est focalisé sur la responsabilité historique. La dernière restitution de biens spoliés par les nazis a eu lieu le 18 avril. Il s’agissait de trois œuvres faisant partie des biens dits “MNR”. Au total, 184 œuvres et objets “MNR” et assimilés ont été restitués depuis 1950.

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Deux autres textes sont à venir. Emmanuel Macron a ainsi promis une autre loi-cadre pour procéder à la restitution de biens culturels africains, parfois acquis dans des conditions contestables. Et le Sénat examinera en juin une proposition de loi transpartisane dédiée à la restitution de “restes humains”, telles les têtes maories rendues en 2010 à la Nouvelle-Zélande.