Il y a huit ans, le 13 novembre 2015, le jeune homme de 24 ans qui jouait alors de la basse dans plusieurs groupes depuis une dizaine d’années, assiste au concert des Eagles of Death Metal au Bataclan avec un ami guitariste. C’est un soir d’horreur qui ne l’aura certes, pas “touché physiquement mais psychologiquement, sauf qu’[il] ne l’admettai[t] pas”, explique-t-il à l’AFP.
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Le silence comme seul instrument
Joffrey — prénom d’emprunt qu’il donne après avoir livré sa vraie identité et la preuve qu’il fut partie civile au procès des attentats — réussit à trouver une issue de secours dès les premières détonations. Pour mémoire, 90 personnes ont été tuées. Joffrey reprend ensuite le cours de sa vie, touché psychologiquement, allant “de ville en ville pour le boulot”. Son groupe de rock ne fait plus partie du paysage, il joue de la basse seul, puis plus tout. “Le silence dure près de quatre ans”.
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Ce silence, ce n’est pas seulement la pratique musicale qui s’estompe. Il s’enfonce dans le “déni” autour des événements entourant le Bataclan le 13 novembre 2015. Aujourd’hui, à l’âge de 32 ans, il se rend compte qu’il était “toujours absent pendant les repas de famille, avec quelque chose dans le bide, toujours un non-dit”.
Déclic en musique
Le déclic survient avec la médiatisation du procès d’une fausse victime des attentats du Bataclan début 2019 : “J’en ai parlé chez ma psy, il fallait que je sorte tout ce que j’avais à dire”. “Je me remets à la musique, avec un rap, mais c’est mauvais, et puis, pendant le confinement, j’ai rebranché la basse et la guitare”, explique-t-il.
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Disponible vendredi sur les plateformes, l’album Back to Life, signé Republic of the Void — un groupe composé de Joffrey et d’autres musiciens. On y trouve dix morceaux à dominante rock, aux textes majoritairement en français, à fleur de peau. Parmi les exceptions anglophones, le morceau “And Freedom… Will Win!”.
“Cette chanson correspond à mon témoignage au procès des attentats, je l’ai traduit en anglais, c’est enregistré par un acteur et j’ai ajouté ‘Et la liberté… vaincra !’ pour le titre.”
Mis à part ce morceau funky, deux ballades et un son boogie-électro, le disque est branché sur de grosses guitares : “Hurler sur du rock, ça se fait, même si les voisins me prennent pour un fou”, rit-il.
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Joffrey apparaît masqué sur ses visuels, il explique la raison : “C’est bien que la musique soit mise en avant, et puis ça fait des années que je vogue entre paranoïa et lucidité. Je suis jeune papa, je préfère me protéger, on a tué des gens pour moins que ça”.