Nombreux·ses sont les artistes à redouter les avancées des intelligences artificielles qui pourraient, à terme, les “remplacer” en remplissant les banques d’images de photos fausses – mais gratuites – et en générant des logos en deux temps, trois mouvements. L’entreprise Photo AI semble vouloir surfer sur cette peur en proposant à sa clientèle de “prendre de somptueuses photographies grâce au premier photographe IA”.
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La plateforme souhaite ainsi remplacer les photographes de chair et d’os par l’intelligence artificielle, qui pourraient générer des images de sa clientèle sans avoir “besoin de payer un photographe qui coûte cher, des centaines ou des milliers de dollars”, peut-on lire sur le site de l’entreprise. Photo AI indique que chacun·e peut devenir “modèle IA” dans des photos “vivantes et réalistes” directement “depuis son ordinateur ou son téléphone” : “Vous pouvez vous placer dans des décors différents, avec des tenues différentes, en train de faire des actions différentes, avec des expressions différentes.” Une opportunité de devenir un Sim, en moins marrant.
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Pour générer son avatar modèle, il est nécessaire de “nourrir” l’algorithme de nombreuses photos de soi, des photos “variées, dont des selfies et des portraits en pied depuis des endroits et des angles différents, avec des vêtements et expressions différentes”. En environ 27 minutes, Photo AI devrait générer le “modèle”, affirme le site. Les photos sont ensuite “prises” en 14 secondes et permettraient d’essayer des vêtements ou de vivre par procuration une remise de diplôme ou une sortie en club – pour des abonnements allant de 29 à 199 dollars par mois.
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Des ombres au tableau numérique
Dans sa foire aux questions, la plateforme ne cache pas que, comme pour toutes les intelligences artificielles, il est possible que des bizarreries s’invitent dans les images, comme “des bras en plus ou des visages déformés”. “Selon notre expérience, trois photos sur quatre seront plutôt bien et une sur 10 sera exceptionnelle.” Membres en trop et dents supplémentaires mises de côté, les photos ne sont pas particulièrement belles ni artistiques. Pas besoin d’avoir un œil surentraîné pour rapidement se rendre compte qu’elles sont artificielles. Pas besoin non plus d’être un·e expert·e du bon goût (quoi que cela veuille dire) pour leur trouver peu d’intérêt.
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Le fondateur du projet, “l’entrepreneur indépendant néerlandais” Pieter Levis souhaite rassurer les utilisateur·rice·s de son intelligence artificielle en affirmant qu’il protège leurs données et ne “les vend pas à des tiers” – ou, en tout cas, pas pour le moment. Il prie également sa clientèle de ne pas téléverser des images de mineur·e·s.
Aucun mot n’est cependant touché quant à l’utilisation d’images de tiers. Sachant qu’en scrollant, nous sommes bien vite tombées sur le portrait d’une jeune femme en déshabillé de cuir, on ne peut s’empêcher de penser aux occasions de revenge porn, ou simplement d’utilisations perverses, que permet la plateforme. Une des catégories principales du site concerne les “shootings en maillots de bain”. Il n’y a pas de réel besoin d’expliciter à quel point cette option peut ouvrir la porte à des idées problématiques.
Au vu des différentes catégories proposées (“Mariage”, “Cosplay”, “Streetlooks”, “Maternité” ou encore “Festivals de musique”), il semble qu’on puisse s’inventer toute une vie – ou inventer une vie à quelqu’un d’autre – sans quitter son canapé. On n’a pas l’habitude de tirer aveuglément sur les progrès de l’intelligence artificielle, mais c’est sans doute ici qu’on trace la limite de l’acceptable.
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