Le mois dernier, un photographe amateur – ayant pour pseudo “Ibreakphotos” – a décidé de réaliser une expérience sur son smartphone d’une marque sud-coréenne afin de découvrir comment marche réellement une fonctionnalité appelée “zoom spatial”, lancée en 2020, qui revendique un taux de zoom de 100x. Le fabricant sud-coréen a utilisé des images de la Lune d’une clarté étincelante pour promouvoir cette fonctionnalité.
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Ibreakphotos a pris ses propres clichés de l’astre, flous et sans détails, laissant son téléphone ajouter notamment des cratères. Le logiciel d’intelligence artificielle intégré a utilisé les données de son “entraînement” sur de nombreuses autres photos de la Lune pour ajouter des détails là où il n’y en avait pas.
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“Les photos de la Lune prises par mon smartphone sont fausses”, en a conclu le photographe amateur sur le forum Reddit, amenant de nombreuses personnes à se demander si les clichés qu’elles prennent sont vraiment les leurs et s’ils peuvent même être considérés comme des photographies. “Je ne dirais pas que je suis satisfait de l’utilisation de l’IA dans les appareils photo, mais je suis d’accord tant que l’on communique clairement ce que chaque canal de traitement fait réellement”, a déclaré le photographe anonyme à l’AFP.
La marque a défendu sa technologie, affirmant qu’elle ne “superposait” pas les images et que les utilisateur·rice·s peuvent désactiver la fonction à tout moment. Il faut savoir que depuis 2016, la course à l’intégration de l’IA dans les appareils photo des smartphones est lancée mais qu’il est assez récent qu’elle modifie à ce point l’image originale.
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Pas “d’origine humaine”
Mais le débat sur l’IA ne se limite pas aux amateur·rice·s sur les forums de discussion : les organismes professionnels tirent la sonnette d’alarme. Selon Michael Pritchard de la Société royale britannique de photographie, l’industrie est inondée d’IA, qu’il s’agisse des appareils photo ou de logiciels comme Photoshop. “Cette automatisation brouille de plus en plus les frontières entre une photographie et une œuvre d’art”, dit-il à l’AFP.
La nature de l’IA est différente des innovations précédentes car la technologie peut apprendre et apporter de nouveaux éléments au-delà de ceux enregistrés par la pellicule ou le capteur. Cela ouvre des perspectives mais aussi “des défis fondamentaux pour redéfinir ce qu’est la photographie et à quel point une photographie est ‘réelle'”, ajoute-t-il.
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Ce qui préoccupe le plus les photographes professionnels, cependant, est la montée en puissance des outils d’IA qui génèrent des images entièrement nouvelles à partir d’un texte, comme DALL-E 2, Midjourney (utilisé récemment pour créer une photo virale du pape en doudoune) et Stable Diffusion. “Il ne s’agit pas d’un travail d’auteur” et, “dans de nombreux cas, il est basé sur l’utilisation d’ensembles de données d’entraînement d’œuvres sans licence”, remarque Nick Dunmur, membre de l’association britannique des photographes, alors que le phénomène a déjà donné lieu à des procès aux États-Unis et en Europe.
Jos Avery, un photographe amateur états-unien qui a récemment piégé des milliers de personnes en publiant sur Instagram de superbes portraits créés avec Midjourney, n’est pas d’accord et souligne que la création de ses images prenait souvent de nombreuses heures. “L’IA n’entraînera pas la mort de la photographie”, estime-t-il. Une prédiction partagée par Michael Pritchard, qui rappelle que la photographie a perduré depuis le daguerréotype jusqu’à l’ère numérique, et que les photographes ont toujours relevé les défis techniques.